« Nous ne voulons pas être intimidés par la haine », a-t-il déclaré. « Nous ne voulons pas que la haine ruine un événement positif … Alors montrons comment nous traiterions une personne avec amour. Nous te souhaitons la bienvenue, nous t’aimons, nous te soutenons … nous croyons en tes droits ».
Ce sont les mots prononcés par le candidat au leadership du NPD, Jagmeet Singh, lors d’un extraordinaire échange avec une manifestante qui l’a confronté lors d’une récente rencontre organisée à Brampton.
« Confronté », c’est… peu dire. La femme se tenait directement devant Singh, son visage à quelques centimètres du sien, lui criant des propos et des questions pour le moins étonnants (« Quand est-ce que votre charia va finir? »), gesticulant sauvagement et hurlant « Ne me touchez pas! », aux aides de Singh, et refusant de sortir de scène pendant près de quatre minutes. Tout au long de l’échange, Singh a non seulement demeuré très calme, mais il a invité la foule à contrer cette haine avec de l’amour.
Je dois avouer que, lorsque j’ai vu la vidéo, ma première réaction a été de me demander si la scène était réelle. La réponse de Singh était si forte, le cynisme politique en moi se demandait s’il s’agissait d’un coup monté. Quelqu’un peut-il être aussi insupportable que cette personne?
Malheureusement, la réponse est oui : la personne en question est Jennifer Bush, une partisane de RISE Canada, un groupe qui organise des manifestations anti-islamistes dans les lieux publics et qui a récemment fait la manchette lors d’une rencontre controversée avec la candidate au leadership du Parti conservateur, Kellie Leitch.
Et alors que Bush a éventuellement quitté l’événement de Singh, elle n’a pas laissé tomber la question pour autant. Dans une vidéo filmée plus tard cette semaine à Fordfest, le barbecue annuel de la famille Ford à Toronto, elle a tenté de défendre ses actions en affirmant qu’elle attaquait les politiques de Singh et non sa personne.
« Je reconnais le fait qu’il soit sikh et non musulman », a-t-elle dit, abordant le caractère déplacé de son coup d’éclat. « Je ne suis pas raciste. Je soutiens fermement les hindous, nous travaillons ensemble régulièrement pour faire avancer les idées politiques … La couleur, la race, la religion, ce ne sont vraiment pas les questions ici. »
Oui, ce le sont. Dans d’autres vidéos, Bush peut être vue à l’extérieur d’une école publique criant à l’aide d’un porte-voix que « quiconque croit au Coran, quiconque adore Mohamed, est une personne dangereuse ». Le racisme est le racisme, qu’il s’en prenne à un seul groupe ou à dix. Et d’avoir recours à l’équivalent de la vieille excuse « J’ai des amis noirs… » pour contrer les accusations de racisme? Ouais, ça ne fonctionne jamais.
En ce qui concerne les « hindous » à qui se réfère Bush, ils incluent le conseiller principal de RISE Canada, Ron Banerjee, qui est décrit sur le site Web du groupe comme un administrateur du groupe Canadian Hindu Advocacy, qui « a fait la promotion des intérêts et des valeurs hindous, en plus d’organiser des rassemblements et des événements visant à contrer le terrorisme islamique et Khalistini Sikh ».
L’autre conseiller principal du groupe est un certain Dr Bikram Lamba, qualifié de «renommé leader sikh et intellectuel ». En 2013, Lamba et Banerjee ont fait la manchette lorsqu’ils ont publié un communiqué de presse visant à appuyer l’interdiction du port du turbans sikhs par la Fédération de soccer du Québec et l’interdiction du port du kirpan (poignard cérémoniel sikh) à l’intérieur de l’Assemblée nationale du Québec. Le communiqué faisait référence aux « nationalistes Khalistanais » qui, selon le groupe, ont fait de fausses demandes de statut de réfugié au Canada et ont prétendument favorisé des activités terroristes au Pakistan.
Nonobstant les conflits étrangers internes en jeu et les motivations particulières du leadership de RISE, l’incident à l’événement de Singh rappelle une bien triste vérité : le racisme est bel et bien vivant dans la politique canadienne. Vous ne voyez pas les Jennifer Bushes de ce monde sur scène en criant à Niki Ashton, Guy Caron ou Charlie Angus au sujet de leur soutien à la motion anti-islamophobie M-103. Pourtant, les partisans de RISE ont hanté la campagne de Singh depuis le début – pensons à l’homme qui a interrompu le lancement de sa campagne pour l’accuser d’« importer la loi de la charia au Canada ».
Pourquoi cibler Singh? Parce que suffisamment de gens ignorants vont voir la couleur de sa peau et supposer qu’il est musulman? Parce que l’attaquer génère de la publicité pour un groupe qui autrement évoluerait dans l’ombre? Parce que crier à une personne blanche n’engendrait pas la haine de la même façon? Ou pour toute autre raison, aussi odieuse soit-elle?
Bush et ses amis chez RISE Canada ont peut-être eu l’intention de nuire à la campagne de Singh? Se faisant, ils ont probablement fait le contraire. Le calme de Singh face à l’assaut verbal de Bush a démontré la marque d’un véritable leader – un moment exceptionnel dans ce qui a été une course assez ordinaire.
Un nouveau sondage, pris dans le sillage immédiat de cet incident, place Singh devant Angus et Caron par une mince marge.
Bien qu’il reste à voir si le rallye a été un moment décisif dans cette course, il devrait servir d’avertissement à toute la classe politique canadienne.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.