Lors de leur congrès politique de la fin de semaine dernière, les conservateurs n’avaient qu’une tâche à accomplir: émerger comme un parti prêt à se battre aux prochaines élections. Pour ce faire, ils devaient paraître crédibles, constructifs et unis. Ils devaient présenter leur chef, Erin O’Toole, comme un homme prêt à devenir premier ministre. Ils devaient rassurer les électeurs sur le fait qu’ils n’étaient pas redevables à des groupes d’intérêt ou n’avaient aucun programme caché.
Au lieu de cela, ils ont produit deux séries de grands titres plutôt accablants: «Les délégués conservateurs rejettent l’ajout de l’expression “les changements climatiques sont réels” au grand livre de politiques du Parti» et «La modification des règles de leadership conservateur pourrait atténuer l’influence “démesurée” du Québec sur les résultats». Des variations sur ces thèmes ornaient les sites Web de divers grands médias à travers le pays, dans les deux langues officielles. Ceci, après qu’O’Toole eut appelé le parti à avoir le «courage de changer» et déclaré que le «débat sur le climat est terminé».
Le résultat n’aurait pas pu être meilleur – pour les libéraux. Lundi, lorsqu’un député conservateur a posé une question sur les pipelines au gouvernement libéral à la Chambre des communes, le ministre des Ressources naturelles Seamus O’Regan a répondu: «Monsieur, je vais être honnête, je veux avoir une conversation significative avec quelqu’un qui croit en la réalité de ce qui se passe ici, sur cette planète.»
Vous pouvez presque entendre les roues tourner dans le cabinet du premier ministre: une insécurité énergétique imminente, une campagne de vaccination bâclée, une dette et des déficits massifs? Les électeurs s’en moquent maintenant; nous pouvons traiter les conservateurs des négationnistes du climat. Aux urnes!
Qu’importe que la résolution en question soit plus complexe qu’une simple reconnaissance du changement climatique, ou qu’elle ait été votée avant qu’O’Toole ne prononce ses remarques. La couverture médiatique a suffi à donner aux Canadiens l’impression que le Parti conservateur est un dinosaure qui fonce dans le noir, après avoir piétiné son chef.
Pire encore, les manchettes font mal là où O’Toole a le plus besoin d’accroître son soutien: en Ontario et au Québec.
Pendant des décennies, le conservatisme ontarien était celui de l’ancien premier ministre Bill Davis et de la faction «Red Tory» des anciens progressistes-conservateurs fédéraux. Les Parti réformiste et l’Alliance canadienne n’ont jamais eu plus qu’une timide emprise dans la province, en grande partie parce qu’ils étaient perçus comme dominés par les intérêts de l’Ouest et des conservateurs sociaux.
Même si les conservateurs provinciaux de Doug Ford ont effectué un virage à droite, en particulier sur les questions de prudence fiscale et de réduction de la taille du gouvernement, les Ontariens demeurent un électorat centriste. Il est difficile d’imaginer les électeurs typiques du 905 – ceux qui vivent dans la région peuplée et riche en sièges autour de Toronto – embrassant un parti qui, selon eux, est dominé par les politiciens de l’Ouest, sans parler du fait qu’il est apparemment divisé par le débat sur les changements climatiques.
En ce qui concerne le Québec, un changement de règle visant à réduire l’influence au sein du parti des circonscriptions à faible niveau d’adhésions de la province ne plaira sûrement pas à ses électeurs. La décision a également été une gifle pour le chef O’Toole et son prédécesseur, Andrew Scheer, qui doivent tous deux leurs victoires à la chefferie à l’influence «démesurée» des circonscriptions du Québec, dont certaines ne comptent que 30 membres, mais qui, sous l’ancien système de pondération des voix, avaient le même poids que des circonscriptions de l’Alberta comptant 3000 membres.
Ce système était l’un des héritages du mariage forcé de 2003 entre le Parti progressiste-conservateur et l’Alliance canadienne. C’était une condition exigée par les factions progressistes-conservatrices du Québec et de l’Atlantique pour éviter que le nouveau parti ne soit englouti sous une marée de membres de l’Ouest. Dix-huit ans plus tard, il semble que le peu d’influence progressiste-conservatrice restante dans le parti ait été écrasée.
Certes, les choses auraient pu être pires. Le parti a réussi à éviter le débat sur une résolution qui aurait relancé le débat sur l’avortement, en introduisant dans la constitution du parti un libellé selon lequel les conservateurs croient en «la valeur et la dignité de toute vie humaine, de la conception à la mort naturelle». Et les rumeurs d’une prise de contrôle pro-vie de l’exécutif du parti étaient grandement exagérées.
Néanmoins, la chose à retenir est celle d’un parti coincé dans ses façons de faire, avec à sa tête un chef incapable de le faire avancer. Ce n’est pas l’image que les conservateurs recherchaient, ni celle qui leur donnera un coup de pouce dans les sondages dont O’Toole a désespérément besoin alors qu’il cherche à élargir l’attrait de son parti avant que les libéraux ne déclenchent des élections printanières. Cela laisse le chef conservateur avec tout un dilemme: comment ouvrir la porte de votre parti lorsque vos propres membres actuels passent leur temps à la refermer?
Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post