Un retour en Chambre houleux, mais responsable?

S’il y avait un mot dont le gouvernement fédéral ne pouvait pas s’en passer à la première période de questions de la Chambre des communes hier, c’était «responsable». De l’économie au Partenariat Transpacifique (PTP) à la politique de la défense, ministre après ministre se leva pour défendre les actions «responsables» des Libéraux face à la chute des prix du pétrole, la négociation des accords commerciaux internationaux et la lutte contre l’Etat Islamique.

Lorsque le conservateur James Bezan a critiqué le fait que le Canada ne fut pas invité à une réunion récente de la coalition qui affronte l’EI, le ministre de la Défense Harjit Sajjan a répliqué que le Canada n’a pas participé à de telles réunions pour les deux dernières années, et que «les Canadiens attendent de nous d’être responsable» en ce qui concerne le retrait de nos CF-18s. Traduction: Le gouvernement prend son temps doux, malgré avoir promis (à tort, à mon avis) de retirer nos avions … mais c’est acceptable, parce que nous devons procéder avec prudence.

Sous le feu du porte-parole en matière de commerce international, M. Gerry Ritz, sur la question du PTP, la ministre du commerce international Chrystia Freeland a défendu (et même soulevé) une bizarre lettre qu’elle a postée sur le site Web de son ministère. Dans ce document, elle affirme que, bien que le gouvernement va signer l’accord de commerce international le 4 février, il ne suit pas qu’il va le ratifier.

«Signer est tout simplement une étape technique dans le processus, ce qui permet le texte PTP à être déposé au Parlement pour examen et débat avant que toute décision finale ne soit prise», écrit Freeland. «Tous les autres pays suivront le même processus, et chacun a jusqu’à deux ans à envisager la ratification avant de prendre une décision définitive. » Freeland dit qu’elle a l’intention de consulter les Canadiens, étudier l’accord, et en débattre à la Chambre.

C’est comme si Ottawa accepte de se fiancer, mais veut être en mesure de sortir du mariage – dans le cas où un trop grand nombre de ses amis (les électeurs) finissent par haïr le marié après qu’ils le rencontrent. Ce n’est pas exactement un vote de confiance dans ce qui est sans doute le plus important accord commercial de la décennie, à un moment où l’économie pourrait utiliser chaque coup de pouce, et chaque moteur de création d’emplois, possible.

Ces deux échanges étaient probablement les exemples les plus flagrants de «novlangue» qui furent prononcés lundi. La définition du gouvernement de «responsable» est fort différent de celui de l’opposition – et de la plupart des gens, je pense. Les libéraux utilisent le mot pour défendre l’inaction, transformant la procrastination dans la prudence. Mais alors qu’ils peuvent probablement le faire avec le PTP (dont la plupart des Canadiens ne saisissent pas complètement les détails) ils auront plus de difficulté sur la question de l’EI, qui est beaucoup plus claire.

Et ils ne peuvent certainement pas se tourner les pouces sur l’autre crise imminente du jour – la menace à l’unité nationale posée par le pipeline Energie Est.  Dans un texte d’opinion publié dans la Gazette, le maire de Montréal, Denis Coderre, a déclaré son opposition catégorique au projet, affirmant que, «en plus de l’absence totale de coopération de la société TransCanada, ce projet n’a pas obtenu la note de passage dans les domaines de la sécurité économique, sociale, environnementale et publique».

La lettre de Coderre semble mettre en rage une large section des voix canadiennes, de Naheed Nenshi à Brad Wall à… Rick Mercer. Avec de tels alliés, les conservateurs n’ont pas hésité de prendre le gouvernement fédéral à la tâche.

Ainsi, la question a pris beaucoup d’espace à la Chambre. «Peut-être que le premier ministre devrait cesser d’utiliser son téléphone portable pour prendre des autoportraits avec Leo DiCaprio et appeler Denis Coderre pour lutter pour les emplois de ressources naturelles», a déclaré Ambrose. Candice Bergen, Andrew Scheer et Gérard Deltell l’ont suivies, martelant le ministre des ressources naturelles Jim Carr dans les deux langues officielles, sur les 100,000 personnes sans emploi en raison de la chute des prix du pétrole. (Ex-Président Scheer, ironiquement, avait l’air si heureux de poser des questions au lieu d’avoir à les arbitrer que cela a presque miné la gravité de la question).

Premier ministre Justin Trudeau a riposté que les conservateurs n’avait aucune base pour se plaindre que son gouvernement «ne pouvait pas se faire en dix semaines ce qu’ils ne pouvaient pas le faire en dix ans!» – L’échec des conservateurs d’obtenir la construction d’un important oléoduc est la plus grande faille dans leur armure sur cette question. Mais il n’est pas vraiment le cœur du débat. Le vrai problème de Trudeau est que les maires et premiers ministres se disputent à un moment où le PM prêche la politique de consensus et d’harmonie.

Trudeau doit aplanir les fissures de cette querelle dans la fédération, et bientôt. Il ne peut pas la laisser se transformer en l’équivalent du malheureux Programme national de l’énergie de son père – une comparaison qu’Ambrose a déjà fait en conférence de presse. C’est bien que Trudeau a rencontré Coderre aujourd’hui à Montréal. Ne pas agir serait non seulement politiquement toxique pour les libéraux – il serait irresponsable.

 

Version anglaise du texte publiée à ipolitics.ca

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