Le NPD fait un bond – du haut d’une falaise

Le NPD fédéral a-t-il bondit vers l’avant, l’arrière, ou dans une fosse de confusion? Lors de son congrès d’Edmonton ce week-end, le parti a laissé tomber son chef de centre-gauche Tom Mulcair avec un faible 48 pour cent de soutien – un clair (et brutal) signe qu’il souhaite un changement de direction.

Plus tôt dans la journée, les délégués ont approuvé les principes du très à gauche manifeste Leap (Un bond vers l’avant), qui appelle à une transition rapide vers une économie sans carbone, et à la fin de la construction d’infrastructures qui contribueraient à l’extraction du pétrole. Pourtant, lors de la même convention – tenue dans la capitale du pétrole du Canada –, les délégués ont à la fois applaudi la première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, qui a parlé de la nécessité d’un pipeline, et l’ancien chef du NPD d’Ontario, Stephen Lewis, qui croit que le Canada devrait laisser son pétrole dans le sol.

Donc, à la fin de cet exercice, le parti a émergé sans chef – ou gouvernail – et profondément divisé. « Je suis très en colère », a déclaré le président de la Fédération des travailleurs de l’Alberta, Gil McGowan. « Ces dilettantes politiques du centre-ville de Toronto viennent en Alberta jeter leurs ordures sur notre pelouse … Ça leur fait du bien de dire que nous devons faire face aux changements climatiques et fermer l’industrie des combustibles fossiles, mais ils ignorent que ce qu’ils disent a des conséquences réelles pour des personnes réelles. »

Cela pourrait ne pas être le résultat que la direction du NPD avait en tête. Fournir des munitions gratuitement au Parti Wildrose et aux conservateurs de l’Alberta n’était certainement pas à leur ordre du jour. Et ces ricanements que vous entendez au loin vient des libéraux fédéraux, qui peuvent maintenant s’attendre à un parcours sans embûche jusqu’à l’élection de 2019.

Le gros problème avec le manifeste Leap n’est pas seulement qu’il pourrait torpiller le NPD dans l’Ouest (bien que ce soit le résultat le plus probable). Il pourrait également affaiblir le parti dans l’Est, en particulier au Québec – quelque chose que le NPD ne peut tout simplement pas se permettre de faire. Dans ses remarques de clôture, M. Mulcair a déclaré que la construction de la base du NPD au Québec, avec le regretté Jack Layton, était sa plus grande fierté. Cette base a été la raison pour laquelle le parti est devenu l’opposition officielle à la dernière élection, en 2011; son érosion était la raison pour laquelle le NPD a perdu ce statut, et tout espoir de gouvernement, en 2015.

Les électeurs francophones ont déserté le parti sur la question du niqab, et donné leurs votes aux libéraux dans l’espoir de détrôner Stephen Harper. Leur vœu a été exaucé – et maintenant, le NPD a besoin de trouver un moyen de récupérer leurs votes.

Le parti pourrait-il le faire avec le manifeste Leap? À première vue, il y aurait de bonnes raisons de le croire. Les Québécois se méfient des oléoducs en général. Sondage après sondage, une majorité de Québécois s’opposent au projet Énergie Est, et ils sont plus susceptibles que les autres Canadiens à croire que les pipelines sont dangereux. Le gouvernement du Québec, et divers groupes environnementaux provinciaux, cherchent à obtenir une injonction contre TransCanada à propos d’Énergie Est, et l’agence d’évaluation environnementale de la province procédera à une deuxième série d’audiences sur le projet à partir du 25 avril.

Une formation politique est plus susceptible d’obtenir le soutien d’opposants à Énergie Est – et ce n’est pas le NPD. Face à un gouvernement libéral provincial ébranlé par un scandale de trafic d’influence, le mouvement séparatiste saisit l’opportunité et se mobilise sur plusieurs fronts. Un groupe dénommé OUI Québec – Organisations Unies pour l’indépendance – est en tournée dans la province, pour essayer d’obtenir un soutien pour la souveraineté. Le parti séparatiste Québec solidaire s’est dit ouvert à la création d’une « alliance » avec le Parti québécois et Option Nationale, le troisième parti séparatiste de l’offre électorale. Un sondage de Québec solidaire montre qu’une coalition de ces forces pourrait renverser les libéraux provinciaux lors de la prochaine élection provinciale, dans deux ans.

Même s’il est vrai que Québec solidaire est ouvertement socialiste et qu’il a également adhéré au manifeste Leap, ses intérêts ultimes ne sont pas alignés avec ceux du NPD. Et ils ne vont pas attirer l’électeur moyen; ils n’ont récolté que 7,6 pour cent d’appui et trois sièges lors des élections provinciales de 2014, et les derniers sondages leur donnent maintenant 10 pour cent. Le Parti vert du Québec, qui a également approuvé Leap, n’a récolté que 0,55 pour cent des voix et aucun siège.

Dans le cadre d’une élection fédérale, les positions très à gauche du manifeste Leap ne rejoindraient pas le fédéraliste moyen ou le nationaliste mou au Québec – les gens du NPD ont besoin de les reconquérir s’ils espèrent redevenir l’opposition officielle et avoir une chance de former un gouvernement. Mais un soutien renouvelé pour la séparation pourrait stimuler le Bloc québécois, qui recueille actuellement 17 pour cent des votes par rapport à 19 pour cent pour le NPD dans la province.

Un regain de popularité pour le Bloc conduirait probablement les électeurs fédéralistes québécois dans une seule direction: vers les libéraux. Le parti jouit déjà de 47 pour cent de soutien dans la province. Le retour d’un mouvement séparatiste ferait revivre l’ancien axe nationaliste-fédéraliste qui a extrêmement bien servi les gouvernements libéraux précédents – y compris ceux du regretté Pierre Trudeau. Les libéraux essaieraient de mettre de la pression sur les conservateurs et le NPD dans la Belle province, et se positionneraient comme les champions du Canada.

En d’autres termes, McGowan a raison. Aliéné dans l’Ouest, écrasé dans l’Est, le NPD risque effectivement d’être réduit à … un parti du centre-ville de Toronto. Dilettantes, en effet.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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