Pluraliste et pacifique, le Canada vit l’un de ses grands moments sur la scène mondiale
« Le monde a besoin de plus de Canada. » C’est que qu’a déclaré le président américain, Barack Obama, cette semaine à la Chambre des communes, sous les applaudissements. Le Canada est en train de connaître un grand moment sur la scène mondiale, présenté comme l’antidote pluraliste à la colère populiste qui gronde au sud de la frontière et de l’autre côté de l’Atlantique.
Nous sommes l’anti-Brexit, l’anti-Trump, la flamme solitaire du libéralisme brûlant dans un désert où la colère règne de plus en plus. Obama a officiellement passé le flambeau au premier ministre Justin Trudeau, dans l’espoir évident qu’il poursuivra son héritage après son départ de la Maison-Blanche : invoquant le pouvoir des gouvernements d’arranger les choses, de nous aider à mieux nous entendre, et de colmater nos différences à l’aide de quelques platitudes élitistes.
Obama a raison : le monde a besoin de plus de Canada, mais pas pour les raisons qu’il invoque. Ce dont le monde a besoin n’est pas plus de « politiquement correct », ou plus d’étatisme, mais plus d’endroits où la liberté est tellement évidente qu’elle est prise pour acquis. Un lieu où critiquer le gouvernement ne se traduit pas par l’emprisonnement. Où les filles peuvent aspirer aux mêmes choix professionnels que les garçons. Où les célébrations de la fierté gaie font partie de la routine estivale. Ou la règle de droit lie les individus et les gouvernements. Et où la libre circulation des biens, des services et des personnes sous-tend une économie qui récompense l’initiative et l’esprit d’entreprise.
Le Canada est loin d’être parfait, bien sûr. Nous nous plaignons à juste titre du niveau trop élevé des taxes et de la trop grande intrusion des gouvernements dans nos vies. Nous dénonçons la discrimination et les doubles standards qui persistent en dépit de nos meilleurs efforts pour les éradiquer. Et nous avons nos problèmes, bien de chez nous, tels que le mouvement séparatiste québécois et notre système dysfonctionnel de réserves des Premières nations.
Mais nous oublions aussi facilement à quel point la situation est atroce dans d’autres pays. Comment la famine continue de sévir en Afrique subsaharienne. Comment les droits humains sont bafoués en Chine et en Arabie Saoudite. Comment la guerre détruit les vies en Syrie. Comment les attaques terroristes frappent dans les grandes villes du monde.
Il est également facile d’oublier que nous bénéficions d’une heureuse confluence historique et géographique. Historiquement, nous avons été fondés par des gens qui s’accrochaient à l’Empire au lieu de prendre les armes contre elle. Nous n’avons pas construit notre économie sur le squelette odieux de l’esclavage. Nous avons attiré des immigrants qui cherchaient une vie meilleure et qui, pour la plupart, ont abandonné leurs querelles dans leurs pays d’origine.
Géographiquement, nous sommes isolés par de vastes étendues d’océans : le Canada ne possède pas d’importante frontière terrestre qui permettrait aux réfugiés ou immigrants illégaux de s’y masser. À part quelques lointaines exceptions, notre seul voisin a cherché à coopérer avec nous plutôt que de nous vaincre. Nous avons également bénéficié économiquement et militairement de sa protection : il est beaucoup plus facile d’offrir des soins de santé publics lorsque vous n’avez pas à dépenser votre PIB à défendre le monde libre.
En d’autres termes, c’est facile pour le Canada d’être un endroit agréable. Nous ne faisons pas face aux mêmes menaces que l’Amérique et l’Europe; et nous n’avons pas les mêmes responsabilités. Nous n’avons pas leur influence, économiquement et politiquement parlant, non plus. Nous sommes une « puissance moyenne » de 35 millions de personnes occupant la deuxième plus grande nation sur terre, possédant de vastes ressources naturelles, une météo décente et un voisin pacifique. Il faudrait beaucoup de mauvaise volonté pour gâcher cette situation.
Cela ne signifie pas que nous pouvons nous permettre d’être complaisants. La liberté est durement gagnée, et peut se perdre facilement. De plus, nous ne pouvons simplement prêcher la tolérance à d’autres qui sont confrontés à des situations beaucoup plus intolérantes : nous devons donner l’exemple sans être suffisants. Et nous devons nous rappeler du fondement sur lequel cet exemple est construit : le respect des droits et libertés, à la fois personnelles et économiques, inscrit dans nos lois par des générations de dirigeants, de John A. MacDonald à Wilfrid Laurier à John Diefenbaker à Lester B. Pearson à Pierre Elliott Trudeau à Brian Mulroney.
Voilà l’héritage et l’exemple du Canada. Un pays où les gens sont libres de réaliser leur plein potentiel dans une atmosphère de paix et de sécurité. Et voilà ce que nous devons célébrer et chérir en ce week-end de la fête du Canada.
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.