Liberté de haïr, liberté de tuer

Il n’y a qu’une seule réponse à Orlando : nommer les gens qui tuent pour ce qu’ils sont

Encore une fois, le monde a été témoin d’un acte d’assassinat de masse en sol américain, perpétré par un exemple d’« extrémisme cultivé ici, au pays », selon les mots du président américain Barack Obama. Le massacre d’Orlando adresse une foule de questions : la violence des armes à feu, la maladie mentale, l’homophobie, l’extrémisme religieux et le terrorisme. En plein mois de la fierté, il frappe au cœur non seulement de la communauté LGBT, mais de la croyance fondamentale que les gens dans les sociétés libres ont le droit de vivre comme ils le souhaitent, avec dignité et respect.

Depuis l’attaque, nous en avons appris un peu plus sur son auteur, Omar Mateen. Son ex-femme trace un portrait d’un homme violent et imprévisible, elle l’a quitté après seulement quelques mois de mariage. Durant leur relation, Mateen n’a jamais exprimé de sympathie pour l’islam radical ou les groupes terroristes, même s’il était un musulman pratiquant.

Son père a dénoncé ses actions, en disant qu’il aurait lui-même arrêté son fils, s’il avait connu ses intentions. Il a affirmé que son fils est devenu furieux lorsque, en compagnie de son fils de trois ans, il a vu deux hommes s’embrasser à Miami, et que le massacre a pu être en réaction à cet incident.

En même temps, CBS News a rapporté que Mateen père a déjà animé une émission de télévision dans laquelle il a averti que « Dieu punira ceux qui sont impliqués dans l’homosexualité ». Il y louait également les talibans afghans qui cherchent à renverser le gouvernement afghan et introduire la charia, qui criminalise l’homosexualité. En 2011 et 2012, Mateen fils a effectué des pèlerinages en Arabie Saoudite, mais on ne sait pas qui il a rencontré lors de ces voyages. En 2013, il a été interrogé par le FBI et a été placé sous surveillance en 2014, en raison d’un lien possible avec Moner Mohammad Abusalha, le premier kamikaze américain en Syrie. Le FBI a clos son enquête après n’avoir constaté qu’un « contact minimal » entre les deux hommes.

Mateen était-il influencé par les vues de son père? Était-il mentalement dérangé? A-t-il invoqué ISIS dans son appel au 911 parce qu’il les soutenait, ou parce qu’il cherchait un moyen d’acquérir une quelconque notoriété pour ses crimes? Il n’a laissé aucune note, aucune vidéo, aucune véritable explication pour ses actes. Il a, cependant, clamer à plusieurs reprises sa haine pour les hommes gais – et c’est ce préjugé qui se trouve à la racine de ce cauchemar.

La triste réalité est qu’en dépit de trente-sept ans de défilés de la fierté, des campagnes d’éducation du public, de la légalisation des mariages homosexuels dans de nombreux pays occidentaux – et des sondages qui démontrent que soixante-dix pour cent des Américains nés après 1980 soutiennent l’institution –, il y a encore des jeunes comme Mateen qui non seulement haïssent, mais choisissent d’assassiner en réponse à cette haine.

En même temps, il est important de reconnaître qu’il y a des forces qui enseignent aux gens à  haïr. L’extrémisme religieux est l’une de ces forces – que ce soit sous la forme d’édits anti-homosexuels de l’Église catholique, ou d’un homme politique canadien affirmant que les homosexuels vont brûler pour l’éternité dans un « lac de feu », ou d’imams prêchant que les gais et lesbiennes devraient être mis à mort « par compassion ».

En 2013, l’un de ces religieux, Sheikh Farrokh Sekaleshfar, a fait ces remarques dans une mosquée près d’Orlando: « La mort est la peine. Nous savons qu’il n’y a pas raison d’être embarrassés à ce sujet. La mort est la peine … Nous devons avoir de la compassion pour les gens. Avec les homosexuels, c’est la même chose – par compassion. Débarrassons-nous d’eux maintenant. »

Au Canada, une telle incitation à tuer un groupe identifiable serait considérée comme un discours haineux. Les États-Unis n’a pas de telles lois, Sekaleshfar ne pouvait donc pas être poursuivi pour ses remarques – pas plus que le prédicateur Terry Jones ne pourrait être arrêté pour avoir brûlé des exemplaires du Coran en 2010, lors du neuvième anniversaire des attaques du 11 Septembre. Sekaleshfar – qui a depuis dénoncé les attaques d’Orlando – était libre de prêcher la haine, pour exhorter ses partisans à tuer.

Dans une société démocratique, nous chérissons la liberté d’expression. Mais nous ne pouvons pas demeurer immobiles devant l’incitation à la violence. Et nous ne pouvons pas hésiter à condamner le radicalisme religieux – pas lorsqu’il pourrait inspirer des gens instables à nuire à leurs concitoyens.

S’opposer à la prédication de l’islam radical ne vous rend pas antimusulmans ou islamophobe. Dans une entrevue accordée au AM640, le maire de Toronto, John Tory, avait ceci à dire: « Je pense que certains de ces crimes haineux peuvent découler de l’extrémisme. Et je pense que nous devrions nommer ces gens … Dites-le à la radio ou dans les journaux que c’est ce que cet imam propage, parce que je connais bien la communauté musulmane de Toronto, et je sais que la grande, grande, grande majorité d’entre eux, y compris leurs imams, ne penseraient jamais épouser un tel point de vue ».

C’est de cette façon que nous pouvons espérer changer les cœurs et les esprits d’une minorité qui peut être amenée à haïr et à assassiner, par des mots. Les musulmans et les organisations qui les représentent, comme l’Association musulmane américaine et l’Association musulmane du Canada, se prononcent contre les messagers de la haine et du meurtre. Ces voix doivent se faire entendre, à l’intérieur et à l’extérieur de leurs communautés.

Le message central du mouvement de la fierté est que l’amour peut vaincre la haine. C’est un message qui peut s’appliquer à tout groupe ou à toute foi. Nous partageons tous le devoir de diffuser ce message de façon responsable – de ne pas laisser la chance aux extrémistes de tout groupe, politique ou religieux, d’avoir le dessus.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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