Les campagnes de sensibilisation ne sont peut-être pas la solution
La plupart des dirigeants de l’Islam présentent leur foi comme en étant une de paix. Malheureusement, ce n’est pas comment la majorité des Ontariens voient les choses ces jours-ci.
Selon une étude commandée par le Conseil ontarien des organismes de service aux immigrants (OCASI), « seul un tiers des Ontariens ont une impression positive de la religion et plus de la moitié estiment que ses principales doctrines favorisent la violence (une anomalie par rapport aux autres religions). » Parmi les six grandes religions du Canada, l’Islam est la plus susceptible d’être vue par les répondants comme un incubateur de violence. Le rapport conclut qu’« il y a une épidémie d’islamophobie en Ontario ».
Il y a aussi, bien sûr, une épidémie de terrorisme islamiste radical dans le monde, on en voit les retombées tous les soirs sur les écrans vidéo et téléphones intelligents du monde. Seulement ce week-end, ISIS a abattu 200 personnes dans un marché de Bagdad. Selon Le Monde, dans les dix-huit premiers mois après qu’il ait établi son « Califat » en 2014, le groupe terroriste a tué 1 600 personnes lors de 83 attaques terroristes et prises d’otages dans 20 pays. Et quelles qu’aient été les vraies motivations du tireur d’Orlando, il a affirmé avoir tué une cinquantaine de personnes dans une discothèque gaie au nom d’ISIS.
De nombreux États islamiques religieux, comme l’Arabie saoudite, oppriment leur propre peuple, en particulier les femmes, au nom de l’Islam. Ils infligent des punitions violentes pour des « crimes » tels que l’adultère, le blasphème, les relations de même sexe et les critiques faites envers le gouvernement. Les punitions comptent les coups de fouet et la mort par lapidation. Lorsque le gouvernement saoudien tente de justifier ces punitions comme conformes à la loi religieuse musulmane, cela ne fait pas de l’Islam une religion « qui aime à tendre l’autre joue ».
Demander à Monsieur et Madame Tout-le-monde d’ignorer cela – de complètement séparer la violence pratiquée au nom d’une religion de la religion elle-même – est un défi de taille. S’il est vrai que la grande majorité des musulmans ne veulent rien avoir à faire avec ISIS, abhorrent ses pratiques et sont beaucoup plus susceptibles d’être ses victimes que ses complices, le fait demeure que ses atrocités ont pour effet que la foi musulmane est considérée avec suspicion et peur.
Et tant et aussi longtemps que des pays comme l’Arabie saoudite continuent de suivre une forme de loi religieuse qui va totalement à l’encontre des valeurs occidentales d’égalité, de liberté et des droits des minorités, l’Islam aura du mal à être perçue comme une religion de paix.
Bien sûr, l’Islam n’est pas la première religion à être liée à la violence. Les croisades ont vu les chrétiens et les musulmans faire la guerre en Terre Sainte du 11e au 15e siècle. L’Inquisition catholique a vu des milliers de Juifs expulsés d’Espagne et des milliers d’autres « non-croyants », y compris les musulmans, torturés et tués. Durant le 19e et 20e siècle au Canada, jusqu’à 6000 enfants des Premières nations sont morts dans des pensionnats dirigés par des prêtres et des religieuses chrétiennes; d’innombrables autres ont été maltraités. Entre 1969 et 2002, 5000 personnes sont mortes en Irlande du Nord en raison de la violence sectaire qui oppose catholiques et protestants. En 1985, des terroristes sikhs ont bombardé le vol 182 d’Air India dans le ciel, tuant 329 passagers. La violence religieuse en Inde entre hindous et musulmans continue de revendiquer près d’une centaine de vies par année.
Et comme avec de nombreux mouvements « religieux », plusieurs des motivations d’ISIS sont enracinées non pas dans la foi – ou même dans une perversion de la foi –, mais dans le pouvoir, l’argent et le contrôle du territoire. Dans les régions déchirées par la guerre où le travail légitime est difficile (voire impossible) à trouver, de nombreuses recrues joignent les rangs de l’organisation uniquement pour le revenu. Néanmoins, à la racine d’ISIS se trouve une version fondamentaliste extrémiste de l’Islam. Voici comment l’écrivain Graeme Bois la décrit dans son fascinant et profond portrait du groupe terroriste, publié l’année dernière dans le magazine The Atlantic:
« Pratiquement toutes les grandes décisions et lois promulguées par l’État islamique adhèrent à ce qu’il appelle, dans ses communiqués et déclarations, et sur ses panneaux, plaques d’immatriculation, papeterie et pièces de monnaie, “la méthodologie Prophétique”, ce qui signifie le respect de la prophétie et l’exemple de Muhammad, dans tous ses pointilleux détails. Les musulmans peuvent rejeter l’État islamique; presque tous le font. Mais prétendre qu’il ne s’agit pas en réalité d’un groupe millénariste religieux, avec une théologie qui doit être comprise pour être combattue, a déjà conduit les États-Unis à la sous-estimer et à appuyer des plans insensés pour la contrer. »
Jusqu’à ce qu’ISIS soit vaincue, l’Islam continuera d’être considérée avec suspicion et méfiance. Tant que les gouvernements islamiques ne traiteront pas les femmes, les minorités et les personnes LGBT comme des êtres égaux, la foi sera considérée comme discriminatoire et en décalage avec les valeurs occidentales.
Et toutes les campagnes d’éducation dans le monde, comme celles qui sont diffusées présentement à Toronto, ne changeront pas le fait que les pratiquants fondamentalistes de l’Islam maintiennent une vision du monde très différente non seulement de celle détenue par les non-musulmans, mais aussi de celle détenue par les musulmans modérés.
Comme tout mouvement basé sur une religion extrémiste, c’est le dernier groupe qui détient la clé de la transformation de la foi et de la façon dont elle est perçue. Les musulmans modérés doivent se prononcer contre l’extrémisme, dans les mosquées comme dans la rue. Sans quoi, les radicaux et leurs actions continueront d’attiser les tisons des préjugés, de faire élire Donald Trump à la Maison-Blanche, et de saper les principes mêmes de la tolérance et de l’égalité si chères aux pays occidentaux – y compris les millions de musulmans qui y habitent.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.