La réforme du RPC : une solution à la recherche d’un problème?

Les experts disent qu’une hausse du RPC n’est pas nécessaire. Mais ne vous attendez pas à ce que cela arrête les libéraux.

En politique, quand une promesse non tenue n’est-elle pas une promesse non tenue? Quand un autre niveau de gouvernement l’exauce.

Voilà l’argument avec lequel la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, semble à l’aise, alors qu’elle envisage le démantèlement du régime de retraite tant vanté de l’Ontario – la pierre angulaire de sa dernière campagne électorale – en faveur du renforcement du Régime de pensions du Canada.

« Nous avons dit que si nous pouvons arriver, en quelque sorte, aux deux tiers de la valeur de ce que nous avons, ce que nous avons atteint avec le Régime de pensions de retraite de l’Ontario, cela serait l’une des mesures que nous examinerions en vue d’une amélioration du RPC », a déclaré Mme Wynne aux journalistes à Windsor. «Voilà le genre de discussion que nous avons avec le gouvernement fédéral. »

Lors de l’élection provinciale de 2014, Wynne a affirmé que le plan était nécessaire en raison du refus du gouvernement conservateur fédéral de hausser le RPC. Maintenant que les libéraux sont en charge, le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, veut approuver une hausse du RPC à la fin de 2016 – et l’ORPP peut être destiné à la poubelle.

Les travailleurs ontariens peuvent pousser un soupir de soulagement : l’ORPP aurait détourné 1,9 pour cent de leur premier 90,000 $ de revenu, à moins qu’ils aient déjà été inscrits à un régime de retraite d’entreprise. Les employeurs auraient été forcés d’égaler ces contributions. Pour un employé gagnant 45 000 $ par année, l’ORPP aurait signifié une pension complémentaire de 6 500 $ par an après 65 ans; pour un travailleur gagnant 70 000 $, un montant supplémentaire de 10 500 $; à 90 000 $, le plan atteint son maximum avec un montant supplémentaire de 12 500 $ par an.

Mais ces chiffres étaient basés sur les cas de travailleurs étant employés et ayant contribué régulièrement dans le plan depuis 40 ans. Pour les travailleurs d’âge moyen, ou ceux près de l’âge de la retraite, le plan aurait livré peu d’avantages et a été critiqué comme un étant un « impôt tuant l’emploi » par le gouvernement fédéral de l’époque.

L’avantage des travailleurs et des employeurs de l’Ontario sera de courte durée, cependant, si Ottawa commence à collecter davantage en cotisations au RPC. Et il est difficile de voir comment le gouvernement fédéral serait en mesure d’augmenter les paiements sans collecter davantage, ce qui alimente l’opposition face à ses intentions du côté provincial.

La position de la Colombie-Britannique est que le RPC pourrait être bonifié « lorsque les conditions économiques le permettront » – mais pas maintenant. Le Globe and Mail rapporte que la Saskatchewan s’oppose à toute augmentation, tandis que l’Alberta – craignant qu’un changement soudain pourrait compromettre la croissance de l’emploi dont elle a désespérément besoin – souhaite voir un changement appliqué de façon « progressive ».

Et puis il y a le Québec, qui a son propre régime provincial de pensions – et qui voit le plan d’Ottawa comme économiquement malsain et inutile. Le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao (qui se trouve à être un économiste de renom), a déclaré à CTV News : « Nous pensons qu’il n’y a pas de crise en ce qui concerne les pensions publiques au Canada. »

Ce point de vue est renforcé par deux nouveaux rapports sur les pensions publiées cette semaine. Tout d’abord, l’Institut Fraser a abordé « cinq mythes communs » au sujet du RPC, le plus tenace étant celui qui veut que les personnes âgées n’aient pas suffisamment économisé pour la retraite. L’étude a révélé qu’en plus du 2,6 billions $ en actifs détenus dans des régimes de retraite, les Canadiens détenaient un autre $ 8,6 billions $ en actions, obligations et biens immobiliers. « Même après déduction de la dette de $ 1,8 billion, les Canadiens se retrouvent avec une valeur nette cumulée de 7,8 billions $ en dehors du système formel de retraite », écrit le chercheur de l’Institut et ancien analyste économique en chef de Statistique Canada, Philip Cross.

En outre, le rapport a constaté que, contrairement à la croyance populaire, le RPC n’est pas un bon investissement. L’Institut Fraser a constaté qu’il offre un rendement de 3 pour cent pour les Canadiens nés après 1956; pour ceux qui sont nés après 1971, un pitoyable 2,1 pour cent. Il décourage également les Canadiens à économiser à l’aide d’autres véhicules, tels que les REER et les CELI; comme l’auteur de l’étude, Charles Lammam, a découvert : pour chaque dollar pris en contributions par le gouvernement, les travailleurs ont investi un dollar de moins dans l’épargne privée.

L’Institut C.D. Howe a également publié une étude cette semaine qui a constaté que l’augmentation des contributions en milieu de travail est inutile parce que les retraités dépensent moins après l’âge de 70 ans. « Les retraités au Canada, et dans d’autres pays développés, démontrent une forte tendance à réduire leurs dépenses courantes en termes réels à partir d’environ 70 ans, une tendance qui va en s’accélérant plus l’âge avance », écrit Frédéric Vetesse, actuaire en chef de Morneau Shepell (un cabinet de ressources humaines fondée, assez ironiquement, par le père du ministre des Finances, Bill Morneau).

En même temps, les jeunes travailleurs font face à plus de dépenses en matière de finances – les prêts hypothécaires et les enfants en tête de liste –, ce qui signifie que des contributions plus élevées les frapperaient là où ils peuvent le moins se le permettre.

Néanmoins, le gouvernement fédéral semble presser dans sa quête d’un accord sur le RPC. Cela nécessite l’appui de sept provinces représentant les deux tiers de la population – ce qui fait de l’Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique d’importants joueurs. L’Ontario a fait connaître son prix pour laisser tomber son propre plan, mais on ne sait pas ce dont les deux autres provinces auraient besoin pour monter à bord.

Quelles que soient les concessions qu’elles demandent, si la dernière étude est une indication, cela équivaudra au triomphe de la politique sur l’économie.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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