La pandémie change déjà l’avenir de la politique canadienne

Quelle différence une année fait-elle? Le 25 janvier 2020, le premier cas de COVID était identifié au Canada. À l’époque, nos dirigeants étaient aux prises avec une crise bien différente: le blocus des voies ferrées et des chaînes d’approvisionnement par des manifestants autochtones en faveur des chefs héréditaires de la Première nation Wet’suwe’ten. Pour la plupart des Canadiens, la COVID-19 n’était qu’une histoire qui touchait la Chine, un entrefilet, peut-être même juste une autre mauvaise grippe.

Jusqu’à ce que, bien sûr, ce ne soit pas le cas.

Aujourd’hui, la pandémie a bouleversé toutes les facettes de nos vies. Malheureusement, les communautés qui étaient déjà désavantagées ont subi le plus gros de l’impact. Cette semaine, la docteure crie Marlyn Cook, qui travaille à Moose Factory, en Ontario, a déclaré à CTV News: «L’un des plus importants aspects que la COVID-19 fait ressortir, c’est le racisme au sein du système de santé.» Pendant ce temps, d’autres tendances sont également apparues: un exode urbain-rural croissant, et une importante chute dans la confiance envers nos élus.

Que laisse présager cette nouvelle réalité pour la politique canadienne? Comment cela façonnera-t-il les enjeux des élections à venir? Voici trois problèmes possibles et les impacts qu’ils pourraient avoir.

Désurbanisation. Toronto, Montréal et Vancouver ont toutes vu une forte augmentation du nombre de leurs citoyens quitter pour les banlieues, les petites villes et les régions rurales pendant la pandémie, rapporte Statistique Canada: 87 444 personnes ont quitté les trois villes entre juillet 2019 et juillet 2020, comparativement à une moyenne annuelle de 72 686 les trois années précédentes. Près d’un tiers de l’augmentation concernait les personnes âgées de 15 à 29 ans; 82% étaient des personnes de moins de 45 ans, dont beaucoup ayant de jeunes familles.

Cette situation aura des répercussions politiques, car ces changements ont un impact sur les circonscriptions. Les circonscriptions rurales pourraient gagner en importance, mais leur composition changera également. L’exode des citadins vers les banlieues et au-delà diluera-t-il ce qui est actuellement une base électorale majoritairement conservatrice? Ou les citadins migrants sont-ils des types auto-sélectionnés qui partagent déjà largement la politique de leurs nouvelles communautés? Et qu’arrive-t-il aux villes qu’ils laissent derrière eux? Vont-elles se positionner davantage à gauche sur le spectre politique?

Confiance. Lorsque la pandémie a commencé, les cotes de popularité des politiciens ont grimpé en flèche: un an plus tard, c’est une toute autre histoire. Un récent sondage réalisé par Léger et l’Association d’études canadiennes a révélé que 28% seulement des Albertains étaient satisfaits de la réponse à la pandémie du premier ministre Jason Kenney, contre 74% au début de la crise; la satisfaction des Ontariens à l’égard du premier ministre Doug Ford est passée de 75 à 53%; et la satisfaction des Québécois à l’égard de leur premier ministre, François Legault, est passée de 94 à 69%. Pendant ce temps, alors que le déploiement des vaccins se fait lentement, près du quart des Canadiens ne font pas confiance à leurs gouvernements provincial et fédéral.

Cela pourrait créer des problèmes pour tous les politiciens, mais surtout pour les élus. Une perte de confiance pourrait entraîner une perte de pouvoir. Cela pourrait également voir des partis comme le NPD et les Verts plaire davantage aux électeurs sur la base qu’ils mériteraient plus leur confiance que les politiciens libéraux et conservateurs qui ont tenu les rênes pendant la pandémie.

Inégalité. Selon un sondage réalisé par le Centre canadien pour la mission de l’entreprise, les Canadiens ont classé l’inégalité de richesse et l’inégalité de traitement/discrimination parmi les défis les plus importants auxquels le monde est confronté. Un nouveau rapport de CIBC Economics met en garde contre un «élargissement spectaculaire de l’écart de revenu» causé par la COVID-19.

Tous les partis devront répondre à ces préoccupations. Pour le NPD, cela se traduira par des projets d’impôt sur la fortune ou de revenus annuels garantis. Pour les libéraux, cela servira probablement d’appui à un programme national de garde d’enfants et à un plus grand engagement envers les questions autochtones. Quant aux conservateurs, le chef Erin O’Toole a déjà déclaré publiquement que «trop de pouvoir est entre les mains des élites corporatives et financières qui sont heureuses d’exporter des emplois à l’étranger», laissant présager des politiques de création d’emplois plus nationalistes. Les prochaines élections fédérales pourraient donc devenir un jeu de pressions sur le NPD, si les conservateurs réussissent à s’approprier son titre de défenseur de la «classe ouvrière» et que les libéraux débordent sur sa gauche sur l’échiquier politique.

Une chose est sûre: après cette année de pandémie, la politique, comme toutes nos vies, ne sera plus la même. Nous ne pouvons qu’espérer que ces nouveaux défis stimuleront des changements positifs lors des prochaines élections.

La version originale anglaise de ce texte se trouve sur le site du National Post

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