Qui va finir par tuer Énergie Est – Le président des États-Unis ou le premier ministre du Québec?

Pauvre Énergie Est. Tout d’abord, le ministre de l’Environnement du Québec, David Heurtel, a annoncé que son gouvernement demandera une injonction du tribunal pour s’assurer que le projet de gazoduc est soumis à la réglementation environnementale de la province. « Cela ne vise pas une province ou une région en particulier », a-t-il dit. « Cela vise plutôt une entreprise qui souhaite réaliser un projet au Québec qui, à notre avis, ne respecte pas la loi du Québec. »

Ouais, bien sûr! Dites cela au premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, qui fulmine : « Ça suffit! La Saskatchewan et l’Ouest du Canada ont aussi à protéger leurs propres intérêts et envoyer des messages clairs, si c’est ce que la province de Québec est en train de faire. » À son tour, Wall menace de ne pas signer tout plan national de tarification du carbone mis de l’avant par le premier ministre Justin Trudeau, dont les détails ne sont pas encore connus, mais qui, prétend Wall, coûterait à sa province 1 milliard $ par année.

Un milliard de dollars, par hasard, est la somme d’argent que Bombardier, le géant aérospatial du Québec en difficulté, demande du gouvernement fédéral. Le plan d’injonction du Québec jette donc un peu d’huile sur un feu d’unité nationale déjà chauffé à blanc – et qui menace de se réchauffer encore un peu plus chaud la semaine prochaine, lorsque Trudeau se rendra dîner à la Maison-Blanche avec le président américain Barack Obama, où les deux hommes sont censés signer une stratégie nord-américaine sur les changements climatiques. Bien que les détails ne soient pas encore connus, de plus sévères normes d’émission des véhicules et le financement des technologies vertes sont supposées faire partie de la transaction.

Avec tout ça en toile de fond, ne vous attendez pas à ce que Trudeau défende soudainement les mérites d’une augmentation de l’exploitation pétrolière en Alberta. En fait, on pourrait soupçonner qu’il prépare le terrain pour rejeter le pipeline – sous prétexte que cela mettrait en péril les engagements de réductions des objectifs d’émissions de carbone du Canada, au pays et à l’étranger. En réponse à la menace d’injonction, Trudeau a déjà dit qu’il comprenait le désir d’une province de rechercher une « acceptation sociale » pour les projets de pipelines. « Même si les gouvernements accordent des permis, ce sont les communautés qui, ultimement, accordent la permission … Et d’écouter ces différentes perspectives et prises de position va nous conduire à de meilleurs types de solutions et de meilleurs résultats pour tout le monde à travers le pays. »

Les partisans de la ligne dure adoptée par Québec soulignent régulièrement les cinq conditions formulées en 2012 par la première ministre de la Colombie-Britannique, Christy Clark, pour le pipeline Northern Gateway d’Enbridge vers la côte du Pacifique. Ils incluaient une « juste part » des recettes, la participation des autochtones et des normes de protection de l’environnement. « Les Britanno-Colombiens sont justes et raisonnables », a déclaré Clark. « Nous savons que nous avons besoin de ressources et de développement économique, mais nous nous attendons aussi à ce que les risques soient gérés, que l’environnement soit protégé sans compromis, et que les générations futures bénéficieront des décisions que nous prenons aujourd’hui. »

Mais Clark n’a pas menacé d’avoir recours aux tribunaux. Elle a d’abord laissé le processus d’approbation se jouer au niveau fédéral. C’est parce que le dépôt d’une injonction avant que les audiences n’aient eu lieu est, pour le dire délicatement, provocateur et prématuré. Dans le cas de la Colombie-Britannique, après que l’Office national de l’énergie eut approuvé le projet de pipeline, les groupes des Premières Nations ont lancé les poursuites. En janvier, dans le cas Coastal First Nations contre la Colombie-Britannique (Environnement), la Cour suprême de la C.-B. a statué contre la seule autorité de l’Office d’examiner le projet Northern Gateway, et a accordé un rôle au gouvernement provincial.

Peut-être que le Québec est encouragé par cette décision et pense qu’il n’a pas besoin d’attendre l’audience de TransCanada devant l’Office. Peut-être que le premier ministre Philippe Couillard a vraiment eu une « conversion verte » à la Conférence mondiale sur le climat de Paris: depuis cette réunion, il a répudié les plans de forage pour le pétrole sur l’île d’Anticosti et parle d’un avenir sans gaz naturel dans une province qui a fait des milliards avec cette ressource. Mais, de façon plus crédible, l’injonction représente probablement le dernier épisode d’une politique d’intransigeance à un moment où le Québec veut désespérément qu’Ottawa sauve l’un de ses principaux acteurs industriels. Si Trudeau se rend à la demande de Bombardier, mais ne presse pas le Québec de jeter un peu de lest dans l’affaire Énergie Est, méfiez-vous. Ses plans verts vont faire en sorte que plusieurs Canadiens voient rouge.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site du National Post.

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