Qu’est-il arrivé au changement de génération? Quand Barack Obama a triomphé aux élections de 2008, sa victoire a été saluée non seulement comme une étape importante pour les Noirs américains, mais pour les jeunes Américains aussi. Il avait quarante-six ans, une jeune famille, et faisait appel à une nouvelle génération d’électeurs – qui sont sortis aux urnes. Il a battu haut la main John McCain, un rival de 24 ans son aîné, qui avait des années d’expérience et de l’héroïsme militaire, mais qui fut considéré comme un homme du passé par rapport à Obama.
Avance rapide à 2016 – ou devrions-nous dire retour en arrière? Les prétendants dans les caucus de l’Iowa d’aujourd’hui sont tous bien après l’âge de la retraite. Dans le camp républicain, Donald Trump domine le terrain. Trump, 69 ans, a pesé lourd dans les milieux d’affaires et de télévision depuis des décennies, en canalisant les années 1980, plus encore que les années 2010. Dans le camp démocrate, Hillary Clinton, 68 ans, est entrée dans la Maison Blanche en 1992, aux côtés de son mari, le président Bill Clinton, et plus tard a été secrétaire d’Etat dans l’administration Obama. Son principal rival, Bernie Sanders, 74, est ironiquement le sénateur «junior» du Vermont – en dépit d’être le plus ancien indépendant dans l’histoire du Congrès Americain, assis solo en tant que membre pendant 16 ans, et sénateur pendant une décennie après.
Même les indépendants potentiels sont vieux: l’ancien maire de New York et homme d’affaires Michael Bloomberg a 73 ans. Nous allons voir s’il examine à nouveau de prendre le plongeon, cependant, à la lumière d’un sondage qui montre peu de soutien, même parmi les démocrates, pour sa candidature.
Comment expliquer ce tsunami argenté ? Ce phénomène est-il le reflet d’une population vieillissante ? Les électeurs cherchent-ils à élire quelqu’un qui leur rappelle d’eux-mêmes, de leur jeunesse, ou de la personne qu’ils auraient aimé devenir ? Cette réponse serait tentante, sinon pour le fait que le plus âgé du groupe, Sanders, est particulièrement appréciée des jeunes électeurs – le même groupe qui a contribué à propulser Obama à la victoire en 2008. Trump a aussi des légions de jeunes fans, qui le connaissent de la télé-réalité, et Clinton tend la main aux apprenants, en dépit d’avoir perdu cette cohorte à Obama dans sa tentative précédente à l’investiture démocrate.
Peut-être que la réponse ne se trouve pas dans l’âge des candidats, mais dans l’époque où nous vivons. À bien des égards, l’Amérique en 2016 ressemble beaucoup à l’Amérique en 1980. C’était l’année ou les électeurs année ont rejeté le Président Jimmy Carter, 56 ans, en faveur de son opposant Ronald Reagan, 69 ans. C’était l’année après la crise des otages en Iran, dont le régime religieux de l’ayatollah Khomeiny a pris d’assaut l’ambassade américaine à Téhéran et saisi plus de 60 otages américains, en les gardant prisonnier pendant 444 jours. En 1980, comme aujourd’hui, l’Amérique se sentait en état de siège. L’économie était dans une situation désespérée, et l’Union soviétique menaçait les Etats-Unis à la fois militairement et idéologiquement, autant que les terroristes islamistes le font aujourd’hui.
Alors, quand Trump dit aux électeurs évangéliques « Nous allons protéger le christianisme … Si vous regardez ce qui se passe dans le monde entier … Le christianisme est en état de siège, » et promet de « rebâtir l’Amérique », il parle la même langue que Reagan, qui voulait écraser l’Empire du Mal et récupérer la ville brillante sur la colline. Lorsque Clinton condamne l’économie de partage, elle évoque la peur de l’incertitude, et promet de le remplacer par de la stabilité. Et quand Sanders parle de socialisme démocratique, il le dépeint comme ayant ouvert la voie à l’âge d’or de l’Amérique, après que Franklin Delano Roosevelt ait mis en œuvre la sécurité sociale, l’assurance chômage et le salaire minimum, suite à la Grande Depression.
En d’autres termes, en 2016, ce n’est pas tant l’âge du candidat qui importe, mais sa capacité de se tenir en travers de l’histoire et crier, ARRETEZ!, à un moment où les électeurs cherchent désespérément quelqu’un pour le faire. Votez pour moi, et je vais vous ramener à un meilleur moment. Les trois représentent « l’homme fort » ou la « femme forte » ver lequel les électeurs se tournent souvent en temps de crise. Et il est beaucoup plus facile de jouer ce rôle lorsqu’on a été témoin de l’histoire, que lorsque on a encore à le vivre.
Photo: Phil Roeder