« Taxes » – Quand a-t-il cessé d’être un mot sale en politique?

Les hausses d’impôts ne sont-elles plus le troisième rail de la politique canadienne?

La valeur politique d’une gestion rigoureuse des impôts semble avoir été remplacée par la nécessité de rendre les taxes plus « équitables » – ce qui, dans le cas des libéraux, signifie de les hausser pour les groupes qui, selon eux, ne recevront pas de sympathie du public.

Les conservateurs ont talonné le gouvernement au sujet de sa proposition d’augmenter les impôts pour les propriétaires de petites entreprises pendant plus d’un mois – sans avoir réussi à déplacer les intentions de vote d’un iota dans les deux sens. Le dernier sondage Nanos montre que les libéraux sont à 39%, les conservateurs à 33% et le NPD à 15%. Un sondage de Forum Research a beau placer les conservateurs en tête, il est le seul à ne pas montrer que les libéraux se maintiennent assidument en première place.

Les libéraux misent sur le fait que la plupart des Canadiens pensent probablement que les médecins, les avocats et les propriétaires d’entreprises gagnent déjà suffisamment d’argent et que des hausses de taxes sur les petites entreprises n’ont pas d’impact direct sur les employés et les non-entrepreneurs. Bien sûr, de telles augmentations affecteraient indirectement le Canadien moyen, sous les formes de prix plus élevés, d’emplois perdus et de recettes gouvernementales plus faibles, en particulier si les propriétaires d’entreprises déménagent leurs pénates vers des juridictions où les impôts sont plus faibles, comme certains le font déjà.

Il n’y a pas si longtemps, ces contribuables auraient reçu plus de sympathie parce que d’autres électeurs auraient pensé « aujourd’hui, ce sont eux, demain, ce sera moi ». Mais c’était avant que les libéraux deviennent le parti de la classe moyenne, écrasant la solidarité des contribuables avec des promesses d’un système fiscal « plus équitable » pour la classe moyenne que pour les peu nombreux du fameux « un pour cent ».

Une nouvelle étude montre cependant que rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. En effet, une nouvelle étude de l’Institut Fraser montre que lorsque vous comptabilisez à la fois les réductions de taux et les crédits d’impôt éliminés dans le cadre du règne des libéraux, huit familles de classe moyenne sur 10 payent plus d’impôt qu’avec les règles du gouvernement précédent. Comme l’un des auteurs de l’étude, Charles Lammam, a déclaré sur les ondes du AM640 à Toronto, « Le gouvernement fédéral [a] répété, depuis qu’il a pris le pouvoir, qu’il a réduit les impôts pour les Canadiens de la classe moyenne … Nous avons constaté que ce n’est pas vrai … Nous regardons toutes les modifications à l’impôt sur le revenu faites par le gouvernement … et lorsque vous faites cela, il est tout à fait clair que les familles de la classe moyenne paient plus d’impôts sur le revenu en raison de toutes les modifications fiscales qui ont été apportées. »

Ces changements comprennent l’élimination du fractionnement du revenu et des crédits pour le transport en commun, l’éducation et les manuels scolaires, ainsi que pour les programmes de sports et des arts des enfants. Lorsque ces changements sont pris en compte, ils font plus que compenser pour la réduction d’impôt pour la famille moyenne de la classe moyenne, qui gagne entre 77 000 $ et 108 000 $ par année. Bien que ces familles reçoivent une réduction directe d’impôt sur le revenu et une réduction indirecte de 256 $, elles perdent des crédits d’une valeur de 1 096 $, pour une augmentation nette de 840 $ par année ou (ironiquement) d’environ 1% de leur revenu.

Et cette facture augmentera, grâce à de nouveaux changements entrant en vigueur l’année prochaine. « Ce gouvernement fédéral a décrété qu’à partir de l’année prochaine, toutes les provinces devront avoir une taxe sur le carbone ou une certaine forme de tarification du carbone », a déclaré M. Lammam. « En plus, ce gouvernement a procédé à une expansion du Régime de pensions du Canada … Cela constituera une augmentation significative des taxes sur les salaires que ces mêmes familles de la classe moyenne paient. »

Belle façon de « s’en prendre au fameux un pour cent »! Mais le mythe persiste que ce gouvernement a à cœur la classe moyenne et que ses changements fiscaux ne toucheront que ceux qui peuvent « se le permettre », les riches. « Les conservateurs sont tombés dans le piège de défendre un groupe de Canadiens privilégiés et d’être perçus comme étant contre la classe moyenne », écrit le politologue conservateur Jaime Watt. Il a raison. Mais c’est seulement parce que les gens ne regardent pas sur l’image complète – et ne font pas tous les calculs.

Cela n’aide pas non plus que le plus grand défenseur des réductions d’impôt aujourd’hui soit le président américain Donald Trump – un personnage que la grande majorité des Canadiens trouvent arrogant, intolérant, dangereux et indifférent au sort des gens ordinaires. Pour plusieurs observateurs, la « réforme » fiscale de Trump ressemble à une série de réductions d’impôt pour l’Amérique riche et les entreprises, ce qui ternit la marque républicaine sur cette question. Cela rend la tâche d’autant plus difficile aux conservateurs de n’importe quel pays qui souhaitent militer en faveur des réductions d’impôt.

Si les conservateurs de l’opposition veulent que les taxes redeviennent une cause politiquement gagnante, ils doivent reformuler leur discours. Ils doivent discréditer les prétentions « d’équité fiscale » des libéraux et exposer cette réforme fiscale pour ce qu’elle est réellement: un tour de passe-passe qui donne d’une main tout en enlevant de l’autre. Mais ils doivent aussi aller plus loin en développant leur propre exposé narratif et leur plan. Cela ne signifie pas forcément de jeter les anciennes idées, mais cela signifie de leur donner une nouvelle tournure.

Par exemple, alors que le fractionnement des revenus pour les couples serait mal vu, le fractionnement des revenus pour les familles pourrait ne pas l’être. Les familles monoparentales ou à double revenus seraient gagnantes si les revenus pouvaient être répartis entre les enfants, comme c’est le cas en France. Cela répudierait l’argument des libéraux selon lequel le précédent régime conservateur n’était pas « équitable » pour les parents célibataires.

Une autre possibilité serait de renommer les crédits au transport en commun comme des « crédits de transport » pour les travailleurs qui parcourent de longues distances pour leur travail : de l’argent pour compenser soit les taxes sur l’essence plus élevées en raison du prix du carbone, soit des passes mensuelles de transport en commun, selon le choix que prennent les personnes pour se déplacer. Cela concernerait en particulier les électeurs des régions rurales touchés par des prix de l’essence plus élevés et pour lesquels le transport en commun n’est pas une option.

Jusqu’à ce que les conservateurs changent de discours, ils ne stimuleront pas l’appétit de la classe moyenne pour des réductions d’impôt. Si les Canadiens à revenu moyen continuent de penser qu’ils en ont pour leur argent avec le plan du présent gouvernement, ils ne voteront pas pour le plan de l’opposition. Les conservateurs doivent d’abord retirer leurs œillères – et ensuite leur offrir une meilleure option.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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