Les nouvelles lois sévères du Québec peuvent faire écho aux sentiments ressentis ailleurs au pays

Le Québec est-il la province la plus intolérante au Canada? Le gouvernement majoritaire de la CAQ a adopté deux projets de loi controversés qui interdisent le port de symboles religieux par des employés de l’État en position d’autorité, rejettent 16 000 demandes d’immigration et imposent un test de valeurs aux nouveaux arrivants.

Pris dans leur ensemble, les projets de loi envoient un puissant message de « vous n’êtes pas les bienvenues » à un large éventail de citoyens, issus à la fois de minorités culturelles établies et de ceux qui espèrent les rejoindre dans la province.

La première loi est le projet de loi 21. Il impose un code vestimentaire laïc à une foule de représentants de l’État, notamment les policiers, les juges, les avocats, les gardiens de prison et, la mesure la plus controversée, les enseignants. Nul ne peut porter des symboles religieux évidents, même si ce que cela signifie dans les faits soit devenu un sujet de débat et, parfois, de ridicule – la semaine dernière, il a été suggéré d’interdire le port des alliances, ce que le premier ministre du Québec, François Legault, a rapidement rejeté.

Cependant, il est clair que les voiles musulmans, les turbans sikhs, les kippas juives et les croix chrétiennes sont tous interdits. Les enseignants qui portent actuellement des vêtements religieux peuvent continuer à les porter, mais s’ils se voient proposer un transfert, une promotion ou un nouvel emploi, ils ne seront pas en mesure de les accepter à moins de les enlever. Les inspecteurs auront le pouvoir d’appliquer la nouvelle loi et « l’employé ciblé pourrait être soumis à des mesures disciplinaires s’il ne se conforme pas ».

Draconien? Oui, mais cela fait partie d’une dynamique qui existe depuis longtemps dans la Belle province. L’idée de « séculariser » l’État remonte aux années 1960, lorsque la Révolution tranquille du Québec a brisé l’empreinte de l’Église catholique sur les leviers du pouvoir de l’État et sur la vie personnelle des gens.

Dans les années 2000, alors que la province devenait de plus en plus multiculturelle, les gouvernements qui se sont succédé ont eu à faire face au concept d’« accommodements religieux » pour répondre aux besoins des groupes confessionnels. Parmi eux, les musulmans, les sikhs et les juifs orthodoxes, après avoir réclamé des repas sans porc dans une cabane à sucre, le droit de porter des couteaux de cérémonie à la législature provinciale, et qu’on recouvre les fenêtres d’un YMCA où des femmes faisaient de l’exercice, autant de nouvelles qui ont fait la une dans la province.

En 2008, la Commission Bouchard-Taylor de la province avait suggéré aux responsables de l’État de limiter le port de vêtements religieux, afin de présenter un soi-disant « visage neutre ». Cependant, même les co-auteurs de ce rapport ont récemment déclaré que la loi 21 allait trop loin.

« L’histoire est remplie d’exemples où une majorité a abusé de ses pouvoirs au détriment de sa minorité », a déclaré Gérard Bouchard, qui a déploré le manque de preuves selon lesquelles le projet de loi était nécessaire. Charles Taylor, pour sa part, a déclaré qu’il avait changé d’avis sur l’interdiction du port des signes religieux et que parler de ce sujet alimentait maintenant la haine et l’intolérance.

Le gouvernement, cependant, a fait preuve de fermeté et a forcé l’adoption de la loi lors d’une session marathon de l’Assemblée nationale le week-end dernier.

Il en a été de même pour le deuxième projet de loi controversé, le projet de loi 9, la nouvelle loi québécoise sur l’immigration, qui a des conséquences tout aussi graves. D’un trait de crayon, 16 000 demandes d’immigration ont été rejetées et devront être reprises par les nouveaux arrivants potentiels qui ont déjà dépensé des milliers de dollars et, dans certains cas, des années de leur vie, dans le processus. Les changements pourraient potentiellement toucher 50 000 personnes, lorsque les membres de la famille sont inclus.

Legault affirme que la loi est nécessaire pour faire correspondre compétences professionnelles et emplois, mais qu’elle impose également un test de valeurs et une exigence de maîtrise du français. Bien que censé être conçu pour accélérer l’entrée, il éliminera inévitablement plus de candidats qui n’auront pas passé le test avec succès. Cela correspond à la promesse électorale de Legault de réduire l’immigration de 40 000 personnes par an à partir de 2019.

Ottawa a déjà déclaré qu’il n’approuvait pas le projet de loi 9 et qu’il était « en discussion » avec la province. En pleine année électorale cependant, Legault sait qu’il possède l’atout : les votes. Tous les partis fédéraux à la recherche d’appuis au Québec sont confrontés à la délicate tâche de défendre à la fois les droits des minorités et ceux de la majorité.

Et cette tâche pourrait également se manifester à l’extérieur de la province. Le dernier sondage national Léger a révélé que 63% des répondants pensent que le gouvernement fédéral devrait donner la priorité aux limites sur l’immigration, contre 37% qui estiment que la priorité devrait être une immigration croissante pour répondre à la demande de l’économie en expansion du Canada.

Cela se produit durant une semaine où le ministre de l’Immigration, Ahmed Hussen, a annoncé un programme visant à encourager l’immigration dans 11 petites collectivités du pays, mais aussi lorsque le nombre de frontaliers illégaux au Canada a fortement augmenté après avoir diminué au cours des derniers mois.

Avec les taxes sur le carbone et les pipelines, l’immigration et la manière dont nous traitons les nouveaux arrivants seront probablement l’un des enjeux déterminants du prochain vote.

Ainsi, même si le Québec est considéré actuellement comme la province la plus intolérante au Canada, le reste du pays devrait également se regarder dans le miroir. Équilibrer le nombre d’immigrants avec la capacité d’un pays à les intégrer est une bonne politique, mais elle doit être fondée sur des faits et non sur la peur. La protection de nos frontières est essentielle, mais elle doit être faite de manière à mettre l’accent sur l’équité et non sur l’arbitraire.

Quant à la limitation de l’expression religieuse, elle ne peut être justifiée que si des motifs raisonnables le justifient. Sinon, les gouvernements font simplement appel à la xénophobie et la renforcent. À une époque où le populisme et le sentiment anti-immigrants dominent le monde, le Canada ne peut pas se permettre d’emprunter cette pente glissante.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de Global…

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