La victoire des conservateurs à l’Î.-P.-É. n’est que le dernier défi de Justin Trudeau

Les électeurs de l’Île-du-Prince-Édouard se sont prononcés et c’est encore plus de mauvaises nouvelles pour Justin Trudeau. Le premier ministre désigné, Dennis King, élu chef du parti Parti conservateur il y a à peine deux mois, a remporté 12 des 27 sièges à la législature de l’Île, le plaçant ainsi en position pour former un gouvernement minoritaire.

Après quatre mandats, les libéraux en exercice sont allés chercher six sièges – alors que le Parti vert en a remporté huit pour former l’opposition officielle – la première fois que les Verts occupent ce poste dans un parlement canadien.

La victoire de King marque la cinquième fois que les électeurs renvoient un gouvernement libéral provincial depuis l’entrée en fonction de Trudeau. La Colombie-Britannique a été le premier bastion à s’effondrer lorsque Jim Horgan, du NPD, a battu la libérale Christy Clark en 2017. Un an plus tard, les dominos ont vraiment commencé à tomber alors que l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Québec ont tous perdu leurs dirigeants libéraux en l’espace de six mois. Les libéraux Kathleen Wynne, Brian Gallant et Philippe Couillard ont été mis à la porte pour laisser la place aux Doug Ford et Blaine Higgs, progressistes-conservateurs, et François Legault, leader de la coalition populiste Avenir Québec.

L’élection du chef du Parti conservateur uni, Jason Kenney, la semaine dernière en Alberta, en remplacement de Rachel Notley, du NPD, est venue s’ajouter au lot de difficultés de Trudeau. Avec Ford, Higgs, le premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, et le premier ministre du Parti de la Saskatchewan, Scott Moe, Kenney & Cie représentent maintenant un véritable marécage bleu dans lequel Trudeau menace de s’embourber. Ajouter l’Île-du-Prince-Édouard à la recette et vous n’avez plus que trois premiers ministres libéraux en poste au pays. Ce nombre pourrait très bien être réduit à deux le 16 mai prochain, alors que Terre-Neuve-et-Labrador se rendra aux urnes. Si Terre-Neuve vote Conservateur, sept gouvernements de centre droit feront face à Trudeau autour de la table fédérale – et vous pouvez parier qu’ils ne souriront pas.

Quel changement par rapport à la campagne électorale de 2015, alors que Trudeau n’en avait que pour les provinces. « Les défis auxquels nous sommes confrontés ne peuvent être résolus uniquement à partir d’Ottawa », a-t-il écrit dans une lettre au premier ministre du Québec, Phillippe Couillard. Ces défis, a-t-il poursuivi, « nécessitent un véritable partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces ». Pour ce faire, Trudeau a fait un nombre de grandes promesses. Il s’est engagé à réviser le cadre de la péréquation, à conclure un nouvel accord sur les soins de santé et à tenir de façon régulière des réunions des premiers ministres, contrairement au premier ministre de l’époque, Stephen Harper, qui n’en a tenu qu’une, en 2009, au cours de ses neuf années de mandat.

Les choses ont commencé sur une note ensoleillée. En prévision de la réunion sur le climat COP21 en décembre 2015, Trudeau a convoqué les dirigeants provinciaux et territoriaux afin de forger le « message fort et cohérent que nous transmettrons en tant que Canadiens à Paris ». Le New York Times a annoncé qu’« en moins d’un mois, le Canada a effectué un volte-face en matière de changement climatique ». Il a fait l’éloge des efforts de Trudeau visant à rallier les provinces, en particulier du grand marché qu’il conclurait avec Notley, qui devait rejoindre Trudeau à Paris avec plusieurs autres premiers ministres provinciaux.

Ce marché – et toute la bonne volonté que Trudeau cherchait à créer – a été complètement défait au cours des années suivantes, grâce à une combinaison de faux pas de la part du premier ministre et d’ordres du jour concurrentiels de la part des partis provinciaux conservateurs. L’achat à Kinder Morgan du pipeline Trans Mountain avec plus de 4 milliards de dollars d’argent des contribuables – tout en s’engageant à respecter les droits des autochtones et à protéger l’environnement –, c’est là où le bât blesse toujours. L’imposition de la taxe sur le carbone aux provinces qui ne le souhaitaient pas a non seulement créé un fossé avec Ottawa, mais également un front uni entre opposants.

En bref, la tentative de Trudeau de jouer sur les deux fronts de l’environnement et du développement des ressources naturelles lui a valu de perdre les deux. À la place, les écologistes et les travailleurs du secteur pétrolier organisent des manifestations contre son gouvernement. Les tensions régionales sont fortes tant à l’est qu’à l’ouest. La Colombie-Britannique et l’Alberta sont à couteaux tirés, la moitié du pays a déclaré la guerre à la taxe sur le carbone, et le Québec réclame plus de pouvoirs en matière de fiscalité et d’immigration. Le rêve de Trudeau d’un « véritable partenariat » entre le gouvernement fédéral et les provinces est officiellement mort.

Et à l’approche des élections fédérales de 2019, cet effritement de l’unité nationale est peut-être le plus grand échec de Trudeau. Lorsqu’il réunissait les provinces dans la Confédération, le premier ministre John A. MacDonald a comparé de manière célèbre le processus d’unification des intérêts divergents du Canada à tenter de « rassembler un troupeau de chats ». Le biographe de MacDonald, Richard Gwyn, l’a décrit comme la qualité déterminante d’un grand premier ministre, une qualité qui n’a pas changé à ce jour. « Si vous allez diriger le Canada, un pays très décentralisé et diversifié, … vous devez être capable de convaincre les gens d’accepter ce que vous voulez, ce que vous pensez être juste pour le pays dans son ensemble, et cela demande beaucoup de savoir-faire, d’adresse, de ruse et de résistance. »

Les quatre dernières années ont révélé que Trudeau ne possédait aucune de ces qualités. Il ne peut même pas gérer les éléments disparates de son propre caucus et de son cabinet, alors imaginez une nation! Et les Canadiens ont enfin compris.

À six mois des élections, les conservateurs devancent légèrement les libéraux dans les sondages. Les projections de sièges montrent les libéraux glissant lentement en territoire minoritaire. Et maintenant, les Verts sentent l’avoine…

Dans un mariage comme celui du Canada, les voies ensoleillées sont comme l’amour; elles ne suffisent pas à ce que tout le monde reste ensemble. Il est peut-être temps de changer de partenaire.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de Global…

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