Le PCC risque d’être déchiré en deux camps : les modérés et les « alt-right »
Alors que le leader de ce que nous appelions autrefois le monde libre, maintenant le monde de la « détention indéfinie à l’aéroport », signe une ordonnance exécutive interdisant les voyageurs, les immigrants et les réfugiés de sept pays majoritairement musulmans, le reste de la planète réagi avec un mélange de stupeur et de consternation.
Des manifestations ont éclaté en Amérique et à l’étranger. Une pétition demandant que Trump soit interdit de séjour au Royaume-Uni a recueilli (jusqu’ici) plus de 1,5 million de signatures. Les sociétés spécialisées en technologie ont mis en place des fonds de plusieurs millions de dollars pour lutter contre l’interdiction de voyager. Et des avocats ont afflué vers les aéroports pour indiquer, affiche en main, qu’ils offraient leurs services gratuitement (voilà quelque chose que vous ne voyez pas tous les jours).
Pendant ce temps, à Washington D.C., le porte-parole de Trump, Sean Spicer, a cité l’attaque mortelle sur une mosquée de Québec comme étant la preuve que le président doit être proactif pour maintenir l’Amérique en sécurité. De son côté, la conseillère du président, Kellyanne Conway, avait des questions plus pressantes a l’agenda – comme déplorer le fait qu’aucun des journalistes qui « avait parlé contre Donald Trump toute la journée n’avait été congédié ». Et Trump continue d’insister sur le fait que son interdiction contre les musulmans n’est pas une interdiction contre les musulmans, en dépit d’avoir fait campagne sur une interdiction contre les musulmans et d’avoir demandé au partisan-en-chef Rudy Giuliani d’en élaborer une.
Le monde est tombé sur la tête. C’est comme si nous étions tombés dans le terrier du lapin pour émerger dans une bizarre dystopie où : les faits ont des « alternatives », seul le président peut être digne de confiance lorsque vient le temps de dire la vérité, et le 1984 d’Orwell semble plus près de la prophétie que de la fiction.
Et jusqu’à ce que la violence frappe Québec, il semblait que le Canada était l’un des rares sanctuaires de raison à subsister. Maintenant, l’incarnation la plus laide des préjugés – une attaque armée contre des personnes sans défense – a également fait voler cette image en éclats.
Certains ont été prompts à blâmer l’attaque contre la rhétorique de Trump au sud de la frontière, qui se serait infiltrée au Canada. « Je crois que cela ne peut pas être isolé », a déclaré le député et candidat à la direction du PCC Deepak Obhrai. « Je crois … que le sentiment anti-musulman est arrivé au Canada. Lorsque vous commencez à faire de la politique, que vous mettez de l’avant des politiques conflictuelles dans les communautés, les conséquences sont ce que nous avons vu à Québec ».
Jusqu’à ce que nous ayons plus de détails sur le tireur et sa motivation, nous ne pouvons pas faire ce lien avec certitude. Nous en savons plus aujourd’hui qu’hier – le suspect Alexandre Bissonnette, selon ceux qui le connaissaient, aimait beaucoup Trump. Il était également bien connu d’un groupe local d’immigration comme une personne présente sur les médias sociaux et affichant des positions en faveur de la politique anti-immigration de la politicienne française Marine Le Pen et contre les féministes.
La nature chargée de notre climat politique, en particulier ces derniers jours, amènera naturellement les gens à spéculer dans ce sens. Un regard rapide sur les médias sociaux montre que les politiques de Trump trouvent un certain soutien au Canada – un soutien qui est courtisé activement par certains collègues candidats d’Obhrai.
Cette situation a pris un tournant vulgaire ce week-end quand le président de campagne de Kellie Leitch, Nick Kouvalis, a traité Emmett McFarlane de « cuck » sur Twitter en réponse à son accusation voulant qu’il « imite les Trumpisms » dans le cadre de son « atroce campagne ». « Cuck », bien entendu, est le diminutif de « cuckservative », la nouvelle insulte préférée des membres du mouvement « alt-right » pour décrire les conservateurs qui s’insinuent dans les bonnes grâces des libéraux, devenant ainsi des « traîtres » à leur cause.
(Peut-être pensiez-vous que la rectitude politique était seulement un concept de gauche. Dans la version canadienne du mouvement « alt-right », toute personne qui ne déteste pas les musulmans, n’aime pas Trump et n’envoie pas d’aumônes à The Rebel est maintenant perçue comme l’ennemie.)
Est-ce que Leitch aura finalement le courage de laisser tomber Kouvalis pour reprendre son identité d’ancienne Red Tory? Cela reste à voir. Mais elle n’est pas la seule concurrente dans la course à jouer le Trump canadien, Kevin O’Leary a aussi une ressemblance dans le style, sinon la substance, à la personnalité populiste anti-politicienne de Trump.
En ce qui concerne l’interdiction visant les voyageurs musulmans de Trump, Leitch et O’Leary ont été étrangement silencieux, avec une Leitch tweetant que « les USA sont une démocratie. Ils ont eu une élection et fait leur choix. Je ne voudrais pas qu’ils interfèrent ici, et je ferai de même pour eux ». O’Leary n’a fait aucun commentaire, directement ou indirectement.
Cela contraste fortement avec d’autres conservateurs de premier plan, comme Michael Chong, Jason Kenney et la leader du PCC Rona Ambrose, qui ont tweeté: « Les immigrants et les réfugiés du monde entier ont grandement contribué au succès et à la prospérité du Canada. Voilà une grande part de l’histoire et de la construction de ce grand pays … Des pays comme le Canada et les États-Unis doivent protéger les groupes persécutés par ISIS et menacés de génocide. Les Yézidis, les Assyriens, comme les Chrétiens et les Musulmans. »
Est-ce que les retombées du décret présidentiel de vendredi représentent un tournant dans la course à la direction du PCC, un tournant qui éloignera les candidats d’un chemin pro-Trump? Ou sera-t-il simplement un autre pas vers une polarisation du parti dans les extrêmes : droite, populisme et peut-être même « alt-right »?
Plus que quatre mois…
La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.