Ça en prend beaucoup pour déplaire au chef conservateur Andrew Scheer, mais cette semaine, l’un de ses députés est allé trop loin.
« J’ai retiré Maxime Bernier du cabinet fantôme de l’Opposition officielle, cette décision est en vigueur immédiatement », a déclaré M. Scheer dans un court communiqué. « Le porte-parole en matière de sciences, Matt Jeneroux, assumera le rôle additionnel de porte-parole en matière d’innovation, de science et de développement économique sur une base intérimaire. »
Quelle a été la goutte qui a fait déborder le vase? Bernier a déposé sur son site Web un chapitre de son prochain livre, dans lequel il affirme que Scheer a remporté la direction du Parti avec l’aide de « faux conservateurs » recrutés par le lobby du lait au Québec. Le chapitre n’était pas nouveau, mais son emplacement l’était. Comme Bernier a par la suite posté sur Twitter : « … Le chapitre sur la gestion de l’offre, disponible sur mon site Web, est LE MÊME qui a été disponible publiquement durant des semaines sur le site Web de mon éditeur mais qui a été retiré quand j’ai décidé de reporter indéfiniment la publication du livre. Il n’y a rien de nouveau là-dedans et je ne l’ai pas “publié”. »
C’est vrai, mais le problème en est un de timing. Bernier a rendu public le chapitre quelques jours seulement après que le Canada eut entamé une guerre de tarifs avec les États-Unis, au cours de laquelle le président américain Donald Trump a lancé de nombreuses attaques contre le système canadien de gestion de l’offre. Cela a effectivement placé Bernier dans le même camp que Trump qui venait de s’en prendre ouvertement au premier ministre Justin Trudeau à propos de ses remarques sur le fait qu’il « ne se laisserait pas bousculer » par les Américains. Alors que Scheer prenait la défense de Trudeau, le moment de rompre les rangs était bien mal choisi par Bernier…
Il y a aussi eu, cependant, des cris d’indignation lancés à l’endroit de Scheer. Les conservateurs ne sont-ils pas censés être en faveur de la liberté d’expression? Scheer et les conservateurs n’ont-ils pas condamné Trudeau pour son recours à la « pensée unique » en matière d’avortement? C’est vrai, mais un Cabinet n’est pas un caucus. Quand vous faites partie d’un Cabinet, fantôme ou pas, vous chantez la même chanson que vos collègues, quelles que soient vos opinions personnelles. Peu importe la validité de votre argument (et Bernier, en passant, a raison de dire que la gestion de l’offre est un système dont la date de péremption est dépassée depuis longtemps), si vous contredisez votre chef, on vous montrera la porte du Cabinet.
Bernier doit sûrement en être conscient – alors pourquoi a-t-il choisi d’alimenter un peu plus cette controverse? Est-ce vraiment une question d’idées ou bien est-ce autre chose? Depuis la perte de la course au leadership du Parti, par la plus mince des marges, Bernier n’a pas semblé accepter que son rival soit devenu le chef. En novembre 2017, il a annoncé qu’il était en train d’écrire un livre « sur sa vision du pays. Quel est son problème et comment y remédier. » En janvier 2018, il a créé un « Club Mad Max » sur son site Web, encourageant les partisans du libre marché et de la liberté à joindre ce « groupe exclusif » pour y défendre ses idées à travers le Canada. Puis, en avril, il publie dans le Globe and Mail le chapitre offensant du livre, remettant ouvertement en question la validité de la victoire de Scheer.
Il est vrai que Scheer ne sera pas en poste éternellement, mais si les sondages disent vrai, il a une chance de battre le présent gouvernement, et pourrait être en poste un bon moment. Ce qui nous mène à d’autres spéculations : peut-être n’est-ce pas le Parti conservateur que Bernier souhaite diriger, mais quelque chose d’autre? Et si oui, quoi?
Des offres lui ont déjà été faites : après que Bernier eut perdu la course à la direction, en mai dernier, le leader du Parti libertarien, Tim Moen, a offert de se retirer pour lui laisser la place, affirmant que les libertariens avaient l’intention d’adopter les idées de Bernier. « Je connais Max et il est un vrai libertarien », a déclaré Moen. « Il pourrait enlever beaucoup de parts de marché politique au Parti conservateur. Je pense que ce parti doit être discipliné par le marché. »
L’offre n’a jamais été acceptée, bien sûr. Mais il y a un autre parti fédéral à la recherche d’un leader ces temps-ci : le Bloc québécois. Son leader, Martine Ouellette, a démissionné la semaine dernière après un vote de confiance cinglant de seulement 32 %. Le parti est en désarroi depuis des mois : en février dernier, sept députés du BQ ont démissionné en raison de conflits avec Ouellette pour siéger en tant qu’indépendants. À peine quelques heures plus tard, Bernier les a invités à se joindre aux conservateurs. « Ce que je dis à mes collègues du Bloc québécois est que s’ils croient en un Québec fort, en un Canada uni, ils vont se joindre à notre parti. S’ils veulent défendre les intérêts du Québec et ceux de tous les Canadiens, ils vont se joindre à notre parti. »
Personne n’a accepté l’invitation de Bernier, mais cette dernière a dû donner une idée aux conservateurs. Car quelques mois plus tard, ils ont annoncé que l’ancien chef du Bloc, Michel Gauthier, se joindrait au PC pour « prêter main-forte » aux candidats québécois. « C’est le parti politique le plus près des nationalistes québécois, le plus sensible au Québec », a déclaré M. Gauthier lorsque la nouvelle a été annoncée à la réunion du conseil général du parti à Saint-Hyacinthe, au Québec.
Le recrutement de M. Gauthier fait partie d’une plus vaste stratégie des conservateurs pour effectuer des percées au Québec – stratégie qui comprenait également que Scheer fasse une apparition dans la populaire émission de télé Tout le Monde en Parle. Cette entrevue a été bien accueillie dans les médias et pourrait aider à élever son niveau de reconnaissance au Québec qui est actuellement de de 48 %.
Le niveau de reconnaissance de Bernier n’a pas besoin d’un tel coup de pouce; son père était député avant lui et il fait partie du paysage politique québécois depuis son élection en 2006. Avant cela, il était actif en politique provinciale, travaillant pour le Parti québécois – un fait dont il dit être « fier ». « C’est pourquoi je crois en la Constitution, parce que j’étais dans un gouvernement péquiste et j’ai vu ce qu’ils font et je dis : quand vous respectez la Constitution, c’est la meilleure façon d’avoir une paix constitutionnelle au Canada. »
Même si faire comme Lucien Bouchard pourrait être tentant pour Bernier, ce dernier s’est aussi fait plusieurs amis et partisans en Alberta et dans d’autres régions du Canada, et il est plus un défenseur d’idées que d’une province en particulier. Mais si ce schisme qui l’oppose à Scheer devient irréparable, Bernier pourrait-il faire cavalier seul? Les mouvements politiques se sont déjà construits autour d’idées et de personnalités – pensons au Parti réformiste de Preston Manning. Mais de tels exercices ont aussi donné d’amères leçons à la droite canadienne. Plutôt que de miner les chances des conservateurs aux prochaines élections par la parole ou par l’action, Bernier devrait plutôt calculer soigneusement ses options.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.
Un bon tour de piste. Merci Tasha.
First, Bouchard’s departure was a personal treacherous betrayal because Mulroney had mentored Bouchard while Maxime owed nothing to Scheer. In fact, Scheer is the one who is disloyal to the spirit of the democratic process.
Second, let’s recognize that Bernier is right on the issue of supply management. Canada would not be in such a mess with our american partner if it was not for our quotas on dairy.
Maxime’s divergent opinion only adds to the richness and national strength of the party and Maxime can STILL bring Quebec votes to win in the next election. Isolating Maxime from the party only reduces Conservative appeal.
Scheer has a thin skin. And on another subject he also believes in signing the bocus treaties on “globull” warming. Can Scheer be more wrong?