Il fait chaud à Ottawa, et pas seulement parce que l’été est enfin arrivé.
Le premier ministre Justin Trudeau s’est employé à parler de changement climatique la semaine dernière, alors même qu’il participait au défilé des Raptors à Toronto et qu’il s’abstenait de voter pour une motion proclamant l’« urgence climatique » à la Chambre des communes.
Puis cette semaine, la Twittosphère s’est amusée à faire circuler une photo du premier ministre assis à une table où les fourchettes en plastique s’empilaient, quelques jours à peine après la conférence de presse de Trudeau – dont plusieurs se sont moqués – qui annonçait l’élimination progressive des plastiques à usage unique d’ici 2021.
Pendant ce temps, le NPD dénonce l’approbation par les libéraux de l’expansion du pipeline Trans Mountain, dans l’espoir de bloquer les Verts qui sont à 10% dans les sondages à quelques semaines des élections fédérales de cet automne et qui menacent de diviser le vote en faveur de l’environnement.
Et puis, il y a les conservateurs, qui ont finalement dévoilé leur propre plan vert. Contrairement à la température, c’est une version beaucoup plus fraîche qu’on a découvert. Enfin un parti a le courage de dire que les forces du marché peuvent être exploitées pour améliorer l’environnement – et que la technologie, et non les taxes, ouvre la voie à une planète moins chaude et plus verte.
Le plan des conservateurs respecterait les objectifs du Canada énoncés dans l’Accord de Paris – établis par l’ancien premier ministre conservateur, Stephen Harper, comme il s’efforce de le souligner – en obligeant les pollueurs à investir dans les technologies vertes liées à leur industrie. Il s’appliquerait à toutes les installations émettant 40 kilotonnes de CO2 par an, au lieu du seuil de 50 kt fixé par les libéraux. Cela encouragerait également les propriétaires résidentiels à rendre leurs maisons plus vertes grâce à un crédit de rénovation et à renforcer la protection des zones humides et habitats grâce à la conservation par le domaine privé.
Les critiques ont sauté sur le plan comme étant trop avare de détails, et ont décrié la notion même de « technologie plutôt que taxes » comme étant une erreur. Ce type de pensée myope est exactement le problème. Les politiciens canadiens – et la plupart des environnementalistes au pays – n’ont pas encore exploré les nombreuses idées originales visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, la technologie de captage et de stockage, connue sous le nom de CSC, n’implique pas une consommation réduite de pétrole, mais atténue ses effets sur l’environnement.
Les projets de CSC se multiplient dans le monde entier, de la Suisse à l’Afrique subsaharienne. Ils peuvent être aussi sophistiqués que la cueillette des molécules de carbone dans l’air, et aussi élémentaires que le maintien de prairies comme puits de carbone. L’objectif de chacun d’eux est d’éliminer le carbone de l’atmosphère ou des processus industriels et de le stocker pour qu’il n’impacte pas le climat. Plusieurs projets de ce type existent également au Canada, y compris le projet Quest CCS de Shell Canada à Edmonton, qui a permis de stocker quatre millions de tonnes de dioxyde de carbone sous terre au cours des quatre dernières années, soit plus que toute autre installation terrestre de captage et de stockage du carbone, selon les données du Global. CCS Institute.
Cette technologie n’est pas bon marché – pour le moment. À lui seul, le projet Quest CCS a coûté 1,35 milliard de dollars. Mais les coûts du CSC risquent fort de diminuer, car de grandes puissances encouragent la technologie à grande échelle. Le budget fédéral américain de 2018 prévoyait des crédits d’impôt pouvant atteindre 50 USD par tonne pour le CO2 capturé, ce qui augmenterait de 66% la capacité totale de captage et de stockage du carbone dans le monde d’ici 2026.
La Chine construit actuellement des centrales CCUS qui non seulement capturent et stockent le carbone, mais le réutilisent pour générer davantage d’énergie. Et lors d’une récente conférence mondiale des ministres internationaux de l’Énergie à Vancouver, Rick Perry, le secrétaire américain à l’Énergie, Fatih Birol, directeur de l’Agence internationale de l’énergie, et Michal Krutyka, le ministre de l’Énergie de la Pologne et président de COP24, ont défendu le CSC. En 2005 déjà, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a étudié et appuyé la technologie de captage et de stockage du CO2 comme moyen de lutter contre le changement climatique.
Mais à entendre les libéraux, les néo-démocrates et les verts : parler de refroidir la planète revient à taxer le carbone, remplacer le pétrole par des énergies renouvelables ou utiliser moins de pétrole. Les trois tactiques n’ont pas réussi à empêcher les émissions d’augmenter et certaines ont même eu de graves conséquences économiques. Le plan relatif aux énergies vertes des libéraux de l’Ontario, en particulier, a contraint le gouvernement à signer des contrats d’énergies renouvelables à des prix supérieurs aux prix du marché pendant des décennies, doublant ainsi les prix de l’électricité dans la province en moins de 10 ans. Les taxes sur le carbone font monter le prix des biens et des services et, paradoxalement, la réduction de ces coûts pour les consommateurs les incite peu à changer leurs habitudes de consommation.
Enfin, les écologistes font preuve de naïveté lorsqu’ils prétendent que nous pouvons simplement « laisser le pétrole dans le sol ». La réalité est que la demande mondiale pour le pétrole se poursuivra bien au-delà de 2030 car elle est meilleur marché et plus fiable que les solutions de rechange.
La technologie de CSC présente également une solution plus réaliste lorsque vous considérez la résistance des Canadiens à payer pour un environnement à faible teneur en carbone. Un récent sondage de CBC News a révélé que si près des deux tiers des Canadiens estiment que la lutte contre le changement climatique est une priorité absolue, 50% ne paieraient pas plus de 100 dollars par an en impôts pour le prévenir.
Les conservateurs soulignent à juste titre que de nombreux Canadiens n’ont même pas la possibilité de réduire leurs émissions de manière significative, même s’ils le voulaient. Les résidents de la région du Grand Toronto ne vont pas tous abandonner leur voiture, et de nombreux propriétaires de l’ouest canadien n’ont pas d’autre option que le mazout ou le gaz naturel pour chauffer leur maison.
Ainsi, plutôt que de taxer les gens pour les obliger à utiliser moins de carburants à base de carbone, pourquoi ne pas chercher de meilleurs moyens d’atténuer les effets de leur utilisation? Pourquoi ne pas rechercher des solutions technologiques pour nous permettre de continuer à utiliser la ressource et à créer des emplois tout en causant moins de dommages à l’environnement? Félicitations à Scheer et aux conservateurs d’avoir préféré la technologie aux taxes. Leur plan n’est peut-être pas parfait, mais c’est quand même mieux que l’habituel recours aux taxes et dépenses.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de Global…