Les familles vivant avec l’autisme ont besoin de plus que de simples séances de photos, M. Trudeau

De quelles façons les gouvernements canadiens devraient-ils répondre aux besoins des personnes et des familles aux prises avec l’autisme? Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement de l’Ontario a renversé sa très controversée (et factuellement incorrecte) position selon laquelle une thérapie comportementale intensive devrait se terminer à l’âge de cinq ans, supposément parce que les enfants plus âgés n’en bénéficieraient pas.

Le ministre des Services à l’enfance et à la jeunesse Michael Coteau a non seulement offert une prolongation de la thérapie à tous les enfants ayant un besoin confirmé, mais a offert une option de financement direct aux familles, ce que la Coalition ontarienne de l’autisme (COA) préconise depuis 12 ans.

« Nous savons que c’est une meilleure option pour les familles en termes de flexibilité », a déclaré le président de la COA, Bruce McIntosh. « Le coût par enfant pour le gouvernement est plus bas. Tout le monde bénéficie de ce modèle de financement. »

Les libéraux de l’Ontario devraient être félicités pour s’être finalement rendus à l’évidence sur cette question – même si cela a pris de sérieuses pressions publiques pour les faire bouger. Hélas, leurs cousins ​​fédéraux ne semblent pas avoir la même perspective.

Le 18 mai, une motion a été déposée devant la Chambre pour établir le Partenariat canadien pour l’autisme (PCA), un projet mis en branle en 2015. Dirigé par douze chercheurs de premier plan et sept avocats de la communauté de l’autisme, le projet a mené une consultation sur la recherche consacrée à l’autisme et les meilleures pratiques auprès de 5000 Canadiens. Le but du PCA est de sensibiliser les décideurs politiques aux progrès réalisés dans le domaine, et leur accès pour les familles, afin d’assurer un niveau de programmes et de services plus uniforme dans tout le pays.

Un plan d’affaires du PCA a été présenté à la ministre de la Santé Jane Philpott en novembre 2016, ainsi qu’une enveloppe de 19 millions de dollars sur cinq ans. Le budget Trudeau a été déposé et aucune mention du PCA n’a été décelée dans ses 280 pages. Cela a amené le député conservateur Mike Lake à présenter la motion susmentionnée, afin d’établir tout de même le partenariat. Il a été appuyé par les membres de son parti, le NPD, le Parti Vert et, selon lui, un certain nombre de membres du caucus libéral, dont la moitié avaient signé des lettres d’appui au partenariat dans l’attente du budget.

Pour s’assurer de ce soutien, Lake a rédigé la motion avec précaution. « Je l’ai intentionnellement dépouillée de toute connotation politique », a déclaré Lake à iPolitics. « Je me suis assuré qu’elle ne comprenait aucune critique du gouvernement ou du budget. Je voulais seulement avoir l’occasion d’avoir un débat direct sur la question du partenariat. »

Malheureusement, cela a fait peu de différence. Tous les libéraux, à l’exception d’un, ont voté contre la motion, et le débat a engendré plusieurs déclarations plutôt étonnantes – y compris celle du député libéral Kevin Lamoureux qui pourrait nous amener à nous demander si le gouvernement avait bien compris l’ampleur du problème :

« Parce qu’une personne est atteinte d’autisme, cela ne signifie pas qu’elle est complètement dysfonctionnelle. En fait, monsieur le Président, ces personnes sont aussi aimables que les individus qui ne sont pas atteints du syndrome d’Asperger. »

Après que la motion eut été rejetée, Lake a ramené le problème en pleine période de questions, en s’engageant même dans un échange avec le premier ministre Justin Trudeau le 7 juin. Trudeau a répondu que le gouvernement a dépensé 39 millions de dollars pour la recherche sur l’autisme au cours des cinq dernières années, une réponse qu’il a lue textuellement à partir de points de discussion préétablis, puis répétée dans son complémentaire, sans aucune trace de cette compassion qui l’habite systématiquement lorsqu’il traite de tant d’autres causes.

L’autisme n’est peut-être pas une cause aussi convaincante que les autres « ismes » qui gagnent les louages du PM à travers le monde. Mais lorsqu’il s’agit de séances de photos pour l’autisme, les libéraux sont plus qu’heureux de se présenter! Une douzaine de députés ont posé en avril pour « Autisme sur la colline », un événement visant à souligner la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme.

Alors, pourquoi les libéraux ont-ils voté contre la motion? Lake attend toujours une véritable réponse. Et en son absence, il offre cette hypothèse à iPolitics : « De plus en plus, il semble que la raison pour laquelle ils ont voté contre est parce que ce n’était simplement pas leur idée. Et ils n’ont aucune idée pour la remplacer. »

Le gouvernement fédéral pourrait également être heureux de relayer cette question aux provinces, en particulier celles qui possèdent des gouvernements libéraux. À Richmond C.B., par exemple, le gouvernement précédent a ouvert le Centre d’autisme familial Goodlife Fitness en 2016, après des années de lobbying de la part de parents et d’organismes tels que le Réseau de la famille Autisme du Pacifique. Et en Ontario, les libéraux provinciaux ont fait du progrès – enfin! – avec une stratégie globale.

Mais le fait que certaines provinces possèdent ces installations et ces programmes ne signifie pas que d’autres juridictions devraient être empêchées d’accéder à leurs connaissances et meilleures pratiques. En tout cas, le Partenariat canadien pour l’autisme aiderait à éviter les doublons dans le domaine de la recherche. Il ne s’agit pas de créer plus de bureaucratie, comme certains le prétendent. Il s’agit d’assurer l’égalité de traitement pour toutes les personnes atteintes d’autisme à travers le pays et d’encourager les provinces à adopter des normes uniformes.

Stelios Georgiades, co-directeur de l’équipe de recherche sur l’autisme de l’Université McMaster, cite l’exemple de l’Ontario, où il a servi en tant que membre du groupe de travail provincial sur l’autisme :

« Au cours des dernières années, un groupe incroyable d’intervenants et d’experts de cette province a travaillé à mettre en place un nouveau programme sur l’autisme en Ontario. Tout ce travail … peut certainement profiter aux citoyens de cette province, mais en l’absence du PCA, il ne peut pas profiter aux citoyens résident en dehors de cette province.

« En ayant une entité comme le PCA, nous pouvons prendre des innovations au niveau provincial, les accélérer et les étendre au niveau national, en réduisant les doublons et les temps d’attente pour faire avancer les résultats de la recherche. »

Et ce mouvement peut bénéficier non seulement aux individus atteints de TSA, mais à toute la société dans son ensemble. Il ne s’agit pas uniquement d’enfants autistes; il s’agit aussi des adultes qu’ils deviennent. On estime que 80 à 90% des adultes atteints de troubles du spectre autistique sont au chômage. Ce gaspillage massif de potentiels a un coût, non seulement pour eux, mais pour tous les Canadiens, et pourrait être atténué aujourd’hui grâce à une meilleure application de la recherche, et ce, de manière concertée.

« Nous ne laisserons pas cela aller », a déclaré Lake. « Les gens ne comprennent pas les raisons du rejet du PCA. Nous demandons aux gens de faire respectueusement savoir à leurs députés libéraux qu’ils souhaitent qu’ils changent d’avis. »

M. le premier ministre, soyez avisé : si les précédents efforts de la communauté ontarienne de l’autisme sont une indication, les téléphones vont sonner tout l’été.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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