Le candidat du Kremlin

Un candidat présidentiel républicain a-t-il jamais été si proches des Russes?

Le véritable spectacle qu’est l’élection présidentielle américaine de 2016 se poursuit avec l’ouverture de la convention nationale démocrate à Philadelphie. La ville de l’amour fraternel a été transformée en ville de la haine alors que les manifestants ont exprimé leur dédain pour la candidate Hillary Clinton, tout en maintenant leur soutien pour son rival défait, le sénateur Bernie Sanders.

La présidente du Comité national démocrate (CND), Debbie Wasserman Schultz, a annoncé qu’elle démissionnera à la fin de la convention, à la suite de révélations voulant que le parti ait favorisé la candidature de Clinton au détriment de celle de Sanders. Des documents rendus publics par Wikileaks montrent non seulement que de hauts fonctionnaires du CND ont tenté de faire dérailler la campagne de Sanders en remettant en question sa foi religieuse, ils suggèrent que des donateurs au Comité d’action politique pro-Clinton devaient être récompensés par des nominations politiques.

Pour leur part, les responsables de la campagne de Clinton pointent du doigt la campagne de Trump – et allèguent d’un complot qui s’étend jusqu’en Russie. Le FBI enquête actuellement sur des déclarations voulant que des pirates informatiques russes soient derrière la décharge de Wikileaks, qui aurait pu être préparée pour perturber la convention démocrate.

On pourrait être tenté de rejeter tout cela du revers de la main – si ce n’était que les liens entre la Russie et Trump sont tout simplement trop flagrants pour qu’on les ignore.

Sur le plan politique, la plate-forme de Trump est très tendre envers la Russie. Trump a injurié à plusieurs reprises le rival de la Russie, la Chine, pour avoir « volé » des emplois aux Américains. Trump « renégocierait » l’ALENA et d’autres accords commerciaux américains. Il est très critique envers l’OTAN et a parlé de l’abandonner. Et à sa récente convention, la position du parti sur l’Ukraine a quelque peu changé – les références à l’appui armé de l’Ukraine dans sa lutte permanente avec la Russie ont été éliminées, ce qui a offusqué l’establishment de la politique étrangère du parti.

Sur un plan personnel, Trump et ses conseillers ont beaucoup de liens étroits avec la Russie. Le directeur de campagne de Trump, Paul Manafort, a travaillé comme consultant pour l’ex-gouvernement pro-russe en Ukraine. Le conseiller en politique étrangère, Carter Page, a dirigé le bureau de Moscou de Merrill Lynch et a conseillé l’entreprise d’État russe Gazprom. Et puis il y a l’empire immobilier de Trump : le fils de Trump, Donald Jr., a déclaré lors d’une conférence sur l’immobilier en 2008 que « les Russes forment une section transversale assez disproportionnée d’un grand nombre de nos actifs … Nous voyons beaucoup d’argent affluer de la Russie ».

En juin, à la mi-campagne, Trump s’est rendu à Moscou pour y présenter pour la première fois son concours de Miss Univers. Le président russe Vladimir Poutine devait le rencontrer; il a annulé à la dernière minute et a envoyé un cadeau à la place.

« Tout de même, le week-end a été fructueux pour Trump », a rapporté le Washington Post. « Il a reçu une partie du 14 millions $ payés par [le milliardaire russe Aras] Agalarov et d’autres investisseurs pour avoir amené le spectacle à Moscou. Agalarov dit que Trump et lui ont signé un accord pour la construction d’une tour au cœur de Moscou – la cinquième tentative de Trump dans ce domaine. Et Trump a semblé excité par ses interactions avec l’élite financière de la Russie lors du spectacle et d’une fastueuse fête dans une boîte de nuit de Moscou. “Presque tous les oligarques étaient dans la salle”, a déclaré Trump à Real Estate Weekly en rentrant chez lui ».

C’est bien connu que ce n’est pas l’amour entre Trump et le Post. La rencontre, en mars, entre Trump et le comité de rédaction du journal se classe comme l’un des échanges les plus bizarres de sa campagne. En juin, Trump a gazouillé qu’il annulait les accréditations de presse du Post pour ses rassemblements « sur la base d’une information incroyablement imprécise et des rapports sur la campagne de Trump ». Et après la convention républicaine de Cleveland, le journal a publié un éditorial dans lequel il a qualifié Trump de « menace pour la démocratie américaine ».

Mais le Post est loin d’être le seul média à publier des nouvelles reliant Trump à Poutine. Une pléthore de publications, grandes et petites, ont spéculé sur un « partenariat Poutine-Trump ».

Le plus inquiétant de ce qui a été dit à propos de cette relation est sans doute ce qui n’a pas été dit – en particulier par le candidat lui-même. Lors de son discours d’acceptation à la convention nationale républicaine, Trump n’a pas fait référence à la pierre angulaire de la politique à la fois républicaine et américaine : la vénération pour la liberté qu’ont les Américains.

La liberté, on le sait, est une condition souvent absente en Russie, où – malgré la chute du communisme – la très grande partie de la sphère publique, et une grande partie de la sphère privée, sont contrôlées par un petit groupe d’oligarques, travaillant main dans la main avec l’État russe. Le discours de Trump a été sévèrement critiqué par les principaux organes de presse dans les pays à travers le monde, avec une exception notable : la Russie. La chaîne d’État Rossiya 24 a déclaré que « peu importe comment la campagne électorale est dépeinte, il s’agit du discours de sa vie ». Les précédentes déclarations de Trump en matière de politique étrangère en Russie ont été ouvertement saluées dans les rues de Moscou.

Si l’élection américaine est réellement manipulée par la Russie, alors la candidature de Trump prend un sens bien plus sombre. Oubliez la xénophobie domestique et la colère de la classe moyenne américaine : une présidence de Trump pourrait avoir de graves conséquences pour la défense de la liberté dans le monde entier.

Hillary Clinton comme sauveur du monde libre? Je ne pensais jamais voir ce jour!

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

Leave a Reply