Trudeau a besoin d’un marché légal de la marijuana d’ici 2019 – et Wynne est plus qu’heureuse d’apporter son aide

Alors que les travaux reprennent au Parlement, le gouvernement Trudeau accède officiellement à l’âge critique – deux ans au pouvoir, deux ans avant la prochaine élection fédérale.

La mi-temps de la vie est traditionnellement considérée comme une période propice pour faire le point, pour effectuer un retour sur ce que nous avons accompli, et envisager ce qu’il reste à faire et du temps qu’il nous reste avant que les enfants (ou, dans le contexte politique, les électeurs) ne nous accompagnent tranquillement vers la maison de retraite.

Une telle introspection peut conduire à cet autre symptôme de la mi-temps de la vie : la crise de la quarantaine (ou de la cinquantaine, c’est selon…). Mais ce gouvernement ne semble pas être en train de magasiner une voiture de sport ou une transplantation capillaire; en tout état de cause, Trudeau s’empresse plutôt de remplir sa liste d’engagements : des changements prévus à la fiscalité des petites entreprises et à la légalisation du cannabis. Avec une série de promesses à respecter, les libéraux déploient l’artillerie lourde et ferment les yeux (et leurs oreilles) aux cris émanant non seulement de l’opposition, mais d’un nombre croissant de Canadiens qui se demandent si cet empressement pour adopter une loi est synonyme de bon gouvernement ou de bonne vieille opportunité politique.

Nulle part, cela n’est plus évident que dans le dossier de la marijuana. La promesse de Trudeau de légaliser l’utilisation de la marijuana récréative a été la pierre angulaire de sa dernière plate-forme électorale – pas seulement en substance, mais aussi dans le style. Elle a tracé une ligne claire entre lui et, à la fois, Tom Mulcair et Stephen Harper : la modernité contre les traditions, la jeunesse contre l’ancienneté, le courant « hip » contre celui plus conservateur. Harper a sonné l’alarme quant aux dangers pour les enfants : « Si nous vendons de la marijuana dans des magasins comme nous le faisons pour l’alcool et le tabac, cela va-t-il protégera nos enfants? Personne ne le croit. » Mulcair a adopté une approche prudente : « Nous sommes en voie d’une légalisation complète, mais cela ne se fait pas en criant ciseau. Nous n’aurons pas accès à des produits de la marijuana demain matin dans les succursales de la LCBO ».

Trudeau, en revanche, a promis de travailler « tout de suite » sur la légalisation et a déclaré que cette dernière pourrait devenir réalité dans un mois ou « une année ou deux années » d’un premier mandat d’un gouvernement libéral.

Deux ans plus tard, le « pot » légal demeure un rêve pour les utilisateurs et pour les électeurs qui ont voté pour cette promesse. Le nouveau délai de Trudeau est le 1er juillet 2018, ou même avant cela, si la législation passe assez rapidement.

Mais même si le Parlement édicte les deux projets de loi des libéraux, la question peut rester bloquée dans… les « mauvaises herbes » parce que les gros efforts de vente, ainsi que les retombées sur la santé et la sécurité publique, incombent aux provinces – un fait que Trudeau savait très bien quand il a fait cette promesse. Et bien que cela présente des problèmes de mise en œuvre, cela donne également une porte de sortie à Trudeau à l’heure des élections; il pourra toujours blâmer les provinces en autant qu’un grand joueur – l’Ontario – fasse ses devoirs.

L’Ontario a été le premier à annoncer la semaine dernière qu’il créera le Cannabis Control Board of Ontario, une filiale de sa Régie des alcools, pour distribuer les produits de la marijuana dans 150 magasins appartenant au gouvernement et en ligne. Cette semaine, la province a durci ses lois en matière de conduite sous l’influence de la drogue, adoptant une politique de tolérance zéro pour les conducteurs âgés de 21 ans et moins, comme pour l’alcool. « La province, a déclaré le procureur général de l’Ontario, Yasir Naqvi, adopte une approche sûre et judicieuse en matière de légalisation qui nous permettra de garder sécuritaires nos collectivités et nos routes, de promouvoir la santé publique et la réduction des méfaits liés à cette drogue, et de protéger les citoyens de l’Ontario ».

Mais ne vous méprenez pas : le plan ici est de protéger les votes libéraux fédéraux, pas seulement en Ontario mais à travers le pays. Tant que l’Ontario met en place son régime de cannabis récréatif à temps, Trudeau peut citer l’Ontario en exemple et dire efficacement : « Si Queen’s Park peut le faire, quel est le problème de Victoria? Qu’est-ce qui retient le Québec? » Le succès de la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, est essentiel au succès de Trudeau et représente une autre extension de son soutien précoce à la carrière politique de l’homme. Trudeau a déjà remboursé une partie de cette dette en augmentant les paiements du RPC – ce qui a permis à Wynne de réduire sa dispendieuse proposition des pensions, lui laissant plus d’argent pour d’autres politiques favorables aux électeurs, comme la gratuité scolaire à l’université et l’assurance-médicaments pour les moins de 25 ans.

Wynne a vraiment besoin de récupérer le reste de cette dette en juin prochain, alors qu’elle sera confrontée aux électeurs lors des prochaines élections provinciales. Avec la plupart des Ontariens ouverts à l’idée d’un changement de gouvernement, elle a besoin de toute l’aide qu’elle peut obtenir. Elle l’obtiendra tant et aussi longtemps qu’elle pourra aider le premier ministre à respecter l’une de ses promesses phare de campagne.

Perdues dans les dédales de ces calculs électoraux se trouvent quelques questions d’ordre public plus banales – les préoccupations exprimées par les services de police qui craignent ne pas être fin prêts pour faire respecter la loi, l’Association médicale canadienne qui souhaitait un âge légal de 21 ans (alors que l’Ontario a opté pour 19 ans) et la mise en garde exprimée par la présidente du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis, Anne McLellan, qui a déclaré, l’année dernière, qu’il est essentiel que le Canada agisse « lentement » avec sa réforme les lois sur la marijuana.

Mais Trudeau n’écoute pas les voix de la raison dans ce dossier. Aussitôt qu’un gouvernement atteint la mi-temps de sa vie, la peur de la mort le rattrape et affecte son bon sens – et de respecter sa liste d’engagements devient la seule chose qui compte.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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