Trudeau fait son mea culpa – Morneau se fait tasser

C’est officiel : le vernis sur le dos du poney commence à s’effriter. Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé aujourd’hui que les libéraux n’iraient pas de l’avant avec certains des changements proposés aux impôts des petites entreprises.

Après avoir insisté en septembre sur le fait que « nous en faisons plus pour ceux qui en ont besoin et moins pour ceux qui n’en ont pas besoin », Trudeau a fait son mea culpa en disant qu’il veut maintenant s’assurer que tout le monde profite des propositions et des mesures que nous proposons pour encourager les petites entreprises à croître ».

Ces mesures seront dévoilées au cours de la semaine, mais incluront une sorte de recul sur la question de la répartition du revenu – ce qui permet aux propriétaires de petites entreprises de distribuer leurs revenus avec des membres de leur famille qui bénéficient d’un taux d’imposition inférieur sans nécessairement avoir à effectuer de travail pour l’entreprise. Les libéraux revoient également leur proposition visant à éliminer l’exonération cumulative des gains en capital, mesure qui aide les actionnaires à planifier leur retraite et à éviter les conséquences fiscales négatives du transfert intergénérationnel d’entreprises familiales. M. Trudeau a également ramené à l’avant-scène la promesse électorale du gouvernement de ramener le taux d’imposition des petites entreprises de 11 à 9%, ce qu’il promet de mettre en œuvre d’ici 2019.

Le lieu de cette annonce était un choix curieux pour le gouvernement : une conférence de presse à Stouffville, en Ontario, un endroit que la plupart des journalistes de la Colline parlementaire ne connaissent même pas. Tout ce qu’il manquait, c’était un panneau de Tim Horton à la fenêtre et nous nous saurions crus de retour à l’époque du précédent gouvernement conservateur, qui faisait régulièrement des annonces aussi loin que possible d’Ottawa.

C’était bizarre. Mais ce qui était encore plus étrange, c’est le fait que le ministre des Finances, Bill Morneau, assistait à l’annonce mais se tenait silencieusement au fond de la pièce pendant que son patron parlait. À un moment donné, lorsqu’un journaliste de Global TV a posé une question à Morneau, Trudeau a déclaré : « Je les prendrai … parce que vous avez une chance de parler avec le premier ministre ».

Nous avons compris. Vous êtes le premier ministre, et vous êtes tellement plus important. Vous n’êtes pas l’actionnaire d’une petite entreprise propriétaire d’une villa en France. Contrairement à Morneau, vous n’avez pas omis de mentionner ce fait au Commissaire à l’éthique, ce que l’opposition réclame maintenant qu’on examine. Vous n’êtes pas non plus lié à une entreprise comme Morneau Shepell, qui pourrait bénéficier des modifications apportées aux conventions fiscales à l’étranger. En d’autres termes, vous n’êtes pas en train de rapidement devenir un inconvénient pour un gouvernement qui aime se faire passer pour le champion de la classe moyenne.

Un avertissement, cependant, M. Trudeau : nous avons déjà vu ce qui arrive aux leaders qui essaient de faire taire les collègues embarrassants. Lors des élections québécoises de 2014, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a littéralement écarté le candidat nouvellement recruté, Pierre Karl Peladeau, pour qu’elle puisse répondre à une question.

Marois essayait clairement d’éviter une répétition impromptue du poing levé (à l’appui du séparatisme) de Peladeau, geste effectué lors d’une autre conférence de presse quelques jours plus tôt. Mais sa façon de faire est apparue comme impérieuse et condescendante. Les médias anglophones se sont déchaînés, baptisant le moment ‘le shove’ (l’art de se faire tasser). Et nous savons tous comment s’est déroulé le reste de cette campagne électorale…

Maintenant, je ne prédis pas que Trudeau va perdre les élections de 2019 et que Morneau va devenir le chef du parti. Mais je suggère que le type d’arrogances affiché par le PM ne va pas bien paraître aux yeux des électeurs qui commencent déjà à en avoir assez de son obsession pour les égoportraits et les chaussettes.

Ces arrogances ne font pas le poids face à son nouvel adversaire, le chef du NPD, Jagmeet Singh, qui apporte non seulement du style, mais beaucoup plus de substance dans le décor. On a pu apprécier le sang froid de Singh dans une vidéo où on le voit confronter une manifestante raciste, une vidéo qui a depuis eu plus de 35 millions de vues et a été baptisée « son moment de boxe, à la Trudeau ».

Les électeurs progressistes pourraient bien donner une chance à Singh, alors que les électeurs du centre-droit semblent adopter l’approche moins éclatante d’Andrew Scheer. Selon le dernier sondage Angus Reid, les conservateurs et les conservateurs sont à égalité, à 35%, à l’échelle nationale, et à 37%, en Ontario. En effet, la seule province où les libéraux sont en tête est le Québec, où Trudeau l’emporte sur le chef conservateur 40% contre 20%.

C’est la politique – et non les politiques – qui explique la dernière offensive de charme des libéraux. Mais s’ils veulent que ça marche, ils devront mettre davantage l’accent sur le charme et moins sur l’offensive.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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