Alors que le pays est sous l’emprise de la troisième vague de la COVID, et que le gouvernement fédéral se démène pour obtenir plus de vaccins, de nombreuses questions politiques qui occuperaient normalement l’avant-scène de l’actualité ont été laissées de côté. L’une de ces questions est l’enquête menée par le comité de la défense de la Chambre des communes sur des allégations d’inconduite sexuelle contre l’ancien chef d’état-major de la Défense, le général Jonathan Vance, et sur ce que le ministre de la Défense Harjit Sajjan et le premier ministre Justin Trudeau savaient à leur sujet en 2018.
En février 2021, un mois après la retraite de Vance, Global News a rapporté que ce dernier aurait eu une relation continue avec une femme qu’il surclassait considérablement et qu’il aurait fait un commentaire sexuel à une deuxième femme soldat plus jeune en 2012, trois ans avant il a été nommé à la tête des Forces armées canadiennes. L’affaire fait actuellement l’objet d’une enquête de la police militaire. Il en va de même pour les allégations d’inconduites distinctes contre le successeur de Vance, l’amiral Art McDonald, qui a démissionné en février après seulement quelques semaines en poste.
Cette semaine, les députés libéraux et bloquistes ont voté pour la fermeture du comité, sous les hauts cris de protestation des conservateurs et du NPD. Les libéraux disent que les 25 heures de témoignage déjà entendues par le comité sont suffisantes; l’opposition rétorque qu’il y avait des témoins clés que le comité n’avait pas encore entendus. Ces témoins comprennent l’ancien chef de cabinet de Sajjan et un conseiller principal de Trudeau. Leur témoignage est essentiel pour étayer ou réfuter les témoignages accablants que le comité a entendu d’autres témoins, y compris l’ancien ombudsman militaire Gary Walbourne.
Walbourne a déclaré au comité le mois dernier qu’il avait rencontré Sajjan en privé pour soulever des cas d’allégations d’inconduite sexuelle impliquant Vance en 2018, mais que Sajjan n’était pas intéressé à les entendre. «J’ai essayé de lui montrer des preuves. Il a refusé de le regarder», a déclaré Walbourne avant d’ajouter: «Après cette rencontre, il y a eu plus d’une douzaine de demandes de ma part au ministre pour qu’on se rencontre à nouveau. Toutes ont été rejetées.»
La version des faits de Sajjan diffère. Il a déclaré qu’il n’avait pas permis à Walbourne de lui fournir de détails sur les allégations car «toute enquête devrait être libre d’ingérence politique». Il a ajouté qu’il avait ordonné à Walbourne de soumettre les allégations à «l’autorité indépendante appropriée».
Selon Walbourne, Sajjan a rapporté la rencontre au Bureau du Conseil privé (BCP), la branche bureaucratique du Cabinet du premier ministre, qui a demandé des informations à Walbourne sur la plaignante. Mais c’était un piège: la plaignante n’avait pas donné à Walbourne la permission de divulguer quoi que ce soit à moins qu’elle ne soit assurée d’une «couverture maximale» – c’est-à-dire de la confidentialité et de la protection – par le ministre de la Défense, la même personne qui refusait d’entendre les détails de sa plainte.
Le BCP, faute de preuves, a ensuite abandonné l’enquête. Peu de temps après, Vance a obtenu une augmentation de son échelle salariale de 50 000 $, approuvée par le premier ministre. Le bureau de Trudeau a expliqué que ces augmentations sont basées sur «les recommandations de la fonction publique».
Les femmes qui se sont présentées au comité sont frustrées, découragées et en colère. Selon Christine Wood, qui représente un groupe qui a mené un recours collectif contre le gouvernement fédéral pour violence sexuelle dans les forces armées, «il est scandaleux que deux chefs (du personnel) de la défense aient fait face à des allégations à quelques semaines d’intervalle, mais c’est encore plus scandaleux d’accepter que 1600 personnes signalent une agression sexuelle en moyenne chaque année au sein des Forces armées canadiennes.»
Ça l’est, en effet. Il est tout aussi frustrant de voir qu’un gouvernement et un premier ministre qui affichent continuellement leurs aptitudes féministes ne parviennent pas à lutter contre des cas de misogynie et de harcèlement au sein de l’une des institutions les plus importantes de ce pays. L’armée canadienne a un bilan catastrophique en matière d’inconduite et de violence sexuelles, qui date de bien avant l’actuel régime libéral.
Ironiquement, Sajjan a déclaré au comité: «Nous devons empêcher la peur et les obstacles qui empêchent les gens de se manifester. Nous avons besoin d’un changement de culture complet et total.» Oui, c’est vrai. Et lorsqu’un premier ministre se présente comme un champion de l’égalité des femmes, sur des sujets comme les droits à l’avortement ou à la parité entre les sexes, les femmes ont le droit de s’attendre à de la transparence et de l’action, pas au silence et à de telles interruptions d’enquêtes.
Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post