Près de 20 milliards $ dans le rouge – et nous ne sommes même pas en mars!

Telle une immense boule de neige qui dévale les pentes, le déficit fédéral devient de plus en plus gros. Lundi, le ministre des Finances, Bill Morneau, a annoncé que le gouvernement sera dans le rouge de 18,4 milliards $, avant même avoir pris en compte les dépenses du plan de relance économique. Avec au moins 10 milliards $ de cette somme promis durant la dernière campagne électorale, les Canadiens pourraient maintenant faire face à un énorme déficit de 30 milliards $ – soit dix fois plus que le déficit d’environ 2,8 milliards $ encouru en 2015-2016.

Et la situation ne s’annonce pas beaucoup mieux pour 2017-18 : 15 milliards de dollars, avant même que le gouvernement ne répare une seule route.

Pourtant, il y a quelques mois, les libéraux avaient prévu des déficits respectifs de 3,9 milliards $ et 2,4 milliards $. Donc que s’est-il passé au cours des 100 derniers jours pour déclencher une telle avalanche de dettes?

Le ministre Morneau blâme la dégradation du taux de croissance du Canada et la stagnation du prix du pétrole. Morneau a cité les prévisions des économistes pour le West Texas Intermediate, soit 40 $US le baril de pétrole brut en 2016, plutôt que le prix prévu à l’automne de 54 $US le baril. Le prix actuel est de 31,50 $US le baril. Le taux réel de croissance du PIB révisé du Canada en a également pris pour son rhume, passant de 2 pour cent de croissance, dans la mise à jour d’automne, à 1,4 pour cent en 2016. Les prévisions de croissance du PIB pour 2017, elles, demeurent inchangées à 2,2 pour cent.

L’opposition ne croit rien de tout ça. « Ils ne peuvent pas mettre leurs fausses promesses et leurs dépenses irréfléchies sur le dos du ralentissement économique ou d’une histoire inventée selon laquelle le budget n’était pas encore équilibré quand ils sont arrivés au pouvoir », a déclaré la chef intérimaire du Parti conservateur, Rona Ambrose. « Quand il s’agit de dépenser votre argent, les libéraux sont incapables de se contrôler. Ces dépenses hors de contrôle sont imprudentes et irresponsables, et découlent entièrement de l’incapacité de prendre les décisions difficiles requises pour respecter l’argent des contribuables. »

Qui a raison? Ils ont tous les deux raison. Les libéraux ne peuvent pas contrôler le prix du pétrole. Ils peuvent, bien sûr, contrôler le rythme des dépenses. Morneau peut prétendre qu’une réduction des dépenses serait « la mauvaise chose à faire », mais nous ne parlons pas de coupures ici. Nous parlons de nouvelles dépenses qui n’ont pas à être livrées – car elles n’ont même pas été promises au départ. Et pourtant, elles ont déferlé abondamment – un nouveau pont ici, plus d’aide pour l’ONU là – depuis que les libéraux ont pris le pouvoir.

Pourquoi les libéraux gardent-ils les vannes ouvertes? « Nous avons été élus sur la promesse d’une approche fondamentalement nouvelle d’accroître notre économie », a déclaré Morneau. « Nous avons dit aux Canadiens que dans une période de faible croissance économique, la bonne chose à faire est de faire des investissements dans l’économie. »

Bien sûr, cette approche n’a rien de fondamentalement nouveau. Le gouvernement conservateur précédent a également choisi cette voie, en 2009, lorsque le pays et le monde ont été ébranlés par la Grande Récession du siècle présent. Les conservateurs ont accumulé un déficit de 50 milliards $ durant cette année et des milliards de plus au cours des années suivantes. Mais 2009 a aussi été l’année où le PIB du Canada a atteint un niveau historiquement bas, se contractant de 2,9 pour cent durant le premier trimestre. Comparer cela au taux de croissance actuel est absurde.

L’approche des libéraux n’est rien d’autre que du keynésianisme retravaillé, la prémisse de base étant que le gouvernement devrait sortir le pays de la récession en pompant de l’argent dans l’économie. Malheureusement, dans la plupart des cas, cette approche conduit à une spirale des dépenses et de dettes – mieux connue sous « Ontario, 2003-2016 ». Durant cette période, le gouvernement libéral provincial de Dalton McGuinty a doublé la dette de l’Ontario à 287 milliards $, tandis que les dépenses publiques ont augmenté de 64 pour cent. Le successeur de McGuinty, la première ministre Kathleen Wynne, a poursuivi cette tradition, au point où la vérificatrice générale de l’Ontario, Bonnie Lysyk, a conclu en 2014 que: « Nous prévoyons qu’au moment où le déficit annuel sera éliminé en 2017-18, la dette nette s’élèvera à environ 325 milliards $. Cela représente environ 23 000 $ pour chaque résident de l’Ontario. »

Malheureusement, les libéraux ​​fédéraux semblent bien décidés à suivre ce plan. Pire encore, beaucoup des « infrastructures » envisagées par Ottawa ne sont même pas des infrastructures, mais des dépenses en services sociaux. En 2015, dans leur plan de campagne, les libéraux se sont engagés à faire « … des investissements dans le logement abordable et les résidences pour personnes âgées, les maternelles et la garde des enfants, et de l’infrastructure culturelle ou récréative … aider à construire davantage de logements, rénover ceux qui existent déjà, renouveler les accords de coopération existants, et fournir un soutien opérationnel de financement pour les municipalités … financer la création de milliers de nouvelles places en garderie, améliorer leur qualité, et faire en sorte que plus de places en garderie abordables soient disponibles pour plus de familles qui en ont besoin. »

Par le passé, ces « investissements » étaient décrits de façon plus concrète lors d’élections: on parlait alors d’assistance publique. C’est parce qu’ils ne sont pas des investissements. Alors qu’ils répondent aux besoins de la population, ils ne créent pas de richesse. Ils ne développent pas de nouvelles entreprises, ni ne permettent aux gens de transporter des marchandises plus efficacement, ou d’ouvrir de nouveaux marchés à l’exportation. Créer des milliers de places en garderie ne va pas créer des milliers d’emplois pour leurs parents – à moins peut-être que ceux-ci travaillent dans une garderie… Et le coût de maintien de ces « investissements » devient un coût opérationnel qui, dans les livres, reste une dépense, année après année.

Mais en parlant d’« investissements » et d’« infrastructure » plutôt que d’« aide sociale », on rend ces dépenses plus acceptables. Un peu comme dire aux gens qu’ils feront face à de « modestes » déficits de 10 milliards $ par année – quand, dans les faits, ils seront de 30 milliards $. Et la boule de neige ne cesse de dévaler les pentes…

La version anglaise de ce texte se trouve sur ipolitics.

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