De mémoire d’homme, l’année 2020 n’aura été comme nulle autre auparavant. De l’économie en passant par l’éducation, la pandémie COVID-19 aura bouleversé toutes les facettes de la société. Les gouvernements se sont efforcés de contenir le virus, tandis que les systèmes de santé étaient submergés par les malades. Au niveau individuel, des milliards de personnes ont souffert mentalement, physiquement et financièrement alors qu’elles faisaient face aux confinements et à la solitude.
Alors que cette annus horribilis touche à sa fin, les futurologues sont occupés à prédire ses possibles retombées. Quels changements resteront? Lesquels disparaîtront? Et pourrait-il y avoir une lueur d’espoir dans toute cette misère?
Un domaine qui risque ne jamais être le même est celui du travail. Partout dans le monde, les tours à bureaux sont vides tandis que les employés travaillent dans leur chambre d’amis, leur propre chambre ou dans un placard réaménagé. Zoom est la nouvelle salle de conférence, Teams la nouvelle cafétéria. Cette situation a provoqué un changement partout; des vêtements (coton ouaté plutôt que costume) au concept même du foyer (le concept d’aire ouverte est terminé, les murs sont tendances).
Le plus grand changement cependant, est celui du lieu où les gens choisissent de s’établir. Les rapports immobiliers regorgent d’histoires de citadins qui abandonnent des appartements exigus pour de grandes demeures dans de petites villes. Pour moins que le prix d’un appartement de deux chambres à Toronto, vous pouvez vous offrir une maison de 1800 pieds carrés à Niagara! Une étude réalisée cet été par Remax Realty a révélé que 32% des Canadiens souhaitent déménager des centres urbains vers de plus petites communautés suburbaines ou périurbaines.
Cela vous semble paradisiaque? Méfiez-vous de ce que vous souhaitez. Oui, vous pouvez désormais postuler pour ce poste de rêve à Calgary à partir de votre patelin, près de Canmore. Mais il en va de même pour des milliers d’autres candidats de n’importe où dans le pays – ou dans le monde. Déjà, les experts en ressources humaines conseillent aux candidats de «faire preuve de créativité dans la manière dont ils se présentent», de planifier des rencontres virtuelles de réseautage sur FaceTime et de peaufiner leurs sites Web pour «se démarquer».
Mais tout cela pourrait être inutile lorsque tout ce beau monde est de plus en plus trié par l’entremise de l’intelligence artificielle. Pour la plupart des grandes entreprises, les algorithmes déterminent désormais qui obtient l’entrevue – et parfois le poste lui-même. Alors que certains applaudissent la fin du réseau des «vieux garçons», l’intelligence artificielle peut être tout aussi biaisée que les humains qui l’ont conçue, au point où des juridictions, comme l’État de New York, envisagent une réglementation qui obligerait les employeurs à informer les candidats de toute utilisation d’algorithme lors des évaluations, ainsi que des qualifications ou caractéristiques qu’ils ont prises en compte.
Attendez-vous à ce que les salaires changent aussi. Avec un plus grand nombre de travailleurs potentiels, les employeurs peuvent payer moins pour de la main-d’œuvre. Les employés peuvent aussi travailler pour moins parce qu’ils en ont les moyens: vous n’avez pas besoin d’un salaire dans les six chiffres pour vivre agréablement dans une petite ville ou un pays en développement. Tout comme les coûts de main-d’œuvre plus bas ont attiré les entreprises vers la sous-traitance dans des économies développées et moins développées, le travail à domicile peut déplacer la main-d’œuvre de type «cols blancs» vers des endroits moins coûteux.
Les employeurs l’ont déjà compris. À partir de janvier 2021, Facebook ajustera la rémunération de ses employés au coût de la vie des endroits où ils choisissent de vivre. Le PDG de l’entreprise, Mark Zuckerberg, a déclaré que le travail à distance permettrait à Facebook «d’élargir son recrutement, de fidéliser ses précieux employés, de réduire l’impact climatique causé par les trajets maison-travail et d’élargir la diversité de sa main-d’œuvre». Il ne s’est pas attardé sur les économies réalisées si la moitié des 48 000 employés de l’entreprise subissaient une réduction de salaire du jour au lendemain…
Alors, qui gagne dans ce monde de travail à domicile? Les meilleurs et les plus brillants prospéreront, comme ils le font depuis toujours. Les professionnels en fin de carrière ayant des réseaux bien établis feront probablement très bien aussi. Les petites villes pourraient vivre une renaissance, tandis que de nombreuses entreprises réduisent leurs coûts de main-d’œuvre (en transférant, espérons-le, ces économies aux consommateurs).
Et qui perd? Les récents diplômés et les plus jeunes travailleurs ayant moins d’expérience et de contacts. Au lieu de déménager en banlieue, ils pourraient devoir passer quelques années encore dans le sous-sol familial. Pendant ce temps, les travailleurs urbains du secteur des services devront peut-être devoir se trouver de nouveaux emplois car les aires de restauration, les cafés, les centres commerciaux et de divertissements du centre-ville verront leur clientèle réduite.
Alors avant de vous mettre à l’aise, jetez un sérieux coup d’œil au monde du travail de demain. Selon votre situation, vous voudrez peut-être sortir de votre coton ouaté et retourner au bureau.
La version originale anglaise de ce texte se trouve sur le site du National Post