Au fur et à mesure que le vortex polaire resserre son emprise, la température n’est pas la seule chose qui chute à travers le pays. Il en va de même pour la confiance des électeurs dans la gestion par le gouvernement fédéral du déploiement du vaccin COVID-19. Selon le dernier sondage d’Abacus Research, le nombre de Canadiens qui pensent que le gouvernement fédéral a fait un bon ou excellent travail dans la commande des vaccins a diminué de 15% depuis le début de janvier. Pendant ce temps, Nanos Research a constaté qu’un Canadien sur deux ne croit pas à la promesse du premier ministre Justin Trudeau voulant que nous soyons tous vaccinés d’ici septembre.
Il n’est donc pas surprenant que cela ait refroidi les ardeurs du Parti libéral, qui se situe maintenant au coude à coude avec les conservateurs pour une intention électorale de 32% et 31%, respectivement.
Alors, le temps est-il venu de changer de gouvernement? L’opposition sentira-t-elle suffisamment le sang pour déclencher des élections ce printemps, peut-être sous la forme d’un vote de censure budgétaire?
La question a été posée au chef conservateur, Erin O’Toole, plus tôt cette semaine, et il a rejeté l’idée. «Je ne pense pas qu’une élection devrait avoir lieu alors que nous essayons de faire face à la deuxième vague de pandémie, lorsqu’il y a des couvre-feux non loin de moi la nuit au Québec. Nous avons besoin des vaccins.» Il a ajouté que les prochaines élections «devraient avoir lieu à un moment où le pays n’est pas dans cet état de crise aiguë».
Bien sûr, si les vaccins ne se concrétisent pas comme promis – ou, pire, s’ils ne protègent pas adéquatement les Canadiens contre les nouvelles variantes qui circulent actuellement dans la population –, cet état de crise aiguë persistera. Le Canada pourrait très bien être de nouveau aux prises avec des éclosions, des fermetures et des confinements jusqu’en 2022.
À un moment donné, il sera impossible pour l’opposition de dire qu’il vaut mieux laisser les choses entre les mains de la direction actuelle. Dans un parlement minoritaire, l’opposition a le devoir de réclamer des comptes au gouvernement lorsque celui-ci a perdu la confiance de la Chambre. Et avec le nombre croissant de ratés dans le bilan des libéraux, il est difficile de voir comment le gouvernement peut maintenir la confiance encore plus longtemps.
Présentement, son pire échec n’est même pas le retard dans la livraison des vaccins. C’est plutôt de ne pas avoir pris les mesures pour garder hors des frontières les variantes du virus COVID-19 qui pourraient provoquer une troisième vague. Déjà trois variantes – la britannique, la sud-africaine et maintenant la brésilienne – ont été détectées. Elles sont toutes arrivées via des voyages internationaux, un domaine où le gouvernement fédéral aurait pu – et aurait dû – être beaucoup plus agressif dès le premier jour.
Au lieu de cela, pendant près d’un an, Ottawa n’a pas exigé de test de dépistage de la COVID pour les personnes se trouvant à bord de vols entrants et s’est appuyé sur un système de quarantaine à domicile auto-surveillée pour les voyageurs de retour. Et ce n’est que ce mois-ci que le gouvernement fédéral a promulgué des interdictions de voyager limitées et annoncé une mise en quarantaine supervisée obligatoire, bien que nous ne sachions toujours pas quand cette dernière règle entrera en vigueur.
Paradoxalement, c’est peut-être pour cette raison qu’O’Toole ne veut pas aller aux urnes pour le moment. Lorsqu’on lui a demandé à l’émission Power Play, sur les ondes de CTV, si les nouvelles restrictions de voyage du Canada allaient assez loin ou avaient été promulguées assez tôt, il a refusé de répondre, parlant plutôt de «tests rapides pour donner de la flexibilité à la période de quarantaine». Il a ensuite parlé de la possibilité de mettre en place des quarantaines plus courtes, dans certains cas de cinq à sept jours au lieu de 14.
Il n’est pas difficile ici de lire entre les lignes. O’Toole ne veut probablement pas se heurter à une portion de la base conservatrice qui juge inacceptables de telles restrictions aux libertés individuelles, même dans le cas d’une lutte contre une pandémie mondiale.
Bien sûr, cela ne tient pas compte du fait que les pays qui sont revenus à un semblant de normalité, comme la Nouvelle-Zélande, Singapour, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et Taiwan, ont tous imposé des quarantaines obligatoires à l’hôtel. Avant que les opposants ne dénoncent l’argument de «l’avantage insulaire», ils devraient noter que d’autres nations insulaires comme la Grande-Bretagne, qui ne s’en tirent pas aussi bien, se réveillent maintenant et adoptent des mesures similaires. Et avec un gouvernement conservateur, rien de moins.
O’Toole peut ne pas vouloir parler d’élections; les libéraux sont également méfiants. Mais quelque chose va devoir céder. Après un an de pandémie, les Canadiens méritent d’avoir la chance de se prononcer sur la performance de leur gouvernement et de choisir une direction è prendre pour l’avenir. La seconde partie de la crise ne fait que commencer.
La version originale anglaise de ce texte se trouve sur le site du National Post