La mutilation génitale féminine (MGF) est l’un des abus les plus horribles qui puissent être perpétrés contre une jeune fille. Cela implique l’excision du clitoris, la coupe des lèvres et, sous sa forme la plus extrême, la couture pure et simple des lèvres vaginales.
Il n’y a aucun bénéfice médical à cette pratique et elle peut mener à une sévère infection, à une incontinence urinaire, à des complications lors d’un accouchement, à la mort et, dans tous les cas, à une douleur extrême et inimaginable. Tout cela au nom de la « pureté », dans le but de produire une fille apte au mariage en supprimant sa capacité à ressentir du plaisir pendant les rapports sexuels.
L’une des choses les plus déprimantes à propos des MGF est que ce sont souvent les femmes qui les pratiquent et les ont pratiquées sur leurs filles. Génération après génération, elles perpétuent un cycle d’abus parce qu’elles croient que cela est nécessaire pour leur culture ou leur foi.
L’expérience d’une victime, racontée au Toronto Star, est tristement typique. Yasmin Mumed avait six ans quand sa grand-mère l’a emmenée dans son village éthiopien. Les femmes l’ont maintenue de force alors qu’elle luttait. « Je me souviens seulement d’avoir crié … tout l’étage était couvert de sang ». Ensuite, après la coupe, est venu le temps de la fête, les voisins apportant des friandises. « Je me suis sentie bien après … J’ai senti que j’étais à une étape différente de ma vie ».
Plus tard dans la vie, en tant que nouvelle Canadienne, Mumed s’est rendu compte que ce qui lui avait été fait était en fait une violation de ses droits les plus fondamentaux – et de sa sexualité. « C’est comme si toute ma vie avait été un peu un mensonge … Je sentis que je n’étais plus aussi féminine ou que je n’étais plus entière. Comme si je n’étais plus normale. »
L’histoire de Mumed est loin d’être unique. Selon un courriel datant de 2015, des Affaires mondiales Canada à un fonctionnaire consulaire basé au Kenya, le ministère croit qu’« il est possible que quelques milliers de filles canadiennes soient menacées, dont certaines seront conduites à l’étranger pour la procédure ».
Au sud de la frontière, CNN rapporte que « depuis 1990, le nombre estimé de filles et de femmes aux États-Unis qui ont subi ou sont à risque de subir la pratique a plus que triplé. L’augmentation est due à la croissance rapide du nombre d’immigrants venant de pays où le risque de MGF est le plus important. » Seulement ce mois-ci, une femme médecin du Michigan a été accusée d’avoir pratiqué des mutilations génitales chez des patientes de sa clinique – deux d’entre elles âgées de moins de sept ans.
Vous penseriez qu’à la lumière de ces faits, le gouvernement canadien – qui consacre de considérables ressources à la protection des femmes et des filles – lutterait contre ce genre de violence faite aux enfants. Vous penseriez qu’un premier ministre, qui se décrit lui-même comme féministe, s’engagerait dans cette lutte – et que l’éducation publique serait la clé de cet effort.
Apparemment, non. Selon une ébauche du nouveau Guide de la citoyenneté du Canada, le paragraphe qui rappelle aux nouveaux arrivants que les mutilations génitales féminines ne sont pas acceptées au Canada et que « les personnes coupables de (ce crime) seront sévèrement punies en vertu des lois pénales du Canada » sera supprimé.
Si je devais deviner pourquoi, je dirais que c’est à cause de trois autres mots contenus dans ce paragraphe: « pratiques culturelles barbares ». Cette expression est devenue un sujet chaud lors des élections fédérales de 2015, lorsque les conservateurs se sont engagés à mettre en place une « ligne de dénonciation des pratiques barbares » afin qu’on puisse signaler ces horreurs – et, en conséquence, ont été étiquetés comme anti-immigrants, antimusulmans et intolérants.
« Ma première réaction », a déclaré Michelle Rempel, la députée et critique conservatrice de l’Immigration sur les ondes de la radio AM640, à Toronto, « a été que le premier ministre voulait que cela devienne un débat politique qui divise l’opinion dans lequel nous parlons de différentes communautés … »
« De nier que nous allons en parler parce qu’il s’agit d’un problème qui se produit dans les communautés d’immigrants est un grand problème en ce moment », a déclaré Aruna Papp, éducatrice en croisade contre la violence basée sur l’honneur depuis 35 ans.
Ces communautés comprennent celles de nombreux pays africains, comme la Somalie, Djibouti, la Guinée et la Sierra Leone, où l’UNICEF estime que plus de 90% des filles et des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi des mutilations génitales entre 2004 et 2015. L’Égypte, le Soudan, le Tchad et le Mali font aussi partis des pays pratiquant la MGF. Cette dernière est également pratiquée en Inde, au Bangladesh, au Pakistan et dans d’autres pays d’Asie du Sud. Dans le monde entier, l’Organisation mondiale de la santé estime que 200 millions de femmes et de filles ont été mutilées.
Lorsqu’on lui demande ce qu’il faut changer, Papp n’y va pas par quatre chemins : « Le leadership devrait venir du gouvernement fédéral. Et oui, c’est barbare. Point à la ligne. »
Au Canada, tous ceux qui abusent d’un enfant – qu’ils soient membres de la secte chrétienne de Bountiful, qui force le mariage de filles mineures, ou membres de la foi musulmane, qui pratique la mutilation génitale féminine – devraient être poursuivis. Il n’y a rien de mal à dire cela aux nouveaux arrivants. Si notre pays défend les droits de l’homme – pour l’égalité des hommes et des femmes et les droits des enfants –, il en va de soi.
Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Ahmed Hussen, n’était pas disponible pour une entrevue, mais la porte-parole de l’IRC, Lisa Filipps, a déclaré dans un courriel que « Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada entreprend des consultations plus larges avec un plus large éventail d’intervenants, y compris les Organisations autochtones nationales et des experts sur le sujet, pour s’assurer que le contenu révisé du Guide d’étude de la citoyenneté soit représentatif de tous les Canadiens, y compris les membres des peuples autochtones, des populations minoritaires et les Canadiens francophones.
« Tout contenu partagé au cours de la phase de consultation n’est pas encore ajouté au document final. Jusqu’à ce que le guide révisé soit officiellement lancé, l’actuel Découvrir le Canada reste le guide d’étude officiel pour le test de citoyenneté. »
En d’autres termes, il est encore temps pour le gouvernement de changer d’avis sur l’excision de ce paragraphe. Espérons – pour l’amour de chaque petite fille – qu’il le fasse.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.