Quand le pouvoir des stars devient toxique en politique américaine

Les démocrates ont présenté une image glamour à Philadelphie. Cela pourrait ne pas les aider.

Au cours des cinquante dernières années, la politique présidentielle américaine et les célébrités sont devenues entrelacées à tel point qu’ils sont maintenant presque inséparables. Du célèbre Happy Birthday de Marilyn Monroe à John F. Kennedy, dans les années 1960, à la présidence de l’acteur-devenu-politicien Ronald Reagan, dans les années 1980, à la candidature actuelle de la star de télé-réalité Donald Trump, et au défilé de stars qui sont « avec Hillary » au congrès démocrate de cette semaine – Hollywood et Washington n’ont sans doute jamais été aussi près l’un de l’autre.

Parallèlement, le fossé entre l’establishment politique et l’électeur moyen n’a jamais été aussi grand. Les courses présidentielles républicaine et démocrate ont été bouleversées par une révolte contre les élites du parti. Pour les démocrates, cela signifiait un détournement du soutien à Hillary Clinton aux profits du sénateur du Vermont, Bernie Sanders. Pour les républicains, cela signifiait que les représentants de l’établissement, tels que Jeb Bush, n’avaient plus aucune chance contre le « populiste » Trump. Même le fait d’être un franc-tireur politique ne suffisait plus : le sénateur républicain Ted Cruz a beau avoir fait son chemin dans les livres d’histoire, il n’était pas de taille contre un outsider politique de bonne foi.

Y a-t-il un lien entre ces deux phénomènes? L’actuelle affection des Américains pour des outsiders est-elle due, en partie, au triomphe politique des valeurs libérales promues par Hollywood – en plus d’être le contrecoup de ces dernières?

Comme les films, la musique et la télévision sont de bons véhicules pour promouvoir les droits des marginalisés – les femmes et les minorités, y compris les Noirs, les Latinos et les membres de la communauté LGBTQ –, de nombreux hommes blancs, hétérosexuels, votre Américain moyen, ont de plus en plus le sentiment de ne plus être pris en compte dans la culture dominante… sauf, peut-être, comme le rustique patriarche de Family Guy. Se moquer des hommes, et des hommes blancs de la classe moyenne en particulier, est devenu un jeu légitime.

La baisse des perspectives d’emploi dans les États de la Rust Belt a exacerbé le sentiment de marginalisation et de désengagement de la vie américaine de ce groupe. Les taux de mortalité, y compris par le suicide, sont en hausse pour cette cohorte – en dépit du fait qu’on leur répète constamment qu’ils sont « privilégiés » en raison de leur condition de naissance et de la couleur de leur peau.

C’est ici qu’entre en scène Donald Trump. Il peut bien se déclarer favorable à l’accueil de membres de la communauté LGBTQ au sein de son parti, sa marque de commerce nativiste, protectionnistes et interventionniste entre en conflit avec non seulement les valeurs républicaines traditionnelles de liberté, de libre-échange et d’individualisme, mais avec les valeurs libérales défendues par l’élite de l’Entertainment au pays. Pour les indépendants blancs, en colère et anti-establishment, il représente la combinaison parfaite : un gars riche qui parle comme un gars ordinaire. Comme l’ancien maire de Toronto, Rob Ford, Trump est un paradoxe – le riche homme d’affaires qui s’identifie à Archie Bunker (« J’aime les personnes peu éduquées ») et qui, en retour, est adulé par les Bunkers d’Amérique.

Les acteurs et les artistes américains se sont traditionnellement alignés sur les idées de gauche, donnant leur soutien à des politiques et des politiciens libéraux (avec quelques exceptions notables, comme Charlton Heston, un ardent partisan de la NRA). Mais même le plus bref coup d’œil sur les listes des orateurs des conventions nationales républicaine et démocrate nous montre que beaucoup plus d’entre eux – et parmi les plus célèbres – soutiennent les démocrates.

Les démocrates ont présenté Meryl Streep, Paul Simon, Lena Dunham et une vidéo de 100 stars qui ont signé un engagement à soutenir Clinton. Le Parti républicain, quant à lui, s’est contenté de présenter Antonio Sabato Jr., une actrice de téléroman, Kimberlin Brown, et… Scott Baio. En termes d’échelle de popularité, le fossé est énorme.

Plusieurs célébrités démocrates se battent contre Trump, plutôt que pour Hillary. La comédienne Sara Silverman, par exemple, faisait campagne pour Sanders avant de déclarer, à la convention, que les délégués « Bernie or Bust » étaient « ridicules ». La crainte d’une présidence de Trump – ironiquement entraînée par la propre célébrité de l’homme – est un facteur de motivation.

Mais il y a une autre ironie qui pourrait se retourner contre la campagne de Clinton. Les célébrités qui appuient Hillary font partie du même 1% que de nombreux électeurs anti-establishment veulent punir dans cette élection. Une situation semblable s’est présentée lors du récent Brexit au Royaume-Uni, lorsque des centaines de célébrités – y compris J.K. Rowling et Daniel Craig – ont imploré en vain les électeurs à demeurer au sein de l’UE. Comme l’a écrit Charlotte Gill dans The Spectator, cela pourrait avoir eu un effet complètement contraire à ce que ces célébrités s’attendaient. Gill entrevoit une situation similaire aux États-Unis :

« Dans l’ensemble, de nombreux Américains sentent qu’il y a un grand fossé entre leur propre situation économique, souvent désastreuse, et celle de Katy Perry. Il n’est donc plus suffisant d’avoir recours aux célébrités. Cela pourrait même donner l’impression que les politiciens sont ignorants et hors de contact avec la réalité de l’homme ordinaire. Oubliez le fameux “Qu’ils mangent de la brioche”, c’est maintenant “Laissez-les écouter Snoop Dogg”. »

La brochette de stars à la Convention nationale démocrate pourrait avoir généré beaucoup de grands titres et de vues sur YouTube, mais elle pourrait bien ne pas générer la même réponse le jour du scrutin. Dans une année électorale alimentée par la colère contre les élites, les avoir de votre côté pourrait s’avérer ne pas être le billet pour le plus grand spectacle en ville : gagner la Maison-Blanche en novembre.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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