Fausses nouvelles ou nouvelles de l’État? Il s’agit d’un faux choix.

Les gouvernements ne peuvent pas sauver l’industrie de la nouvelle – le coût serait trop élevé

« Les sondages négatifs sont de fausses nouvelles. »

C’est ainsi que Donald Trump a réagi après que CNN ait publié un sondage montrant qu’il a maintenant la plus faible cote d’approbation de tous les présidents nouvellement élus dans l’histoire des sondages. À peine quelques semaines dans sa présidence, seulement 44% des Américains ont déclaré approuver le travail qu’il a accompli – ce qui fait de lui le seul président de l’histoire récente à avoir une cote négative à ce stade-ci de son mandat. (Le président Barack Obama, en revanche, a obtenu 76 pour cent d’approbation en 2009, tandis que Ronald Reagan avait 51 pour cent d’approbation en 1981.)

Mais Trump ne le croit pas. Il est le président, alors il se dit qu’il n’a pas à le croire. Ce sont de mauvaises nouvelles, donc, elles ne peuvent pas être vraies. Ainsi – en suivant la logique tordue du plus grand partisan et consommateur de fausses nouvelles d’Amérique –, les organes de presse légitimes ne devraient pas le signaler. S’ils le font, c’est qu’ils sont des imposteurs. Pigé?

Toutes les administrations politiques tentent de façonner la réalité. Seule la Maison-Blanche de Trump voit la réalité – ou ceux payés pour en rendre compte – comme l’ennemi. Comme le conseiller en chef de Trump, Steve Bannon a déclaré au New York Times la semaine dernière : « les médias devraient être gênés et humiliés et se fermer la trappe pendant un certain temps et se contenter d’écouter ».

Bannon a été l’esprit derrière Breitbart News pendant quelques années, un média en ligne qui est emblématique de la nouvelle industrie de la « nouvelle »; son mandat n’est pas de rapporter la « vérité », mais de la remettre en question. Les théories de la conspiration, les demi-vérités et les mensonges absolus tournent ici et là; l’autoroute de l’information est devenue un immense bourbier. Les sites de « nouvelles activistes » lancent des appels à la donation afin qu’ils puissent présenter leur version de la réalité à leur lectorat. Certains, comme The Rebel, récoltent des fonds pour tout, des caméras aux salaires des journalistes. Et ils sont assez bons: avec une portée mondiale et un environnement politique de plus en plus tribal, le concept de « nous contre eux » est bon vendeur.

Le résultat a été une myriade d’appels au nettoyage du système, ou plus précisément, à une intervention du gouvernement pour qu’il « sauve » l’entreprise traditionnelle de nouvelles. Ce serait une erreur – et pas seulement parce que Bannon travaille maintenant à la Maison-Blanche.

Aussitôt que le gouvernement décide de quelles nouvelles sont dignes d’être publiées, ça cesse d’être des nouvelles et commence à être de la propagande. Les nouvelles deviennent tout ce que le président, ou le premier ministre, dit que c’est. La liberté de parole devient de l’histoire ancienne. Les faits alternatifs deviennent « vérité » ou suffisamment proches de la vérité pour les membres du gouvernement. Et soudain, nous vivons tous dans le pire cauchemar d’Orwell.

Malgré cela, les appels continuent d’affluer. Cette semaine, le journaliste Andrew Potter a écrit un texte très réfléchi qui réclamait des subventions gouvernementales pour les entreprises qui font de la publicité sur des sites d’actualité « dignes de confiance » qui adhèrent à des politiques d’éthique, à des vérifications des faits et autres caractéristiques du journalisme traditionnel. Récemment, Edward Greenspon a effectué une analyse approfondis de l’état de l’industrie des nouvelles et a suggéré de la sauver à l’aide d’une combinaison de réglementation et d’imposition – en partie en créant un fonds de 400 millions de dollars soutenu par les contribuables.

L’objectif est louable: préserver l’accès aux vraies nouvelles des citoyens. Mais avec tout le respect que je vous dois, ce n’est pas un problème que l’État peut corriger. L’industrie de la nouvelle doit se sauver elle-même. Et elle ne réussira que si elle trouve un moyen de faire en sorte que les consommateurs accordent une valeur à son produit – rendre la vérité payante.

La vraie question en cause ici est la concurrence. L’Internet a démocratisé l’industrie de la nouvelle et a éliminé l’intermédiaire – l’organe traditionnel de nouvelles. N’importe qui avec un téléphone intelligent et un blog peut maintenant prétendre être journaliste. Et puisque ces plateformes fournissent du contenu gratuitement – en échange d’un simple coup d’œil de la part du lecteur sur la bizarre publicité qui offre des conseils sur la meilleure façon d’éliminer les rides –, elles peuvent rivaliser avec les médias traditionnels, sans avoir toutefois à payer les frais généraux. Pas de journalistes, pas de bureaux, pas de presses. D’un point de vue commercial, cela rend la collecte de traditionnelle de nouvelles non compétitive.

Et les points de presse doivent maintenant rivaliser non seulement entre eux, mais avec un océan illimité de sources de distractions. Des recettes, des vidéos de chat, des mises à jour de Facebook, 20 photos historiques qui vous couperont le souffle et, oh oui, des nouvelles, qui sont toutes disponibles au même endroit, de la même manière: en ligne, sur votre téléphone, en un seul clic. Elles sont toutes en concurrence pour l’attention des lecteurs. Et nous n’avons pas beaucoup d’attention à donner. Le plus attrayant élément d’information gagnera habituellement. Et très souvent, ce n’est pas une nouvelle.

Cela pourrait par contre être une fausse nouvelle. Les manchettes farfelues attirent les regards sur les écrans. Plus de regards équivaut à plus de revenus publicitaires. L’industrie des fausses nouvelles est rentable d’une manière que le National Inquirer de la vieille école ne pouvait même pas rêver d’être. Avant Internet, les histoires de bébés à deux têtes ou les complots de domination mondiale des Illuminatis n’étaient accessibles que dans les tabloïds disponibles dans les supermarchés. Maintenant, elles sont affichées sur la page Facebook de votre cousine Sally. Dans un monde où le piège-à-clics est roi, la bonne vieille nouvelle – La vérité – devient rapidement l’enfant pauvre, parce qu’elle ne se vend pas aussi bien que la concurrence.

Si les médias souhaitent monétiser la vérité, ils ne peuvent pas le faire en s’appuyant sur les mêmes sources de revenus que la concurrence. Ils doivent perturber le modèle d’entreprise qui s’appuie sur les pièges-à-clics, les publicités et les dons. Une façon de le faire serait de collecter de l’argent d’avance, sous la forme de micro-paiements, à chaque fois qu’un lecteur parcourt une nouvelle. Ce modèle « à la carte » ne compterait pas sur les moteurs de recherche pour placer de la publicité, ou pour encombrer les sites avec du n’importe quoi. Il ne s’appuierait pas sur les murs payants ou les abonnements, deux barrières qui découragent les lecteurs à lire. Pour ce faire, il faudrait une coopération entre les organes de presse, ou peut-être la création d’un moteur de recherche entièrement nouveau – celui-là consacré aux nouvelles qui ne profitent pas des piège-à-clics et placements publicitaires.

Une autre possibilité consisterait à l’adoption par l’industrie d’un code de conduite volontaire de qui serait géré par l’industrie elle-même et non par le gouvernement. Si la confiance a de la valeur, alors les organes de presse devraient trouver un moyen de monétiser cette confiance – mais pas à l’aide de fonds publics.

Ce faisant, ils seraient ouverts aux accusations de manipulation par l’État – ou, pire encore, ils permettraient à l’État de définir le code de conduite d’une manière qui profite à ses intérêts, pas à ceux des lecteurs. Si des sites comme Breitbart, InfoWars ou The Rebel peuvent convaincre des lecteurs de leur faire confiance, les médias traditionnels doivent trouver un moyen de faire de même, de retrouver la confiance qu’ils ont perdue aux profits de ces autres fournisseurs.

Les organes de presse doivent respecter les règles du marché. Ils doivent s’organiser et innover. Je crois que la vérité peut être payante. Si les journalistes, les reporters et les éditeurs le croient aussi, c’est à nous tous de changer les choses.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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