Kevin O’Leary n’a pas besoin de savoir de quoi il parle; il est célèbre!

Donald Trump. Justin Trudeau. Pierre Karl Péladeau. Kevin O’Leary. Voilà quatre hommes qui n’ont rien en commun, sinon le fait qu’ils ont un intérêt pour la politique et qu’un facteur a fait en sorte que cet intérêt soit pratique pour eux: leur célébrité médiatique.

Trump, le candidat républicain pressenti à la présidentielle américaine, s’était déjà fait un nom avant de créer Celebrity Apprentice, et est devenu encore plus célèbre par la suite. Le 23e premier ministre du Canada a défrayé la manchette depuis sa naissance, en raison de son lien de parenté avec le 15e premier ministre du Canada. Le chef du Parti Québécois, Pierre Karl Péladeau, possédait le plus grand conglomérat de médias du Québec et, jusqu’à tout récemment, était marié à l’une de ses plus grandes stars. Et la carrière télé du candidat potentiel à la direction du Parti conservateur, Kevin O’Leary, l’a conduit de ROB TV à CBC, puis à ABC, où il est actuellement en vedette dans Shark Tank.

La notoriété publique a toujours été importante en politique, mais dans le passé, cette notoriété ne venait pas nécessairement du monde des médias. En fait, être un « entertainer » pouvait être un inconvénient: Quand Ronald Reagan a participé à la course à la présidence des États-Unis en 1980, de nombreux critiques ont relevé le fait qu’il n’était « juste qu’un acteur ». Deux décennies plus tard, personne ne tiqua des yeux quand Arnold Schwarzenegger s’est présenté comme gouverneur de la Californie.

Aujourd’hui, les célébrités se prononcent constamment sur des sujets politiques. De Leonardo di Caprio qui dénigre les sables bitumineux, à Davos, à Emma Watson qui parle d’égalité des sexes, à l’Organisation des Nations Unies, la confluence entre le monde des célébrités et celui de la politique n’a jamais été aussi absolue qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Mais la célébrité, en particulier la célébrité médiatique (et c’est étrange d’avoir à dire cela), ne signifie pas nécessairement que vous vous qualifiez pour être rien de plus qu’une « célébrité » – certainement pas pour occuper de hautes fonctions politiques. Alors qu’animer une émission de télé-réalité aiguise certainement ses compétences en communication, cela ne se développe pas nécessairement des compétences intellectuelles en leadership, ou un sens politique.

Ce que cela fait par contre, c’est créer une familiarité qui, à son tour, engendre une sorte de confiance. L’électeur américain qui a regardé Trump dans son salon pendant des années pense: « Je peux faire confiance à Donald Trump parce que je connais Donald Trump. Je sais qu’il est vrai, il dit ce qu’il pense. » De même, le Canadien qui a grandi avec des photos du jeune Justin Trudeau, et qui l’a entendu livrer l’éloge funèbre lors des funérailles de son père, sent manifestement un lien personnel avec le premier ministre. Nous voyons sa vie dans le cadre de notre propre vie, après l’avoir vu se dérouler sur nos écrans de télé et les pages de nos journaux durant les quarante dernières années.

Mais ce n’est qu’une illusion, bien sûr. Nous ne connaissons pas vraiment Trump ou Trudeau; nous ne connaissons que leurs avatars médiatiques, ces images publiques qu’ils ont soigneusement créées au fil des ans et qu’ils nous projettent. Mais dans notre univers de réseaux sociaux obsédés par les moindres détails, la fine ligne entre les personnalités publique et privée a pratiquement disparu. Nous en savons maintenant beaucoup plus sur les célébrités qu’avant; une grande partie étant auto-divulguée. Nous avons pris l’habitude de poster les moindres détails de nos vies sur Facebook et Instagram. Les plus jeunes obtiennent leurs nouvelles sur les médias sociaux; ils font plus confiance à leurs amis qu’aux médias pour s’informer. Et beaucoup de ces « amis » sont des gens avec qui ils interagissent plus en ligne que dans la vraie vie. Je vous vois, je vous connais, je vous fais confiance… donc je vais voter pour vous.

Au-delà de la confiance qu’on accorde à une personne, la seconde raison qui fait que les célébrités sont si populaires dans l’arène politique est leur valeur « divertissement ». La récente conférence de networking du Centre Manning en était un parfait exemple. Toute la première journée, et la majorité de sa couverture médiatique, a porté sur un seul homme: Kevin O’Leary. Et ce n’était pas parce qu’O’Leary a une quelconque organisation, de l’expérience ou une plate-forme des plus sérieuses (il n’a aucun de ces trois éléments). C’était parce qu’il est divertissant. Il s’est pavané en disant des choses que les autres n’osent pas dire, puis s’est envolé pour la Floride, laissant les autres candidats potentiels titubant dans le sillage de ses interventions.

Lorsqu’une célébrité entre dans une course politique, elle aspire toute la lumière et l’oxygène de la pièce, laissant la compétition se débrouiller pour attirer l’argent et l’attention des médias. Flanqués sur une scène aux côtés de quelqu’un qui est déjà célèbre, fait en sorte que les autres candidats apparaissent toujours plus gris, moins divertissants, moins attrayants. Vincent Harris, qui a dirigé des stratégies de médias numériques pour des aspirants présidentiels aux États-Unis et à l’étranger, a sans doute livré le plus important – et déprimant – message de la conférence du Centre Manning: les électeurs d’aujourd’hui veulent du divertissement. Grattez ici – ils l’exigent. Ils obtiennent de l’amusement sur demande 24/7 sur leurs appareils sans fil; la politique traditionnelle ne peut tout simplement pas rivaliser avec ça. Donc, les politiciens tentent de rivaliser avec les déclarations grossières, les gifs animés de chats sur Vine et les statistiques sportives sur Twitter. Comme les célébrités se démarquent déjà, ils obtiennent une longueur d’avance.

Et comme la prochaine génération d’électeurs grandie avec les Snapchat, You Tube et TMZ de ce monde, la confluence de la célébrité et de la politique ne pourra que s’intensifier avec le temps. Président Kanye West? Premier ministre Kevin O’Leary?

Riez si vous le voulez. L’establishment républicain n’a pas pris Trump au sérieux non plus. Et ils ne rient plus maintenant.

La version anglaise de ce texte se trouve sur ipolitics.

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