La première ministre aurait dû reporter le programme de plafonnement et d’échange après la prochaine élection
Si un psychologue se penchait sur le cas du gouvernement libéral de l’Ontario, il ou elle diagnostiquerait un cas majeur de déni. Trois pertes d’élections partielles de suite, une cote d’approbation de la chef à seize pour cent, une dette publique approchant les 300 milliards $, et un vent de frustration suite à la montée en flèche des taux d’hydroélectricité, et que promet le gouvernement dans son dernier discours du Trône? Un rabais de huit pour cent « égal à la partie provinciale de la TVH sur les factures d’électricité » à appliquer aux factures d’électricité des propriétaires. L’exonération totale : une moyenne de 130 $ par année pour un ménage moyen, avec des remises supplémentaires d’environ 45 $ par mois, ou 540 $ par année pour les contribuables des régions rurales.
« Nous avons entendu vos préoccupations, aux portes de Scarborough-Rouge River », a déclaré la première ministre Kathleen Wynne la semaine dernière, à la suite de la phénoménal défaite de son parti à l’élection partielle tenue dans la circonscription de Toronto. « Une des choses que nous avons entendues plus régulièrement était le cas des tarifs d’électricité. J’ai entendu parler des tarifs d’électricité dans le nord. Ce n’est pas une situation réservée uniquement à une circonscription à Toronto. C’est une préoccupation dans toute la province. Je reconnais cela. »
Si la première ministre a reconnu cela, elle devrait également reconnaître qu’acheter le vote des électeurs avec leur propre argent pourrait très bien être un cas de « trop peu, trop tard ». Le système hydro-électrique ontarien est sur le respirateur artificiel, et ses clients saignent, mais au lieu d’une intervention chirurgicale majeure, le discours du Trône offre une solution de fortune – une solution dont les électeurs pourraient bien avoir le goût de se défaire, la prochaine fois qu’ils se rendront aux urnes en 2018.
En vérité, le fouillis hydroélectrique ontarien a mis des décennies à en arriver là où il est. Cela a commencé avec la tentative avortée de privatiser Hydro Ontario sous le gouvernement progressiste-conservateur de Mike Harris, en 2002. Abandonnée pour des raisons politiques, la mesure aurait brisé le monopole provincial et ouvert le secteur à la concurrence, et potentiellement, abaissé les prix pour les consommateurs. Le fiasco a continué en 2003 après l’élection du gouvernement libéral de Dalton McGuinty qui, dans son plan sur l’énergie verte, promettait de mettre fin à l’utilisation du charbon par la province pour produire de l’électricité. Ce but a été atteint, mais à un prix : le gouvernement a augmenté l’utilisation du gaz naturel et de l’énergie nucléaire, et a conclu des contrats à prix fixe pour de l’énergie renouvelable bloqués à des taux supérieurs au marché.
Le résultat, selon un rapport de 2015 de la vérificatrice générale Bonnie Lysyk, a été un excédent de 37 milliards $ payés par les consommateurs pour de l’électricité entre 2006 et 2014, et un autre excédent de 133 milliards $ prévu d’ici 2032. « Les clients d’Hydro One ont un système d’alimentation dont la fiabilité semble se détériorer alors que les coûts augmentent », a écrit Lysyk. « Avec les prix de l’éolien et du solaire à la baisse dans le monde entier vers 2008, un processus concurrentiel aurait signifié des coûts beaucoup plus bas. »
Mais ce processus n’a pas été à l’ordre du jour. Au lieu de cela, entre 2009 et 2014, l’Ontario a produit un excédent annuel d’électricité moyen égale à la capacité totale de production d’électricité de son voisin, le Manitoba. En plus de cela, Lysyk a constaté que le réseau d’électricité de l’Ontario était si mal entretenu qu’« il y a un risque de plus de pannes de courant [similaires à la grande panne d’électricité de 2003], car Hydro One ne remplace pas les éléments de transmission qui ont dépassé leur durée prévue de vie utile ».
Depuis, sous le règne de Wynne, les libéraux de l’Ontario ont continué avec les mêmes politiques qui ont échoué lors de l’administration McGuinty. Les libéraux ont continué à déployer les soi-disant « compteurs intelligents », qui visent à réduire les coûts d’électricité en consommant de l’énergie aux heures creuses – en dépit des résultats qui étaient tout sauf intelligents : en 2014, Lysyk a constaté que les compteurs avaient plutôt augmenté les coûts pour certains consommateurs et le gouvernement avaient grossièrement surestimé le coût et les économies du programme.
Puis, dans le budget du printemps 2015, Wynne a annoncé une introduction en bourse pour un maximum de 60 pour cent des actions d’Hydro One, l’utilitaire principal de distribution et de transport d’électricité de l’Ontario – pas pour des raisons d’efficacité, mais pour payer les plans d’expansion du transport en commun, tout en équilibrant les livres de la province, qu’elle a promis de faire d’ici à ce qu’elle se présente à nouveau devant les électeurs, dans deux ans.
Et les choses sont sur le point de devenir encore plus coûteuses pour les consommateurs d’énergie, avec l’introduction d’un marché du carbone en janvier. Le gouvernement prévoit que le programme de plafonnement et d’échange coûtera aux ménages ontariens une moyenne de 13 $ par mois pour le chauffage domestique et l’essence. Cela équivaut à 156 $ par année, un peu plus que le remboursement promis dans le discours du Trône de cette semaine. Ainsi, alors que les consommateurs vont « sauver » sur un type d’énergie, ils devront dépenser plus sur un autre – faisant ni plus ni moins de l’annonce du discours du Trône un jeu de vases communicants.
Qu’aurait dû faire Mme Wynne? Pour commencer, elle aurait dû reporter la mise en œuvre du programme de plafonnement et d’échange à après la prochaine élection, ou jusqu’à ce que les politiques hydroélectriques du gouvernement aient été entièrement révisées. Elle aurait dû abroger les articles de la loi sur l’énergie verte qui incitent à l’achat d’énergie verte à des prix gonflés – et les contrats qui tiennent captifs les contribuables ontariens pour plusieurs années à venir. Elle aurait dû aborder de plus petites mais symboliques questions, comme le subventionnement des véhicules électriques (les acheteurs de Tesla ont-ils vraiment besoin de milliers de dollars en rabais?). Et elle aurait dû examiner l’arrogance d’une bureaucratie hydroélectrique qui produit de grands titres comme : « Un Ontarien poursuit pour des frais d’électricité attribués à un chalet sans… courant » et de la frustration chez les consommateurs d’un bout à l’autre de la province.
Au lieu de cela, Wynne retombe sur les vieux réflexes de l’aide gouvernementale. Cette fois, cependant, l’énergie de ce gouvernement pourrait bien venir à manquer.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.