Il y a un an, Doug Ford a été élu premier ministre de l’Ontario avec un slogan simple: Pour le peuple.
Empruntant une page du livre populiste de Donald Trump, il critiqua les élites, promit de redresser les finances de la province et promit de rendre l’Ontario « ouverte aux affaires ». Lassés par 14 années de gouvernement libéral, les électeurs lui accordèrent 76 sièges sur 124 à la législature.
Le soir des élections, au quartier général du parti, le nom de Ford était placardé partout; le logo du Parti progressiste-conservateur n’était qu’un souvenir. C’était un coup de maître en matière de création d’une nouvelle marque – et un présage de ce qui allait arriver.
Tandis que Ford a tenu bon nombre de ses promesses – abolir la taxe sur le carbone, trouver des économies pour le gouvernement, réformer le droit du travail –, il a également fait beaucoup de choses que son parti n’a jamais envisagé faire, mais qui, à ses yeux, étaient importantes. Beaucoup d’entre elles tournent autour de Toronto, la ville qui l’a rejeté lors de l’élection à la mairie de 2014, puis à nouveau lors du récent vote provincial.
Moins de deux mois après son accession au poste de premier ministre – et à la veille de nouvelles élections municipales –, Ford a réduit de moitié le nombre de conseillers municipaux de la Ville reine. Plus tard la même année, il a annoncé que la province s’occuperait du métro de Toronto. Plus récemment, il a plongé dans la planification urbaine, en promettant de permettre aux promoteurs d’augmenter considérablement la densité près des stations de métro – y compris celles situées dans des quartiers résidentiels à faible densité – sous prétexte que cela atténuerait la pénurie de logements de la ville.
Mais n’allez surtout pas croire que ces actions ont un quelconque lien avec la bonne gouvernance; elles s’apparentent davantage aux règlements de comptes.
Le fait de couper le conseil municipal en deux n’était qu’un moyen d’éliminer le nombre de conseillers de gauche qui auraient critiqué Ford une fois en poste et ainsi risqué de faire échec à son programme. La prise de contrôle du métro lui a donné les moyens de ressusciter un projet de ligne dont plusieurs arrêts seraient situés dans Scarborough, un projet auquel tenait beaucoup son défunt frère Rob. Et il a déjà fait allusion à la tentation de courtiser les promoteurs au cours de la campagne électorale, quand il a évoqué la possibilité de permettre la construction dans la ceinture verte, une idée qu’il a vite regrettée lorsque la grogne s’est installée au sein de la population.
En effet, pour un politicien disant respecter le slogan « promesses faites, promesses tenues », Ford a développé un amour pour le demi-tour lorsque les choses tournent mal. Après que les coupures dans les services en français aient rendu furieux la communauté francophone l’été dernier, Ford les a partiellement annulées. Quand une refonte du programme provincial consacré à l’autisme a entraîné des manifestations monstres, Ford a changé de cap. Lorsque la restructuration des soins de santé a mal tourné, cela a également été mis en veilleuse.
Une mauvaise planification a fait couler beaucoup de ses initiatives, et le grand nombre de projets de loi adoptés au cours de sa première année – 18 au dernier décompte – suggère que le gouvernement cherche à en faire trop, trop tôt, sans prêter attention aux détails.
Ford travaille également sur une autre de ses fixations : l’alcool. Avec sa promesse de bière à un dollar, de légalisation des fêtes d’avant-matchs et d’une plus grande disponibilité de la bière dans les dépanneurs, Ford semble déterminé à permettre aux Ontariens de boire plus. Le gouvernement décrit cela comme une question de responsabilité personnelle et d’équité; pourquoi les adultes ne pourraient-ils pas acheter de l’alcool où et quand ils le souhaitent? C’est vrai, mais le temps et les efforts consacrés à cette cause sont totalement disproportionnés par rapport à son objectif.
À preuve : les députés conservateurs ont passé la fin de semaine dernière à publier des vidéos sur les réseaux sociaux, déplorant qu’ils ne puissent pas acheter de bière dans leur épicerie du coin. Monty Python n’aurait pas pu produire de meilleur sketch satirique. Sur une note plus sérieuse, toutefois, briser les contrats avec les entreprises brassicoles qui vendent actuellement par l’intermédiaire du Beer Store pourrait coûter aux contribuables des millions de dollars – et aller à l’encontre de la devise très « ouverte aux affaires » de Ford.
Et c’est là que réside le paradoxe de la première année de Ford.
Alors que le premier ministre s’attaque à de nombreuses questions d’une grande importance – un déficit de 15 milliards de dollars, une pénurie de lits d’hôpitaux, un système d’éducation défaillant –, il s’embourbe de plus en plus dans sa propre mesquinerie. Qu’il s’agisse d’un échec personnel ou de l’incapacité de passer du secteur privé au secteur public, où l’on ne peut imposer une mentalité de « mes façons de faire ou l’autoroute », le soutien de l’opinion publique a été érodé au point même de menacer les chances du gouvernement conservateur fédéral aux prochaines élections nationales.
Un sondage réalisé par Corbett Communcations pour le Toronto Star montre que 54% des électeurs ontariens affirment que Ford freine leur enthousiasme pour le chef conservateur Andrew Scheer.
La solution? Ford prévoit une pause estivale de cinq mois pour le gouvernement, qui ne reviendra qu’après la tenue du vote fédéral. Hors de vue, hors de l’esprit? Peut-être. Ou une bonne façon de déployer des troupes au sol, car elles ne seront pas obligées de se présenter tous les jours à Queen’s Park. Quoi qu’il en soit, cela ouvre inutilement la porte à encore plus de critiques.
Il ne fait aucun doute que les conservateurs ontariens ont travaillé d’arrache-pied depuis leur entrée en fonction. Ils ont un mandat clair pour le changement. Mais dans leur entêtement à poursuivre cette quête, ils s’aliènent les personnes mêmes qu’ils veulent servir.
Ils doivent veiller à ne pas trop en faire, juste pour contrarier ceux qui sont venus avant eux.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de Global…