Ah, le travail d’été… Sauveteur à la piscine publique, conseiller au camp de vacances, vendeur de crème glacée, paysagiste – aucun de ces emplois financés par le contribuable.
C’était avant l’ère du gouvernement interventionniste, bien sûr, et avant la création des programmes fédéraux d’emplois d’été. De tels programmes existent depuis des décennies sous diverses formes, depuis le COSEP (Programme d’emploi d’été axé sur les carrières) des années 1980 et 1990 jusqu’au programme Emplois d’été Canada aujourd’hui. Et l’objectif a toujours été le même : créer des emplois en accordant une subvention salariale aux employeurs désireux de donner un coup de pouce temporaire à un jeune.
C’est ainsi que les choses se sont passées jusqu’à ce que les libéraux décident d’exiger des employeurs une attestation comme quoi ils respectent la Charte des droits et libertés. L’emploi et le mandat de base de l’employeur doivent respecter les droits de la personne, y compris les droits en matière de procréation et l’absence de discrimination, notamment envers les Canadiens transgenres et ceux qui ont des rapports sexospécifiques.
Le programme d’emplois soutient maintenant « cinq priorités nationales » : embaucher des membres de groupes « sous-représentés », tels que les nouveaux immigrants ou les réfugiés, les jeunes autochtones, les jeunes ayant un handicap ou étant membres de minorités visibles; les petites entreprises; et les organisations qui offrent des possibilités aux minorités des langues officielles, aux membres de la communauté LGBTQ2, aux carrières en ingénierie et mathématiques (STIM), ainsi qu’en technologies de l’information et des communications (TIC) – dans ces derniers cas, en particulier pour les femmes.
On est loin de l’ancien programme qui visait principalement à offrir des expériences de travail aux étudiants et aux organismes de soutien qui fournissent d’« importants services communautaires ». Alors, pourquoi ce changement?
Selon le gouvernement, l’idée est « de veiller à ce que le financement du gouvernement ne soit pas versé à des organismes dont le mandat ou les projets pourraient ne pas être conformes aux droits de la personne, y compris aux valeurs sous-jacentes à la Charte des droits et libertés et la jurisprudence qui en découle ».
« L’an dernier, a déclaré Patty Hajdu, ministre de l’Emploi, nous avons entendu toute une série de plaintes de citoyens et d’organisations au sujet de certaines organisations recevant des fonds qui disaient que certaines des organisations recevant des fonds travaillaient activement pour miner les droits des Canadiens.
« Par exemple, des organisations anti-avortement qui distribuent des images très graphiques de fœtus avortés ou des organisations qui n’embauchent pas de membres ou de jeunes de la communauté LGBTQ. Nous savons qu’il s’agit là de violations fondamentales des droits auxquels les Canadiens s’attendent. Nous demandons donc aux organismes d’attester que les activités qu’ils mènent en tant qu’organisme, et la description du travail offert, respecteront la Charte canadienne des droits et libertés. Je ne pense pas que ce soit trop demander. »
Toute une série de plaintes? Combien? De qui? Il est difficile d’imaginer que des milliers d’employeurs qui mènent des campagnes pro-vie ont reçu des subventions fédérales d’emplois d’été. Donc, à cause des actions de quelques-uns, le gouvernement exige maintenant que chaque employeur signe un document attestant qu’il fera ce que la loi exige de toute façon – c’est-à-dire respecter la Charte des droits.
Mais les exigences vont bien plus loin que cela. Hajdu peut prétendre que cela ne concerne pas les croyances ou les valeurs de l’organisation – seulement les « activités primaires » dans lesquelles elle s’engage, mais les activités et les valeurs sont inséparables, en particulier lorsqu’il s’agit de groupes confessionnels.
Ce n’est pas seulement un problème de liberté religieuse. C’est un problème de liberté de croyance. Qu’arriverait-il si une bande des Premières Nations voulait embaucher un jeune étudiant en droit pour se demander si la Charte s’applique aux Canadiens autochtones? Que se passerait-il si une compagnie de théâtre refusait d’embaucher des femmes trans pour jouer une pièce sur l’expérience de jeunes femmes parce que celle-ci traite d’expériences de jeunes filles nées de sexe féminin? Qui décide qui franchit la ligne, et pourquoi?
Voilà pourquoi les mots de Hajdu sonnent creux. Ce n’est pas une question d’activités. Il s’agit de mandats qui sont fondés sur la croyance. En droit, bien sûr, les employeurs sont déjà tenus de respecter les droits garantis par la Charte; s’ils ne le font pas, ils peuvent être traînés devant les tribunaux ou les commissions des droits de la personne.
Alors pourquoi demander une attestation spéciale? Pour envoyer deux messages politiques. Le premier : Regardez comment les libéraux défendent les droits des minorités! Le second : Si vous craignez ne pas pouvoir répondre aux critères de la police de la pensée libérale, ne nous donnez même pas la peine d’appliquer pour une subvention. C’est une façon d’éliminer des candidats dès le départ – et d’ouvrir la voie à des groupes qui correspondent aux priorités des libéraux.
Le programme Emplois d’été Canada ne vise pas à accroître l’emploi des jeunes en général, mais à l’améliorer dans les circonscriptions courtisées par les libéraux lors des élections générales fédérales de 2015 – et à qui ils feront encore appel lors du vote de 2019. C’est un abus flagrant des fonds publics.
Et les fonds en jeu sont considérables. Les libéraux ont investi 113 millions de dollars dans le programme Emplois d’été Canada pour doubler le nombre de placements de 35 000 à 70 000 étudiants travaillant dans des organismes sans but lucratif, pour des employeurs du secteur public ou des petites entreprises de moins de 50 employés. Et les libéraux n’ont pas simplement doublé le budget de chaque circonscription – ils l’ont réparti en fonction des données sur le chômage des étudiants et des données sur les circonscriptions du recensement de 2011.
Par conséquent, en 2016, 13 circonscriptions avaient des budgets d’un million de dollars : quatre à Terre-Neuve-et-Labrador, d’autres à Halifax, à Montréal et à London, en Ontario.
Au lieu de choisir qui gagne cet argent, les libéraux devraient soit abandonner la politique, soit abandonner complètement le programme. Donner un crédit d’impôt pour tout employeur qui embauche un étudiant durant l’été. Offrir un rabais sur le salaire minimum qui monte en flèche dans des provinces comme l’Ontario pour les emplois d’été.
Pas de bureaucratie, pas de favoris – et pas de tests de pureté idéologique.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.