Le Sénat doit rapidement résoudre le « problème Don Meredith »

Cette histoire continue de s’aggraver et ce n’est pas bon pour la réputation de la Chambre

Un nouveau livre pour enfants nous apprend que les sénateurs sont les « vieux sages hiboux » de la politique canadienne. Mais selon certains anciens membres du personnel du Sénat, un représentant de la Chambre haute ressemblerait davantage à un canard – un oiseau reconnu pour ses habitudes d’accouplement qui sont tout sauf consensuelles.

Don Meredith, nommé au Sénat en 2010, a récemment fait la manchette pour sa relation sexuelle avec une adolescente. Maintenant, trois ex-employées de Meredith se sont confiées au Huffington Post au sujet du harcèlement sexuel et des allégations d’intimidation sous enquête par le Bureau d’éthique du Sénat, qui ont commencé en 2014.

Ces allégations sont très dérangeantes. Selon deux ex-employées, Meredith avait l’habitude de fermer une double série de portes à son bureau chaque fois qu’il voulait travailler avec elles : « Une fois que ces portes– qui ne pouvaient pas être ouvertes de l’extérieur si elles étaient verrouillées – se refermaient, eh bien, je me sentais comme si j’étais prise au piège et qu’il pouvait me toucher et être très … entreprenant ».

La femme a en outre allégué que le sénateur, un pasteur ordonné, a utilisé sa foi pour la harceler : « La façon de prier de sa religion consiste à mettre la main sur la personne à côté de soi – et il utilisait cette excuse pour me toucher plus qu’en posant simplement sa main sur mon épaule pour prier … » – en touchant son sein ou ses fesses, par exemple. L’expérience, a-t-elle dit, « était dégoûtante » et l’a fait se sentir violée « à chaque fois ».

Pourquoi les employés n’ont-ils pas immédiatement signalé le harcèlement ou n’ont-ils pas quitté leur emploi? Meredith aurait déclaré à une femme : « il me traquerait si je parlais » et a menacé de ruiner les carrières d’employées. Un autre ancien employé a déclaré que « vous en venez à être pris au piège et à vous habituer au problème et à le supporter tellement que vous ne voulez pas quitter votre emploi ou que vous avez besoin de cet emploi … Vous devez payer les factures. Vous avez une famille. Vous pensez que vous pouvez y survivre, mais sur le long terme, c’est comme une véritable torture. » Ce même employé a décrit son travail avec Meredith comme « une expérience professionnelle simplement horrible ».

Ces allégations ne sont pas prouvées, et nous ne savons pas dans quelles circonstances les accusateurs de Meredith ont quitté leur emploi ou ce qui s’est passé pendant qu’ils les occupaient. Mais même cela est dérangeant. Pourquoi est-ce que l’enquête sur le comportement en milieu de travail de Meredith prend tant de temps? Le Bureau de l’éthique du Sénat a ouvert son enquête en 2015, citant « un taux irrégulièrement élevé de rotation du personnel et autres problèmes récurrents » dans le bureau de Meredith qui ont attiré l’attention du président du Sénat, Pierre Claude Nolin, et de sénateurs seniors.

Le harcèlement sexuel a été sur le radar du Parlement depuis que le chef libéral Justin Trudeau a suspendu deux membres de son caucus suite à des allégations de harcèlement en 2014. Seulement le mois dernier, les membres de la Chambre ont reçu une formation sur le harcèlement en milieu de travail, basée sur de nouvelles lignes directrices mises en vigueur pour éviter ce genre de comportements.

Dans ce climat, et sous le gouvernement d’un premier ministre qui se décrit lui-même comme féministe, on penserait que le Sénat serait un peu plus sensible à ces questions? Apparemment non. Selon le Bureau de l’éthique du Sénat, la durée d’une enquête dépend de considérations telles que « les problèmes qui en découlent, leur complexité, le nombre d’individus qui doivent être interviewés, les problèmes de planification de rendez-vous, le nombre de problèmes soulevés par les différentes parties et le temps nécessaire pour bien cerner les problèmes et les éliminer ».

Quant à Meredith, il a refusé de commenter les allégations de harcèlement et a refusé de se retirer suite à son affaire – considérant la situation comme découlant d’une « défaillance morale », affirmant qu’il a été « sous la direction de conseillers spirituels », et nous assurant qu’il avait bien lu le nouveau code de déontologie du Sénat. Bien qu’il ait été expulsé du caucus conservateur, il n’a pas été suspendu de son emploi et continue de recevoir son salaire annuel de 140 000 $.

Le comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts du Sénat devrait recommander une ligne de conduite à cet égard cette semaine. Mais la suspension serait la mesure la plus drastique qu’il pourrait employée. Selon les règles du Sénat, Meredith ne peut être retiré de la Chambre haute, à moins qu’il ne soit reconnu coupable d’avoir commis un crime.

Bien sûr, le harcèlement sexuel peut devenir un crime s’il dépasse certaines bornes, notamment s’il devient de nature physique. Le Bureau de l’éthique a donc le devoir d’enquêter rapidement sur cette question et d’en informer s’il soupçonne qu’un crime a été commis – et pas seulement parce que la justice l’exige.

Plus ce nuage fera de l’ombre au Sénat, plus l’institution tombera dans le discrédit – à un moment où elle envisage l’étude de législations clés, y compris les propositions gouvernementales sur la légalisation de la marijuana. Les livres pour enfants peuvent être mignons, mais ils ne rétabliront pas la réputation du Sénat si l’institution est entachée par un problème de mœurs.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

Leave a Reply