Les conservateurs doivent proposer des alternatives novatrices à la taxe sur le carbone

La guerre à la taxe sur le carbone imposée par le premier ministre Justin Trudeau s’est réchauffée de plusieurs degrés lundi alors que l’Ontario entamait officiellement une contestation judiciaire de la taxe fédérale sur le carbone.

« La taxe sur le carbone imposée par le gouvernement fédéral oblige les Ontariens et Ontariennes à payer davantage pour chauffer leur maison, se rendre au travail et faire leurs courses. Ce n’est tout simplement pas juste pour les personnes, les familles et les petites entreprises qui travaillent dur », a déclaré la procureure générale Caroline Mulroney.

Le gouvernement ontarien lance un recours constitutionnel contre la taxe, rejoignant la Saskatchewan, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et probablement l’Alberta dans ce qui s’annonce comme étant le plus gros problème de la prochaine élection fédérale.

Trudeau affectionne probablement ce combat. Cela met le chef conservateur Andrew Scheer dans une situation difficile: les taxes sur le carbone peuvent irriter l’Ontario et l’Ouest, mais elles sont populaires en Colombie-Britannique et au Québec, deux provinces où les conservateurs doivent faire des gains s’ils veulent former un gouvernement. S’allier avec les premiers ministres qui s’opposent à cette taxe stimulera la popularité de Scheer dans certains domaines, mais l’entachera dans d’autres – à moins qu’il ne réussisse à proposer un plan qui satisfasse à la fois les producteurs d’énergie et les environnementalistes.

Cela peut ne pas être aussi impossible qu’il puisse paraître. Déconstruire la taxe sur le carbone des libéraux n’est pas si difficile; alors que ses promoteurs prétendent qu’elle agira comme un mécanisme de marché pour réduire les émissions, en augmentant le prix du carburant et en dissuadant son utilisation, les preuves suggèrent le contraire.

L’industrie peut simplement refiler le coût de la taxe aux consommateurs, qui se verront alors accorder une remise par le gouvernement, ce qui réduira leur incitatif de réduire leur consommation. Un sondage effectué en décembre 2018 a révélé que seulement 20% d’entre nous opteraient pour des véhicules plus économes en carburant, ou pour un autre moyen de transport, avec des prix oscillant entre 1 et 1,25 $ le litre – c’est à ce niveau que la taxe a mené le prix en Ontario.

Ajoutez à cela la longue liste des industries qui seront exemptées de la taxe, la crainte que les libéraux cherchent simplement à remplir les coffres d’Ottawa, la nature arbitraire du « prix » (fixé non pas par le marché, mais par l’État), et le plan a plus de trous qu’un fromage suisse.

Scheer peut aussi souligner un autre problème: si le sevrage des combustibles fossiles de nos économies peut être souhaitable ou nécessaire à long terme, à court et à moyen terme, le fait est que ces combustibles resteront le choix privilégié pour de grands pans de la population mondiale.

Le moteur de la demande est la croissance économique. Malgré une réduction de la consommation de charbon sur son territoire, la Chine finance désormais un quart des centrales de charbon construites en dehors du pays, dans des marchés émergents énergivores. Aux États-Unis, les émissions de carbone ont augmenté de 3,4% en 2018, soit la plus forte augmentation en huit ans, sous l’effet conjugué d’un hiver rigoureux, d’une économie en plein essor et d’une augmentation des transports routiers et aériens.

Ici, chez nous, les émissions augmentent elles aussi et augmenteront encore en raison d’un autre facteur: l’immigration. L’environnementaliste John Meyer estime qu’un immigrant typique émettra au Canada quatre fois plus de carbone que s’il était resté dans son pays d’origine. Donc, à moins que nous prenions tous des douches froides, empilions les pulls de laine et arrêtions de nous déplacer en voitures, nous livrerons une difficile bataille jusqu’à la fin des temps.

Si vous et moi n’allons pas abandonner les combustibles fossiles dans un avenir rapproché, alors, au lieu de taxer les émissions, les conservateurs devraient se concentrer sur l’autre extrémité de la chaîne: capter le carbone que nous émettons. La séquestration du carbone est, comme son nom l’indique, l’élimination du carbone de l’atmosphère. Elle se produit naturellement via la végétation et la roche volcanique. Les forêts de la planète captent à elles seules deux gigatonnes de CO2 par an, faisant de la gestion des forêts, du boisement et du reboisement des alliés naturels dans notre lutte contre le changement climatique.

L’utilisation du bois, par opposition à d’autres matériaux, dans la construction accroît l’effet de la séquestration à base d’arbres. Parmi les autres moyens de séquestration du carbone à base de plantes, on peut citer l’agriculture au carbone, dans laquelle les plantes capturent le CO2 et le restituent au sol. L’augmentation des superficies des prairies, des zones humides et des zones de végétation côtière est également un bon moyen d’éliminer le carbone de l’atmosphère.

Le carbone peut même être éliminé de l’air à l’aide de moyens mécaniques. Une société suisse appelée Climeworks exploite 14 usines de captage du carbone dans le monde. Bien que l’extraction d’une tonne de CO2 coûte actuellement 600 dollars, Climeworks prévoit que les coûts chuteront à 200 dollars d’ici trois à quatre ans.

La société canadienne Carbon Engineering, une autre entreprise d’extraction du carbone, transforme le carbone extrait en carburant. Soutenue par le cofondateur de Microsoft, Bill Gates, la société a développé une technologie permettant la « décarbonisation de tout véhicule » et estime le coût actuel entre 94 et 232 dollars par tonne de CO2.

Bien que ce soit plus élevé que le prix proposé par Ottawa sur le carbone, contrairement à ce dernier, qui augmentera avec le temps, le coût de la séquestration est appelé à diminuer à mesure que la technologie progresse. Il présente également l’avantage supplémentaire de ne pas décimer le secteur des combustibles fossiles – et les économies qui en dépendent, y compris au Canada.

Il n’est donc pas surprenant que les entreprises canadiennes de combustibles fossiles se lancent dans le jeu, déployant même du CO2 pour augmenter la production de pétrole – tout en emprisonnant le gaz dans le sol. C’est l’objectif d’Alberta Carbon Trunk Line, un pipeline de 240 km construit par la société canadienne Enhance Energy, qui captera le CO2 d’une usine d’engrais et de la nouvelle raffinerie Sturgeon, près d’Edmonton, pour l’acheminer vers des champs de pétrole conventionnels bien développés, près de Clive, en Alberta. Le CO2 issu de l’oléoduc permettra ensuite aux producteurs de pétrole d’extraire un milliard de barils de pétrole léger supplémentaire tout en emprisonnant le carbone dans le sol. Il devrait être opérationnel d’ici 2020 et séquestrer jusqu’à 14,6 millions de tonnes d’émissions de CO2 par an, ce qui équivaut à retirer 2,6 millions de voitures de la route.

Avec toutes ces options sur la table, il ne suffit pas que les politiciens conservateurs s’opposent simplement aux taxes sur le carbone. Ils doivent faire preuve de créativité et proposer des plans de réduction des émissions de carbone qui font ce que le gouvernement actuel ne parvient pas à faire: satisfaire les demandes des producteurs d’énergie et de l’environnement. C’est précisément ce que ferait un plan axé sur la capture et la séquestration du carbone.

À l’heure actuelle, le site Web du gouvernement de l’Ontario ne répertorie qu’un seul projet de captage du carbone datant de 2012, impliquant des algues générées par la cimenterie de St. Mary’s et se concentrant plutôt sur les objectifs traditionnels de conservation et de développement des carburants de substitution. Quant aux conservateurs fédéraux, nous attendons toujours de savoir quel sera leur plan en matière de climat…

Une stratégie intelligente soulignerait qu’il est possible de produire et d’utiliser des combustibles fossiles tout en réduisant notre empreinte carbone. Elle nous unirait au lieu de nous diviser; elle réconcilierait les intérêts de l’est à ceux de l’ouest, ceux des environnementalistes à ceux des producteurs d’énergie, des ennemis du changement climatique et des climato-sceptiques. La technologie, et non les taxes, pave la voie à la lutte contre les changements climatiques et, éventuellement, au renforcement de l’électorat.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de Global…

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