L’idée d’un référendum donne au premier ministre ce dont il a le plus besoin : une excuse pour laisser tout tomber
Un référendum si nécessaire, mais pas nécessairement un référendum. Cela semble résumer la dernière position du NPD en matière de réforme électorale mise de l’avant cette semaine par le porte-parole de la réforme du Parti, Nathan Cullen. Alors que le parti était auparavant tiède, sinon totalement hostile, à la notion de soumettre des options pour la réforme à un plébiscite, Cullen avait ceci à dire mercredi aux médias :
« Nous avons certaines réserves, bien sûr, car les référendums sont des outils très puissants. Ils doivent être traités avec beaucoup de respect et être menés correctement pour être efficaces … Pourtant, pour parvenir à un consensus au sein de ce comité, ce que nous croyons possible, du point de vue de tous les partis … nous pensons que l’option d’un référendum devrait être incluse dans le rapport final du comité ».
Ce recul a surpris les conservateurs. Les conservateurs ont réclamé un référendum dès le début, tout comme le Bloc québécois. La leader du Parti Vert, Elizabeth May, a également soutenu l’idée. Avec le NPD, les membres de l’opposition forment une majorité au sein du comité.
Et comme Cullen l’a souligné, « il serait étrange que nous ayons un scénario dans lequel les partis d’opposition aient pu faire des concessions et en arriver à un accord pour aider les libéraux à tenir leur promesse électorale … et que les libéraux s’y opposent ».
Étrange, en effet. Et probablement improbable. Ce qui pourrait – paradoxalement – très bien convaincre les libéraux au pouvoir, en dépit de la promesse faite par le premier ministre Justin Trudeau de veiller à ce que « l’élection de 2015 soit la dernière élection fédérale utilisant le système actuel ».
Les libéraux se sont engagés à changer le système de scrutin quand ils étaient dans l’opposition, saisissant toutes les occasions politiques qu’ils pouvaient trouver. Mais maintenant qu’ils sont au pouvoir, ils se demandent sans doute : pourquoi changer le système qui leur a donné une majorité? Et pourquoi le changer pour quelque chose qui pourrait les empêcher d’obtenir à nouveau cette majorité?
Un système de représentation proportionnelle, favorisé par le NPD, génèrerait probablement des gouvernements minoritaires ou des coalitions sans fin en allouant des sièges basés sur le vote populaire. Le seul système plus susceptible que l’actuel de procurer des majorités libérales est le scrutin préférentiel, pour lequel Trudeau a déjà exprimé son soutien. En 2014, il a déclaré à la London Free Press : « J’aime l’idée d’un scrutin préférentiel. Cela correspond à la façon dont nous avons tendance à considérer la politique de toute façon … Les politiciens voudraient être le second choix, alors ils parleraient de ce que nous avons en commun. Cela modifierait le discours politique ».
Cela donnerait aussi, la plupart du temps, des majorités libérales, parce que le parti tend à être le second choix des électeurs néo-démocrates et conservateurs. Si un tel système avait été mis en place durant la dernière élection fédérale, les libéraux auraient remporté une majorité encore plus importante que celle qu’ils ont eue avec l’actuel système.
C’est ce qui a amené l’ancien chef du NPD, Ed Broadbent, à prononcer cette lourde critique au Progress Summit de l’an dernier, à Ottawa : « Les bulletins dits “préférentiels” seraient encore pires que ce que nous avons présentement. Autrement dit, les bulletins préférentiels, lors d’une élection fédérale, seraient comme l’actuel système mais sur les stéroïdes – de fausses majorités encore plus grandes, des résultats encore plus scandaleusement déformés et encore moins représentatifs de la volonté populaire ».
Jusqu’à présent, la seule chose à propos de la réforme électorale avec laquelle les parties ont pu s’entendre, c’est qu’ils ne pouvaient pas s’entendre sur la question. S’ils trouvent un terrain d’entente cependant avec l’idée d’un référendum, ils auront tous une chance de gagner – ou de sauver leur face, à tout le moins.
Les conservateurs se vanteraient d’avoir réussi à avoir ce qu’ils voulaient avec l’idée d’un référendum, et se présenteraient comme les grands défenseurs de la démocratie. Le NPD prétendrait s’être compromis dans l’intérêt de l’impartialité, en plaçant l’intérêt public devant ceux du parti. Et les libéraux seraient en mesure de tenir leur promesse de présenter une loi sur la réforme électorale sans avoir à changer quoi que ce soit, si le référendum ne parvient pas à obtenir suffisamment de soutien pour la réforme. (Ce qui, d’après les résultats des précédents référendums provinciaux sur la question, est un scénario très probable.)
Trudeau a déjà insinué que c’est, en fait, ce que le public veut. « Sous M. [Stephen] Harper, il y avait tellement de gens mécontents du gouvernement et de son approche que les gens disaient “ça prend une réforme électorale pour ne plus avoir de gouvernement qu’on n’aime pas” », a-t-il déclaré au Devoir plus tôt cette année. « Or, sous le système actuel, ils ont maintenant un gouvernement avec lequel ils sont plus satisfaits. Et la motivation de vouloir changer le système électoral est moins percutante [ou moins criante] ».
Et en se basant sur ce qui vient de se passer avec les élections américaines, la motivation de vouloir changer le système électoral est probablement encore plus faible que lorsque Trudeau a prononcé ces mots. Avec de nombreuses nouvelles priorités – une éventuelle renégociation de l’ALENA, l’incertitude des marchés, une hausse des taux d’intérêt et des alliances incertaines en matière de politiques étrangères avec les États-Unis –, la dernière chose que le gouvernement a le temps de faire en ce moment, c’est une réforme électorale.
Le NPD a offert un cadeau de Noël en avance à Trudeau. Il devrait le prendre et filer.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.