McGuinty a quitté lorsqu’il a réalisé qu’il était devenu un boulet pour son parti. Elle doit faire la même chose.
Les libéraux de l’Ontario pourraient-ils gagner sans Wynne? À l’heure actuelle, les sondages les placent quelque part au niveau de la fosse des Mariannes – mais selon un nouveau sondage de la firme Mainstreet, tout ce qu’il faudrait pour que le parti remonte en position majoritaire serait un nouveau visage à la barre.
Le sondage démontre que si la première ministre Kathleen Wynne devait quitter, et remettre les rênes à quelqu’un d’autre, son parti obtiendrait 29 pour cent du soutien des électeurs, devançant les progressistes-conservateurs à 28, le NPD à 16 et les Verts à 5 pour cent (22 pour cent des électeurs resteraient indécis). Si elle reste en poste, et si rien ne change, elle présidera la déroute libérale : les conservateurs obtiennent 35 pour cent – ce qui les place en position de quasi-majorité –, les libéraux à 21 pour cent, les néo-démocrates à 18, les Verts à 5, et 21 pour cent demeurent indécis.
« La marque libérale en Ontario est encore très, très forte », a déclaré le président de Mainstreet, Quito Maggi, « mais la marque personnelle (de Wynne) … se porte dans le négatif ».
Et cela fait beaucoup de négatifs. Sous les libéraux, une succession de budgets déficitaires ont poussé la dette provinciale au-dessus de la barre des 300 milliards $. La croissance de l’emploi demeure stagnante, avec un taux de chômage à 6,7 pour cent. Les tarifs d’électricité ont doublé depuis 2003 et ont augmenté de 15 pour cent dans la dernière année seulement. La récente promesse de Wynne d’un rabais de 8 pour cent pour les consommateurs d’électricité semble avoir eu peu d’impact sur la colère du public : lors d’une récente foire agricole, elle a été huée par des agriculteurs aux prises avec d’exorbitantes factures d’électricité.
Sous la direction de Wynne les libéraux en ont arraché aussi sur le front du travail, concluant des ententes secrètes avec les syndicats d’enseignants tout en échouant dans leurs négociations avec les médecins de la province. Ils ont augmenté les impôts des riches, les taxes sur le tabac ainsi que celles sur le carburant d’avions. Ils ont dépensé 70 millions $ pour créer un Régime de retraite de l’Ontario – la pièce maîtresse de la campagne électorale de 2014 de Wynne – pour ensuite tout jeter aux poubelles lorsqu’Ottawa a accepté d’augmenter les prestations du RPC.
Pendant ce temps, une enquête menée par le Globe and Mail a révélé que les ministres de l’Ontario ont reçu des quotas de collecte de fonds de type « argent contre accès privilégié » – une nouvelle qui a engendré la réforme du financement des partis et a été suivie par la récente démission du directeur de collecte de fonds de Wynne.
Donc, à deux ans de la prochaine élection, Wynne devrait-elle se retirer? Son prédécesseur, Dalton McGuinty, a jeté l’éponge en 2012 quand il est devenu évident que les électeurs ne lui donneraient pas un autre mandat. La colère du public suite à l’annulation de contrats pour la construction de centrales électriques au gaz naturel, qui a coûté près d’un milliard de dollars aux contribuables, avait atteint le point d’ébullition et s’était traduite par la tenue d’audiences publiques – commodément suspendues lorsque McGuinty a démissionné et a prorogé la législature.
À l’époque, comme aujourd’hui, le premier ministre de l’Ontario n’avait pas d’héritier apparent. Alors que la course au leadership s’accélérait, les sondages et les experts ont prédit une victoire pour l’ex-députée provinciale de Windsor, Sandra Pupatello. Mais lors de la convention libérale au leadership, Wynne a remporté assez d’appuis, et de délégués de ses autres rivaux, pour la mettre en tête. Elle a remporté l’élection de 2014 contre toute attente, après que le chef progressiste-conservateur, Tim Hudak, ait promis de mettre la hache dans 100 000 emplois du secteur public. Malgré l’évidente nécessité d’une réduction des dépenses gouvernementales, les électeurs ont trouvé excessif et rebutant le zèle de réduction des coûts de Hudak, et ont donné un gouvernement majoritaire à Wynne.
Cette fois-ci, Wynne fait face à un chef conservateur moins connu. Patrick Brown a fait beaucoup les manchettes ces derniers temps après sa « volte-face » au sujet de la mise à jour du programme provincial d’éducation sexuelle, introduite sous la surveillance de Wynne. Quand il s’est présenté dans la course à la direction du parti, en 2014, Brown a assuré les groupes de conservateurs sociaux qu’il abrogerait ces changements, qui introduisent le concept d’identité des genres aux élèves de troisième année et expliquent le sexe anal à ceux de septième année. Brown a depuis changé sa position, après avoir publié une lettre ouverte dans laquelle il promet qu’il « n’appuiera jamais le retrait des écoles de la sensibilité LGBT ou de la lutte contre l’homophobie. Il est important d’avoir une éducation sexuelle pour lutter contre l’homophobie, et soulever des questions importantes telles que le consentement, la santé mentale, l’intimidation et l’identité sexuelle ».
Alors que certains observateurs applaudissent Brown pour avoir isolé l’aile des conservateurs sociaux du parti en ramenant ce dernier vers le centre, d’autres se demandent si le chef détient quelque croyance qu’il est prêt à conserver sous pression. Le danger pour Brown n’est pas tellement qu’il se soit aliéné les conservateurs sociaux du parti en se déplaçant vers le centre en matière d’éducation sexuelle, mais que les électeurs commencent à se demander si sa parole vaut quelque chose au sujet d’autres questions de politique – y compris les questions clés des taxes, de la dette et de la réforme hydroélectrique.
Les libéraux ne peuvent pas condamner le changement de position de Brown en matière de programme d’éducation sexuelle – mais ils peuvent faire valoir qu’on ne peut pas lui faire confiance. Compte tenu du bilan de Wynne, ce message pourrait avoir beaucoup plus de poids provenant d’un autre leader. Et les libéraux seraient mieux d’aller vers un chef provenant de l’extérieur de Queen’s Park ; les ministres Charles Sousa, Deb Matthews et Eric Hoskins pourraient être des candidats naturels pour le poste, mais ils portent aussi l’héritage de Wynne.
Si les libéraux ont l’intention de changer de chef, ils ont besoin de le faire rapidement – et sans effusion de sang. Une gracieuse sortie leur serait préférable à un coup.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.