L’élitisme conféré à nos politiciens globe-trotteurs transcende les lignes de parti

Qu’avez-vous fait pendant vos vacances? Pour une liste croissante de politiciens canadiens, la réponse est la suivante: j’ai détruit ma carrière. Malgré la pandémie grandissante, ils ont voyagé à l’extérieur du pays – tout en exhortant le reste d’entre nous à rester à la maison – avec des résultats à tout le moins prévisibles.

Le député provincial de l’Ontario, Rod Phillips, a tweeté des salutations vidéo de vacances apparemment pré-filmées dans l’Ajax hivernal, tout en se dorant au soleil sur les plages de St. Barth; il a été contraint de quitter son poste de ministre des Finances. Le député David Sweet a partagé un message vidéo de Noël disant que «les célébrations devaient être un peu différentes cette année», alors qu’il voyageait aux États-Unis pour des «loisirs personnels»; il ne préside plus le comité d’éthique de la Chambre des communes. Et la députée de l’Alberta Tanya Fir a encouragé les Albertains à prendre des «vacances à la maison», avant de s’envoler pour Las Vegas pour voir sa sœur, un pari qui lui a également fait perdre un poste au comité.

En effet, l’Alberta est devenue un élément central dans le scandale #AirHypocrisie. En plus de Mme Fir, Jason Kenney a rétrogradé quatre autres députés et accepté la démission de son chef de cabinet, Jamie Huckabay, et de sa ministre des Affaires municipales, Tracy Allard. Cette dernière a offert cette explication des plus douteuses pour ses voyages au soleil: «Nous sommes allés à Hawaï pendant la plupart des 17 dernières années depuis la naissance de notre plus jeune enfant», avant de reconnaître qu’elle savait que ses actions pouvaient «sembler méprisantes face à la frustration et le chagrin que beaucoup ont vécu».

Sans blague. Et ce fait aurait dû être évident pour son patron à l’instant même qu’il a appris que #AlohaAllard, comme elle est maintenant nommée, et ses collègues étaient à l’étranger. Au lieu de cela, Kenney a déclaré: «Je n’ai pas de liste exhaustive de tout le monde, les centaines de membres du personnel politique du gouvernement et de hauts fonctionnaires et d’autres personnes, qui ont peut-être voyagé à l’étranger… Je regrette de ne pas avoir émis de directives très claires contre les voyages internationaux.» Il a ensuite réprimandé Mme Allard pour son manque de jugement et a déclaré qu’il appelait tous les représentants du gouvernement à rentrer chez eux. Il aura fallu plusieurs jours d’indignation publique croissante avant qu’il ne sanctionne qui que ce soit.

Certains experts ont estimé que ces démissions posent un certain problème aux conservateurs unis d’Alberta, car l’apparence d’élitisme est un problème qu’ils peuvent difficilement se permettre. Certains Albertains ne peuvent que rêver pouvoir visiter Hawaï une seule fois dans leur vie, jamais chaque année pendant 17 ans! Le fait que ce soit la tradition de Noël de quelqu’un – à ne pas manquer même en pleine pandémie – démontre à quel point ces personnes sont déconnectées de la réalité des électeurs moyens, en particulier de ceux qui ont perdu leurs entreprises ou leur gagne-pain au cours des neuf derniers mois.

Mais l’orientation politique des délinquants doit-elle avoir une importance? Les conséquences seront-elles plus graves pour Mme Allard que pour Niki Ashton, la députée néo-démocrate qui s’est rendue en Grèce pour voir sa grand-mère mourante? Ou pour les deux députés libéraux qui ont démissionné en raison de leurs propres voyages à l’étranger?

Je ne crois pas. Ces échecs en matière d’éthique transcendent les lignes de parti. Ils ternissent non seulement ceux qui se situent à droite de l’échiquier politique, mais la classe politique dans son ensemble. Ils détruisent le peu de confiance envers nos élus qu’il reste, à un moment où cette confiance est d’une importance cruciale. La deuxième vague de la pandémie continue de prendre de l’ampleur au pays: le Québec s’apprête à imposer le couvre-feu, tandis qu’à London, en Ontario, les entreprises  de  pompes  funèbres empilent les corps dans des remorques réfrigérées. Plus que jamais, les gens doivent suivre les directives de la Santé publique pour stopper la propagation du virus. Mais pourquoi le devraient-ils, alors que leurs dirigeants politiques refusent de le faire?

La pandémie a déjà divisé la société selon des critères de classe, de race et de profession. Ces dernières révélations enfoncent le dernier clou dans cette phrase surutilisée «nous sommes tous dans le même bateau». De toute évidence, nous ne le sommes pas. Il y a un ensemble de règles pour ceux et celles qui ont du pouvoir et de l’argent, et un ensemble de règles pour nous autres. Nos dirigeants doivent faire preuve d’intelligence et montrer l’exemple – ou faire face aux conséquences. Ce ne sont pas seulement leurs emplois qui sont en jeu. C’est la santé de ceux et celles qu’ils ont juré de servir et de la démocratie qu’ils ont juré de défendre.

La version originale anglaise de ce texte se trouve sur le site du National Post

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