Faire ou ne pas faire le bond? Telle est la question au NPD

Faire ou ne pas faire le bond? Telle est la question pour les délégués présents à la prochaine convention du NPD, ce week-end à Edmonton. Ils doivent décider s’ils souscrivent ou non au manifeste Un bond vers l’avant – un document très de gauche appelant à un changement économique mondial radical au nom de la préservation de l’environnement –, et s’ils souhaitent déclencher une course à la direction en refusant de donner à leur chef, Thomas Mulcair, plus de 70 pour cent de soutien lors du vote de révision de la direction du week-end.

Les deux actions représenteraient un changement brutal pour un parti qui, depuis 13 ans maintenant, a mis de l’avant sa propre version de la troisième voie de Tony Blair. Avec le regretté Jack Layton, puis avec Mulcair, le parti s’est repositionné davantage comme une formation centriste qui prône un socialisme plus rationnel qu’émotionnel. Un parti qui promettait des budgets équilibrés et une réduction des impôts sur les petites entreprises. Et alors qu’il offrait encore un réseau national de garderies, le désengagement militaire et de plus grosses pensions, il évitait le genre de questions qui habituellement renforçait sa marque de commerce : taxer les riches, nationaliser les banques, etc. Les appels à « manger les riches » étaient remplacés par des appels plus apaisants à « mettre un terme aux inégalités de revenus » – un terme à consonance bureaucratique ayant le sex-appeal d’une écharpe de chanvre.

Pendant ce temps, d’autres partis de centre-gauche prenaient des virages plus à gauche. En Grande-Bretagne, sous Jeremy Corbyn, le Parti travailliste est à nouveau en train de vanter les avantages du socialisme pour la classe ouvrière, alors qu’il se bat contre la loi sur les syndicats des conservateurs. Aux États-Unis, le candidat à la présidence Bernie Sanders est bien décidé à amener les démocrates beaucoup plus à gauche que quiconque n’aurait jamais imaginé possible. Et avec la sortie récente des Panama Papers – qui ont révélé l’ampleur de l’évasion fiscale pratiquée par les riches, y compris des dirigeants politiques et des célébrités –, les deux hommes ont une nouvelle tribune sur laquelle ils peuvent affirmer : nous avions raison, le capitalisme leurre les masses et doit être réglementé.

Les journaux ont également donné un air d’aller au manifeste Un bond vers l’avant, à la veille de la convention du NPD. Le manifeste est le fruit d’une « réunion de deux jours à Toronto et à laquelle assistaient des représentants des droits autochtones, de justice sociale et alimentaire, environnementaux, de mouvements religieux et ouvriers du Canada. » En d’autres termes, le même genre de personnes qui feront le voyage à Edmonton ce week-end. Il se décrit comme un « Manifeste pour un Canada fondé sur le souci de la planète et la sollicitude des uns envers les autres », et plaide pour la « démocratie énergétique ». Il tient de grands discours, comme « la pénurie à l’époque où l’on voit s’accumuler des fortunes personnelles inégalées est un [sic] crise fabriquée, conçue pour éteindre nos rêves avant même qu’ils aient eu la chance de naître ».

Mais Un bond vers l’avant n’est en fait rien de nouveau. Il offre le même vieux dirigisme que la gauche colporte depuis la Révolution française, cette fois drapé de vert. Prenez aux riches, donnez aux pauvres et laissez un groupe de sages micro-gérer la vie des gens, le tout sous le couvert d’un soulèvement populiste. Un bond vers l’avant compte actuellement 35 000 signataires, incluant ses fondateurs – d’horizons aussi divers que ceux de l’actrice Pamela Anderson ou de l’auteure Naomi Klein. Lors de la convention du NPD, le manifeste sera promu par le mari de Klein, et compatriote signataire, le documentariste Avi Lewis, ainsi que par les anciens députés Libby Davies et Craig Scott, et une vingtaine de circonscriptions. Dans une lettre aux délégués, ils affirment que le manifeste pourrait jouer un rôle clé dans le renouvellement du NPD qui est enraciné dans une « audacieuse et inspirante vision de gauche du Canada ».

Faire le bond serait audacieux, c’est bien vrai. Mais il est difficile de voir comment le parti pourrait le faire sous la direction de Mulcair. Le sort de la plate-forme du NPD et son chef repose donc sur la même question : un virage plus à gauche est-il la voie vers la victoire? Après avoir acquis le statut d’opposition officielle, et quasiment formé le gouvernement à Ottawa, il est difficile d’imaginer que le parti veuille revenir à son statut de « conscience de la nation » d’antan. Si les délégués ce week-end voient le radicalisme comme leur laisser-passer pour 2019, alors le bond sera in et Mulcair, out.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site du National Post.

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