Nous allons payer pour l’approche maladroite du premier ministre en matière de conflits d’intérêts
Vous êtes premier ministre et vous cherchez à vous enfuir cet hiver? Toutes ces destinations Google et ces annonces de vacances vous font vous sentir surchargé de travail? Envisagez la possibilité de vous évader à l’île Bell, aux Bahamas! Intimité, luxe et de l’espace à revendre pour vos amis et invités! Transport en hélicoptère inclus!
Le coût? Une enquête de la commissaire à l’éthique, une amende de 500 $ en vertu de la Loi sur les conflits d’intérêts, plusieurs kilos de capital politique en moins, une retraite manquée à Davos et des tasses de café à volonté lors de votre tournée BONUS à travers le Canada!
Contribuables du Canada, ouvrez grand vos portefeuilles. Ce qui a commencé comme un simple voyage en avion pour le premier ministre Trudeau et ses amis, à la retraite bahamienne de l’Aga Khan, s’est transformé en une coûteuse cause célèbre – et nous allons tous payer la note.
Tout d’abord, il y a le coût d’une enquête de la commissaire à l’éthique, Mary Dawson, qui sera prélevée sur son budget annuel de 7,1 millions de dollars. Cette semaine, Mme Dawson a annoncé qu’elle avait « entrepris un examen en vertu du paragraphe 44 (3) de la Loi afin de déterminer si M. Trudeau avait contrevenu aux articles 11 et 12 de la Loi relativement à son voyage et son récent séjour sur l’île privée de l’Aga Khan. J’examinerai également si M. Trudeau a pu contrevenir à ses obligations aux termes des articles 6 et 21 de la Loi.
L’article 11 interdit aux titulaires de charge publique d’accepter des cadeaux qui pourraient avoir une influence sur le bénéficiaire dans un pouvoir, une fonction ou un devoir officiels, à moins que le cadeau ne fasse partie du protocole ou soit d’un parent ou d’un ami. L’article 12 interdit à un titulaire de charge publique de voyager dans un aéronef privé ou non commercial, à moins que ce soit une exigence de l’emploi ou qu’il ait été approuvé avant le décollage par la commissaire.
Ces sections importent parce que l’Aga Khan est le fondateur et le directeur d’une organisation enregistrée comme lobbyiste auprès du fédéral – la Fondation Aga Khan. Cette organisation a reçu plus de 47 millions de dollars du gouvernement fédéral en 2016, ainsi que des fonds d’Affaires mondiales Canada pour divers projets humanitaires dans les pays en développement, selon Charity Intelligence Canada. La Fondation recevra également 55 millions de dollars, de 2016 à 2020, dans le cadre du Plan d’action pour le secteur de la santé en Afghanistan d’Affaires mondiales.
Même si ces allocations n’ont rien à voir avec les vacances, la simple apparence qu’elles soient reliées suffirait pour enfreindre la Loi, puisque l’article 11 stipule que les cadeaux « susceptibles d’être perçus » comme pouvant influencer le destinataire sont interdits.
Vous pouvez ajouter à cela les coûts (que nous ne connaissons pas encore) de la tournée pancanadienne « pour être à l’écoute » de Trudeau. Le Cabinet du premier ministre (CPM) a annoncé la tournée le 6 janvier – curieusement, le jour même où ses vacances aux Bahamas étaient dénoncées au pays. « Nous voyons cela comme un effort concerté visant à rester en contact avec les Canadiens, chez eux, dans leurs communautés », a déclaré Kate Purchase, directrice des communications du CPM. « Le premier ministre veut savoir ce qu’ils ressentent en ce début d’année 2017; quelles sont leurs angoisses et leurs inquiétudes et ce que nous pouvons faire pour y remédier ».
Dieu du ciel! Le premier ministre ne l’a-t-il pas fait il y a un peu plus d’un an, durant les élections fédérales? Et puis quelques mois plus tard, dans le cadre d’une émission spéciale de la CBC? Les réponses des Canadiens ont-elles changé à ce point depuis? Sa mémoire est-elle si mauvaise?
De grâce, ne nous insultez pas. Cet exercice n’a rien à voir avec une soi-disant « connexion » avec le Canadien moyen, mais plutôt avec une tentative de ramener sur terre l’image d’Icare après trop de temps passé à frayer avec des étrangers milliardaires, aux Bahamas et dans une succession d’événements de collectes de fonds libéraux.
Ce que nous avons appris de cet imbroglio est que le premier ministre – et le CPM – a montré un manque flagrant de jugement en acceptant le don d’une vacance gratuite aux Bahamas. Le gros bon sens et un coup d’œil furtif à la Loi (ou même au site Web de la commissaire à l’éthique) auraient dit à Trudeau que ce n’était peut-être pas la chose è faire. À titre d’exemple :
En 2015, Mme Dawson a réprimandé la Dre Linda Vennard, commissaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pour l’Alberta et les Territoires du Nord-Ouest, pour avoir accepté un bouquet de fleurs et une boîte de chocolats de représentants de sociétés agréées par le CRTC pour exploiter deux stations de radio de marque commerciale RED FM, dont une à Calgary. Le cadeau est arrivé le jour de son anniversaire. Vous devez avouer qu’il a coûté considérablement moins cher que des vacances aux Bahamas…
Le jugement Vennard est intéressant pour une autre raison : il a été dit qu’elle n’avait rencontré ces représentants qu’à quelques reprises – et que, pour cette raison, « un cadeau d’anniversaire dans de telles circonstances est inhabituel et inattendu ». Ceci, et l’« exemption de l’ami » dans la Loi, pourrait bien expliquer pourquoi Trudeau continue de marteler le fait qu’il connaît l’Aga Khan depuis son enfance.
« Il a été l’un des porteurs du cercueil de mon père, lors de ses funérailles. Il me connaît depuis que je suis tout petit. »
Il aurait été très facile pour Trudeau de demander conseil auprès de Mme Dawson avant d’entreprendre ce voyage. Il est probable qu’elle lui aurait dit de refuser l’invitation, basée sur une lecture très simple de la loi. Mais ce n’est probablement pas la réponse que Trudeau voulait – alors peut-être était-ce plus facile de ne pas le demander.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.