« Nous méritons des politiques inclusives et représentatives, un gouvernement stable et la possibilité de façonner notre démocratie», a déclaré la ministre des Institutions démocratiques Maryam Monsef cette semaine, quand elle a annoncé la composition du comité parlementaire sur la réforme électorale. Le comité est chargé de trouver une alternative au mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour, que le premier ministre Justin Trudeau a promis d’abandonner au cours de la dernière campagne électorale fédérale.
Un petit problème : le comité ne parvient pas à honorer ses propres règles. Il n’est ni inclusif, ni représentatif, et il ne laisse pas beaucoup d’occasion à ses membres de façonner la démocratie, à moins qu’ils ne se trouvent à être l’un des six libéraux qui forment la majorité du comité. Sur les quatre sièges restants, les conservateurs en ont trois, les néo-démocrates, un. Le Parti vert et le Bloc québécois peuvent chacun envoyer un représentant, mais, curieusement pour un comité dédié à l’amélioration de la représentation électorale, ils n’auront aucun droit de vote.
Cela a incité la chef du Parti vert, Elizabeth May, à dire : « Évidemment, je suis heureuse d’être membre du comité, mais je suis déçue de ne pas avoir de droits de vote. Je vais m’interroger sur quels droits me sont attribués dans mon rôle ». Réponse : aucun – au-delà du droit de parler sans que personne n’aie à écouter. En plus de cela, le président du comité sera un libéral, ce qui signifie que la procédure et la teneur des audiences du comité seront fermement sous le contrôle du gouvernement.
L’exercice est encore plus grotesque si l’on tient compte de l’invraisemblable court délai de six mois imposé à la commission pour produire un rapport, basé en partie sur des assemblées populaires qui auront lieu à travers le pays, et qui doit être soumis par écrit dans les quatre prochains mois. Je ne suis pas sûr que beaucoup d’électeurs vont prendre le temps, durant leurs vacances estivales, d’assister à ces rassemblements captivants, à moins, peut-être, que leur association libérale locale ne leur demande de le faire…
En d’autres termes, il ne s’agit pas d’un comité, mais plutôt d’un gigantesque saut d’approbation pour tout plan que le gouvernement Trudeau aurait déjà en tête. Le premier ministre a déjà déclaré son penchant pour un mode de scrutin préférentiel, avec lequel les électeurs classent les partis en fonction de leurs préférences. Dans un tel système, le choix recueillant le moins de croix serait retiré du bulletin de vote et le deuxième choix de ces électeurs serait ajouté au mélange, jusqu’à ce qu’émerge un ultime gagnant.
Cela ne surprendra personne que les libéraux favoriseraient cette option. Dans les sondages effectués avant la dernière élection générale, la firme Nanos Research a révélé que les libéraux étaient les plus susceptibles d’être le second choix des électeurs néo-démocrates et conservateurs. De plus, près d’un conservateur sur deux n’avait pas de second choix, ce qui signifie que leur vote aurait été complètement retiré de l’équation dans un second tour. Abacus Data a calculé que si un scrutin préférentiel avait été utilisé lors des dernières élections, les libéraux auraient obtenu une majorité encore plus forte – 217 sièges, soit 64 pour cent des sièges à la Chambre des communes – en dépit du fait qu’ils aient toujours été le premier choix de 39,5 pour cent des électeurs.
Naturellement, l’opposition crie au scandale. Le critique conservateur en matière d’Institutions démocratique, Scott Reid, a déclaré : « Ceci est une tentative opportuniste flagrante de changer les règles de manière à remporter l’élection de 2019, ou à faire mieux en privant systématiquement certains Canadiens de leurs droits. » Le critique du NPD en matière de Réforme démocratique, Nathan Cullen, a ajouté qu’avec la composition du comité, « les libéraux pourraient simplement faire passer tout ce qu’ils veulent. … Et l’idée que le bureau du premier ministre demeurerait tout à fait neutre, après que le premier ministre ait fait connaître ses intentions, est plutôt naïf et, peut-être même, cynique. »
L’ironie dans tout ça, bien sûr, est que, lorsque les libéraux ont promis de mettre en œuvre la réforme électorale, ils traînaient dans les sondages et se trouvaient très loin d’une position de gouvernement majoritaire. Leur engagement à changer le système était destiné aux électeurs désabusés par la majorité conservatrice de l’ancien premier ministre Stephen Harper et par ses méthodes « anti-démocratiques ». Mais maintenant que les libéraux sont dans le siège du conducteur, ils n’ont aucun scrupule à emprunter les méthodes des conservateurs. Limites des débats, échéances draconiennes, comités biaisés, sont autant de moyens considérés comme justes, même lorsqu’il s’agit d’« améliorer » la démocratie elle-même.
Les Canadiens ne devraient pas accepter cette façon de faire. Au lieu de permettre au gouvernement d’imposer un système conçu pour son propre bénéfice, comme il est coutume de le faire, ils devraient exiger que les électeurs aient le dernier mot, sous la forme d’un référendum. À moins que les libéraux aillent dans cette direction, la démocratie a le plus à perdre.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site du National Post.
Je trouve votre analyse intéressante cependant la formation d’un comité parlementaire ne doit pas représenter une arène de combattants pour déterminer un vainqueur mais bien la recherche d’une solution acceptable par la population. Les consultations populaires et d’experts en la matière devraient favoriser de saines discussions ainsi que l’apport intelligent des parlementaires désignés et des médias. Je suis d’accord que la période de consultations proposée est trop courte pour assurer la recherche d’une solution consensuelle.