Le premier budget des libéraux peut se résumer en trois mots: emprunter, dépenser, répéter. En fait, ces trois mots s’appliquent à tout ce que nous pouvons attendre du premier mandat du premier ministre Justin Trudeau, qui projette des déficits budgétaires à perte de vue – et encore plus loin, car il n’y a pas de plan pour rééquilibrer les livres. Au total, Ottawa accumulera une dette supplémentaire de 120 milliards $ au cours des quatre prochaines années, ce qui représente une augmentation de 25 pour cent par rapport aux niveaux actuels.
Le premier ministre Trudeau et le ministre des Finances Bill Morneau nous disent que cela n’a pas d’importance. Ils affirment notre ratio dette-PIB restera le même, donc pourquoi s’en préoccuper? Mais même avec de faibles taux d’intérêt, une plus grande dette coûte plus cher à rembourser, et accapare donc une plus grande part de recettes fiscales chaque année, qu’une plus petite dette. Il suffit de demander à l’Ontario, qui a emprunté le même chemin au cours de la dernière décennie et qui a maintenant la dette sous-nationale la plus grande dans le monde, consommant 11 $ de chaque tranche de 100 $ de revenus pour les paiements d’intérêts seulement. Voilà 11 $ qui ne peuvent être consacrés à l’éducation, aux soins de santé ou à d’autres priorités. (Sans surprise, bien sûr, une grande partie du personnel du bureau de Trudeau est composée des mêmes personnes qui ont travaillé pour les premiers ministres de l’Ontario, Dalton McGuinty et Kathleen Wynne, ou qui les ont conseillés…)
Par souci d’équité, le précédent gouvernement conservateur a aussi fait sa part d’emprunts et de dépenses. En neuf ans, les conservateurs ont augmenté la dette du Canada de 150 milliards $, soit 30 pour cent. Après avoir hérité d’un excédent (comme les libéraux aussi, cette fois-ci), ils ont livré des budgets équilibrés pendant à peine trois ans, avant que l’économie du Canada – et celle du monde – ne tombe en récession en 2008. Les conservateurs ont alors englouti $ 70 milliards dans la dette et n’ont pas réussi à rééquilibrer les livres avant la dernière année de leur mandat.
Mais il y a une différence entre dépenser pour relancer une économie avec un taux de croissance de 2,4 pour cent négatif, comme en 2009, et relancer une économie qui prévoit un taux de croissance positif de 1,4 pour cent, en 2016. Au cours de la campagne électorale, il y a cinq mois à peine, les libéraux ont dit qu’ils feraient de modestes déficits pour stimuler l’économie, avançant un montant de 10 milliards $. Depuis, ils affirment que la situation est devenue si grave qu’ils doivent maintenant tripler ce montant, non pas seulement cette année, mais l’année suivante aussi. En même temps, ils évitent paradoxalement les plans du secteur privé, comme l’agrandissement de l’aéroport Billy Bishop de Toronto ou la construction de l’oléoduc Énergie Est, qui génèreraient de la croissance économique.
Certes, ce budget va créer de nombreux emplois – pour les amis des libéraux qui seront occupés à produire des études, à s’engager dans diverses consultations et à accroitre le nombre d’employés des différents conseils. Les projets incluent 3,3 millions $ sur trois ans pour « soutenir une évaluation approfondie de la proposition ferroviaire à haute fréquence de VIA Rail », 165 millions $ pour « le renouvellement de la stratégie de l’emploi des jeunes », incluant un Conseil consultatif de la jeunesse pour le premier ministre et un Groupe d’experts sur l’emploi des jeunes, et 141 millions $ pour les conseils subventionnaires dans les domaines de la science, de la santé, des sciences sociales et du soutien de la recherche. On peut presque entendre le cliquetis des claviers de consultants, occupés à élaborer de nouvelles propositions ou à mettre à jour leur curriculum vitae.
Mais ne nous arrêtons pas là. Les libéraux vont mettre en place une stratégie nationale du logement, un cadre national de garderies, et élaborer une « cartographie des grappes sectorielles du Canada » pour les petites et moyennes entreprises. Ils feront du Canada un endroit plus vert avec plus de mesures incitatives reliées aux secteurs éolien et solaire (encore une fois, comme l’a fait l’Ontario) et financeront les talents canadiens à hauteur de 1,1 milliard $, ce qui, selon le ministre Morneau, « permettra à nos artistes de briller, une nouvelle fois, sur la scène internationale ». (Je suppose que Weeknd, Drake, Justin Bieber et Céline Dion ne brillent pas suffisamment à son goût.)
Bref, les libéraux veulent planifier le retour du Canada sur la voie de la prospérité, un organisme à la fois, avec de l’argent emprunté. Ils interviendront partout et souvent, en soudoyant les contribuables avec des fonds qu’ils auront à payer plus tard. Ils vont élargir leur cercle d’influence en accroissant la taille de la bureaucratie et en remplissant les poches de leurs confidents. Ils appellent cela la nouvelle façon de faire les choses, alors qu’il s’agit en fait d’une vieille façon de faire les choses, utilisées par le gouvernement du premier ministre Pierre Elliott Trudeau dans les années 1970 et par une myriade d’autres partisans de l’économie keynésienne et du copinage. Emprunter, dépenser, répéter…
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site du National Post.