Le mois dernier, les conservateurs ont tenu un congrès de parti virtuel; ce week-end, c’est au tour des néo-démocrates et des libéraux. Et quel joyeux moment cela promet d’être, avec des résolutions politiques de centre-gauche ou carrément trotskistes. Les deux partis proposent un revenu de base garanti, une transition vers une économie basée sur l’énergie verte et la protection des pensions des travailleurs. Mais le NPD fait toutefois preuve de créativité. Abolir les milliardaires? Nationaliser les grandes entreprises automobiles? Éliminer progressivement les Forces armées canadiennes? Ah, que le plaisir commence!
Par souci de justesse, les propositions du NPD doivent d’abord survivre au système de «priorisation» du parti, dans lequel les délégués classent leurs 10 premières résolutions, de chacun des sept domaines politiques, la veille de l’ouverture du congrès pour déterminer laquelle sera présentée. Les libéraux ont sagement mené un exercice similaire à l’avance, évitant ainsi la possibilité de grands titres extrémistes pendant la semaine du congrès.
Certains éléments controversés des libéraux demeurent par contre ouverts au débat, comme une résolution visant à imposer une taxe sur les successions sur les actifs de plus de 2 millions de dollars et à éventuellement éliminer l’exonération fiscale des gains en capital. Pourtant, ils ne viennent pas avec le même enrobage «mangeons les riches» que, disons, la proposition du NPD visant à créer une tranche d’imposition de 80% pour les revenus supérieurs à 1 million de dollars. Dans le cas des libéraux, c’est plutôt «mangeons la classe moyenne», furtivement et sans attirer l’attention.
Cependant, tant les libéraux que les néo-démocrates misent sur la même conviction: que les Canadiens ont envie d’une plus grande intervention de l’État. La question est de savoir dans quelle mesure cette intervention devrait être étendue. Devrait-il s’agir d’une refonte du capitalisme motivée par un objectif commun, comme le propose l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre (et tête d’affiche de la convention libérale), Mark Carney, dans son récent livre Values(s)? Ou une confiscation massive des capitaux privés, comme le réclamerait la meute «anti-milliardaire» du NPD? (Indice: le Broadbent Institute a récemment présenté une recension du livre de Carney dans laquelle l’auteur est qualifié d’«homme ultime de Davos».)
Les propositions des deux partis révèlent également leur talon d’Achille: leur obsession pour la centralisation du pouvoir à Ottawa. Les propositions du NPD visant à «créer des transports en commun gratuits», «annuler, désarmer ou dissoudre les corps policiers» et établir un «moratoire sur les expulsions, les saisies d’hypothèques et les coupures de services publics en raison du chômage» négligent à juste titre le fait que ces pouvoirs relèvent tous du municipal ou du provincial. Les libéraux de leur côté sont plus nuancés, proposant par exemple de créer de nouvelles bureaucraties comme «un conseil national de surveillance comprenant des représentants dans chaque province et territoire pour s’assurer que tous les individus ont un accès équitable à tous les aspects de la société canadienne», mais l’effet de leurs politiques est le même. Cela pourrait causer des problèmes aux deux partis au Québec, où l’intrusion dans les champs de compétence provinciaux est un véritable poison politique. Attendez-vous à ce que le Bloc québécois se frotte vigoureusement les mains.
Mais le plus grand éléphant dans la salle pour le NPD est sans doute une scission imminente quant à sa position sur Israël. Le parti a déjà plusieurs résolutions qui font la une des journaux et cela, pour toutes les mauvaises raisons. L’une en appelle à la fin de toute «coopération commerciale et économique avec les colonies illégales en Israël-Palestine» et à la suspension des ventes d’armes à Israël jusqu’à ce que «les droits des Palestiniens soient respectés». Une autre demande que le NPD s’oppose à la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, car elle a «été utilisée pour tenter de faire taire ceux qui dénoncent les graves violations des droits humains du peuple palestinien». Attendez-vous à ce que les libéraux attirent l’attention sur ces questions, si elles se rendent jusque sur le parquet.
Car le chef libéral Justin Trudeau sait que sa meilleure chance de se faire réélire n’est pas de proposer ses propres solutions radicales, mais d’espérer que les extrémistes mènent le spectacle pour ses adversaires. Les conservateurs se sont déjà tiré une balle dans le pied sur le changement climatique lors de leur récente convention. Maintenant, le NPD pourrait à son tour se faire hara-kiri sur une foule de questions. Ce qui serait encore plus bénéfique pour le chef libéral, comme moyen de consolider le vote de centre-gauche.
Trudeau espère que ces frasques aideront les Canadiens à négliger son incapacité à bien gérer nos frontières et à assurer un approvisionnement adéquat en vaccins. Malheureusement, les derniers sondages semblent le confirmer, faisant des libéraux les favoris 50 contre un pour remporter le plus de sièges. Et rendant la possibilité d’une élection printanière encore plus probable.
Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post