Mardi dernier, un rare événement a eu lieu à l’Assemblée législative de l’Ontario. Le Parti progressiste-conservateur et le NPD ont mis de côté leurs différences et ont appuyé une motion exigeant que le gouvernement libéral rétablisse l’accès à la thérapie d’intervention comportementale intensive (ICI) pour 30 000 enfants autistes.
L’ICI est un programme hebdomadaire de 30 à 40 heures qui, pour un enfant autiste, peut faire la différence entre le silence et la dépendance, et la capacité de communiquer, d’apprendre et de réaliser son plein potentiel. Le mois dernier, le gouvernement a annoncé des plans pour augmenter le financement de l’ICI pour les enfants de moins de cinq ans, tout en coupant l’accès aux enfants plus âgés, dont beaucoup avaient attendu des années pour cette thérapie. La décision a été prise en se basant sur une analyse documentaire qui a découvert que l’ICI était moins efficace pour les enfants plus âgés. Depuis, non seulement l’analyse a été dénoncée pour avoir exclu le concours des praticiens spécialisés dans le domaine, mais l’un de ses auteurs, le Dr Ian Dawe, a répudié publiquement la décision du gouvernement.
La thérapie ICI est coûteuse, en moyenne 40 000 $ par année. Sans aide publique, de nombreux parents ne pouvaient pas se le permettre. Pour leurs familles, y compris des dizaines qui ont assisté au débat de mardi, à Queen’s Park, les changements annoncés sont catastrophiques. Les parents ont eu du mal à contenir leurs émotions quand leurs histoires ont été racontées par les députés de l’opposition: Wesley, sept ans, qui parle maintenant grâce à 13 mois de thérapie; Kenner, huit-ans, qui est suivi depuis cinq ans et qui peut maintenant communiquer et aller à l’école; et des enfants comme Mason, Trevor et Charlie, qui ne pourront maintenant pas obtenir d’aide, parce qu’à cinq ans, les libéraux jugent qu’ils sont « trop vieux » pour en bénéficier.
Questionnée, la députée Tracy McCharles, ministre des Services à l’enfance et à la Jeunesse, a répété que le gouvernement planifie dépenser 333 millions $ et ajouter 16 000 places ICI pour les jeunes enfants atteints d’autisme. Mais cela signifie que le programme servira en fait 14 000 enfants de moins, si l’on considère les 30 000 qui ne seront plus admissibles. Au lieu de cela, ils recevront un paiement unique de 8000 $ et une version édulcorée de la thérapie, appelée analyse comportementale appliquée, seulement cinq heures par semaine – trop peu pour être d’une aide réelle.
Chaque gouvernement doit établir des priorités. Vous ne pouvez pas aider tout le monde, ni ne pouvez régler tous les problèmes. L’État tire son argent du contribuable; le défi est de limiter cette entrée tout en offrant les services dont les citoyens ont besoin et en n’accumulant pas de dette, ce qui mettrait en péril la capacité du gouvernement de financer ces services. Le gouvernement doit choisir, et choisir judicieusement.
C’est ici que les libéraux d’Ontario ont échoué à plusieurs reprises. Ils ont donné la priorité à trop de dépenses douteuses: l’annulation de deux centrales à gaz à un coût de 1 milliard $ pour sauver quelques sièges à l’élection de 2011; le paiement de 1 million $ en frais juridiques pour les syndicats d’enseignants au cours des négociations de travail pour sécuriser une (mauvaise) entente; et, plus récemment, la fuite d’un plan de 7 milliards $ pour réduire les émissions de carbone, ce qui augmenterait le coût du chauffage et de la conduite automobile. Mais 30 000 enfants autistes qui pourraient bénéficier d’un traitement qui changerait leur vie? Ils ne sont apparemment pas une priorité pour la première ministre Kathleen Wynne.
Pourtant, si les parents de ces enfants peuvent se mobiliser, ils en seront une. La Coalition ontarienne de l’autisme (OAC) prévoit plusieurs manifestations, dont une le 6 juin à Queen’s Park. Les familles ont le soutien des deux partis d’opposition, les conservateurs et le NPD. Et leurs voix seront importantes lorsque les Ontariens se rendront aux urnes – tout comme elles étaient importantes lors de la dernière élection.
En 2014, comme beaucoup d’électeurs de l’Ontario, j’ai fait face à un choix difficile. J’en avais assez du gouvernement libéral, son gaspillage, sa mauvaise gestion et ses dépenses excessives. Mais je suis aussi le parent d’un enfant autiste. Les conservateurs proposaient d’augmenter la taille des classes tout en réduisant celle du personnel pour les élèves de maternelle. Pour les enfants ayant des besoins particuliers, et pour ceux n’en ayant pas, cela ne voudrait dire qu’une chose: moins d’apprentissage. Cela m’a mise en colère, tellement en colère que j’ai fustigé les conservateurs pour leur vision à court terme et, pour la première fois lors, d’une élection, j’ai choisi de ne pas voter pour personne.
Depuis, j’ai serré les dents face à un certain nombre de décisions terribles que les libéraux ont prises – y compris leur décision, maintenant, de couper les enfants de la thérapie ICI. Mais le gouvernement a encore le temps de remettre ses priorités à la bonne place, en renversant cette décision.
Et il n’a pas à dépenser plus d’argent pour le faire, il suffit de changer la façon de dépenser le budget existant. Pendant des années, la Coalition ontarienne de l’autisme a démontré comment un modèle de financement direct – allouer des fonds aux familles au lieu de les allouer aux fournisseurs – soutiendrait plus d’enfants avec la même quantité de ressources. Les enfants de plus de cinq ans n’auraient donc plus à être coupés d’ICI pour réduire la liste d’attente des jeunes enfants.
Ceci n’est pas seulement une question d’enfants atteints d’autisme. C’est une question de bon gouvernement. C’est une question de choix qui entraînent des conséquences à long terme pour une société qui autrement pourrait devoir soutenir ces enfants pour le reste de leur vie. Et oui, c’est une question de familles qui les aiment, et de décence commune. Wynne a encore la chance d’écouter et de faire le bon choix.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site du National Post.