Que faudra-t-il faire pour stopper le prochain Aaron Driver?

Plus que nous faisons actuellement. Nous pouvons commencer par parler aux familles des jeunes radicalisés.

« Il n’y a personne pour soutenir (les familles). Il n’y a personne pour leur donner la force ou le soutien de conseillers de quelque façon que ce soit. Et la perte de la vie a un impact sur tout le monde à la fin ».

Il s’agit de Christianne Boudreau, commentant le cas d’Aaron Driver, ce jeune Ontarien de 24 ans qui est décédé récemment dans un affrontement avec la police après que les autorités eurent été informées par le FBI qu’il complotait pour mener à terme une attaque terroriste.

Boudreau sait de quoi elle parle : son fils Damian est mort en Syrie, en 2014, en luttant pour ISIS. Damian s’est converti à l’Islam alors qu’il n’était qu’un adolescent et est devenu de plus en plus obsédé par la lutte contre le président Bashir al-Assad. Il a été sous la surveillance du SCRS pendant deux ans avant de quitter le Canada et a été exécuté par l’armée syrienne. Après sa mort, Boudreau a fondé deux organisations pour lutter contre la radicalisation des jeunes et tendre la main vers les parents dont les enfants ont rejoint des groupes radicaux, tels qu’ISIS.

Boudreau a parlé sur les ondes du AM640 de Toronto, en direct de la France, à propos du cas de son fils à la suite de la mort de Driver, et à la suite d’une annonce faite par le gouvernement fédéral à l’effet que le Canada intensifiera ses efforts de lutte contre la radicalisation.

Des reportages ont suggéré que le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, annoncerait les détails du plan aujourd’hui. Il s’est avéré que Goodale n’a pas annoncé quoi que ce soit, mais a assisté à une séance de photos avec un organisme de Montréal qui mène des initiatives de déradicalisation.

Cela n’a pas impressionné Boudreau. « Tout cela n’est qu’une question de visibilité médiatique et d’élection », m’a-t-elle dit. « Ils ont vraiment besoin de commencer à mettre des actions derrière leurs paroles. »

Cette action va bientôt commencer, selon le bureau du ministre Goodale – avec l’ouverture du bureau de coordonnateur de la sensibilisation des collectivités et de la lutte contre la radicalisation. Les libéraux ont promis de créer ce bureau au cours de la dernière campagne électorale et le secrétaire de presse de Goodale, Scott Bardsley, a dit à iPolitics qu’il sera établi dans « les prochains mois ou un avenir proche ».

Selon Bardsley, le bureau « va faire trois choses : exercer un leadership national avec des partenaires dans les efforts de contre-radicalisation, agir comme un centre d’échange des meilleures pratiques et de soutenir les différents efforts de la communauté ». Le budget 2016-17 a affecté un montant de 35 millions $ sur cinq ans, et de 10 millions $ par année par la suite, pour le bureau.

Voilà de gros changements, mais rien en comparaison de ce qu’Ottawa dépensera sur des initiatives pleines de bons sentiments destinés aux jeunes – tels que son « service de la jeunesse » nationale (une nouvelle version du programme Katimavik), qui obtiendra 105 millions $ sur cinq ans et un budget de 25 millions $ par année par la suite. Le premier ministre Justin Trudeau met également en place un « Conseil sur les jeunes » formé d’une trentaine de Canadiens âgés de 16 à 24 pour « fournir des propositions non partisanes au premier ministre sur des questions essentielles telles que l’emploi et l’éducation, les manières de favoriser le dynamisme des collectivités ». Aucune idée sur combien cela va coûter, mais ça ne semble pas être donné, avec la réunion des membres du conseil « à la fois en ligne et en personne plusieurs fois par année » et avec le premier ministre « jusqu’à quatre fois par an ».

Il fut un temps où les jeunes aliénés trouvaient un but et un sens à leur vie en joignant les rangs de sectes. De tels groupes n’étaient pas généralement en guerre avec les pays occidentaux ou ne faisaient pas sauter des trains et des centres commerciaux. Aujourd’hui, la désillusion d’un jeune peut être des plus destructives – en menant à la mort de civils innocents et en jetant un voile de peur sur les sociétés ouvertes comme la nôtre.

Selon Boudreau, la ligne de front en matière d’intervention en cas de radicalisation demeure la famille – ce qui rend la participation des membres de la famille en deuil dans les efforts de lutte contre la radicalisation d’une importance primordiale. Boudreau, par exemple, a dénoncé le fait que le SCRS a omis de l’avertir que son fils était sous surveillance – une politique qui doit changer, selon elle, si le but des institutions de sécurité est de prévenir les attaques dans leur phase de planification.

« Ils doivent être transparents. Comment voulez-vous qu’un parent puisse avoir la possibilité d’arrêter son enfant ou d’intervenir de quelque manière que ce soit si elles ne sont même pas informées? »

Elle a ajouté que le gouvernement doit fournir de nombreuses possibilités de ressources et d’«endroits où aller » si des parents soupçonnent que leur enfant songe à joindre un groupe terroriste, ou envisage agir en leur nom. Alors que le Centre anti-radicalisation de Montréal est un tel endroit, il ne dessert que le Québec et ne peut offrir aucune aide aux familles vivant à l’extérieur de la province – comme à Calgary, où Boudreau et sa famille vivaient.

Avec l’ouverture du bureau de coordonnateur de la sensibilisation des collectivités et de la lutte contre la radicalisation, les libéraux auront une chance de changer tout cela. En espérant qu’ils la prennent – et en espérant qu’ils impliquent des gens comme Boudreau, qui ont transformé une tragédie personnelle en une opportunité d’aider les autres.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

One Comment

  1. Tasha ton article est intéressant. Mais cependant la police et les services de renseignements font ce qu’ils peuvent. Je suis d’accord avec toi qu’il s’agit des questions très complexes qui demandent des réponses bien calculées.

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