Dans quelle mesure les Canadiens veulent-ils être «diversifiés»?

Un nouveau sondage suggère que nous sommes moins à l’aise avec le multiculturalisme que vous pourriez le croire

Les questions de politiques identitaires sont à nouveau sous les projecteurs – et non, ce n’est pas à cause de Donald Trump, de Kellie Leitch ou de Jean-François Lisée. Cette semaine, Angus Reid et la SRC ont publié un sondage sur les questions d’identité et de valeurs mené auprès de 4000 Canadiens. Soixante-huit pour cent des répondants se sont dit d’avis que « les minorités devraient en faire plus pour s’intégrer dans la société canadienne », contre 32 pour cent qui ont convenu que « nous devrions encourager la diversité culturelle avec différents groupes qui conservent leurs propres coutumes et langues ».

Ces vues semblent s’être renforcées au fil du temps. En 1993, le rapport Reid a révélé que 57 pour cent des personnes interrogées pensaient que le Canada devrait encourager les groupes minoritaires à essayer de changer pour ressembler davantage à la plupart des Canadiens, tandis que 34 pour cent ont dit que les Canadiens devraient essayer d’accepter les groupes minoritaires ainsi que leurs coutumes et leurs langues. Neuf pour cent étaient incertains.

D’où vient ce changement? Quarante-cinq années de multiculturalisme officiel étaient censées accroître la tolérance et célébrer la différence. « La diversité est la force du Canada », a déclaré le premier ministre Justin Trudeau, et il a raison : d’avoir une main-d’œuvre diversifiée avec différents points de vue, de forces, d’expériences et de connexions est un grand atout dans un marché mondial.

Mais un pays n’est pas seulement une question d’affaires. Les gens doivent vivre ensemble, pour s’entendre. Avoir un code de conduite et de valeurs commun rend cela plus facile. Lorsque les cultures se heurtent, la société devient moins civile – et des appels à ce que les immigrants « en fassent plus pour s’intégrer » se font entendre.

Mais l’intégration est une voie à double sens. Grâce aux politiques gouvernementales, les attentes des immigrants ont également changé : en 1970, les nouveaux arrivants ne s’attendaient pas à ce qu’ils soient en mesure de conserver les coutumes « du vieux pays ». Ils ne s’attendaient pas à ce que leurs différences fassent l’objet d’accommodations – beaucoup, comme mes propres parents, étaient tout simplement reconnaissants d’être ici. Beaucoup n’ont pas cherché à enseigner une troisième langue à leurs enfants.

Le multiculturalisme officiel a changé tout cela. Les attentes se sont déplacées et le financement a déferlé : Ottawa a dépensé des millions de dollars sur les divers groupes et organisations ethniques. Pendant ce temps, les modèles d’immigration se sont détournés de l’Europe centrale et orientale vers les Caraïbes, l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du Sud et le Moyen-Orient. En 2013, les trois principaux pays d’origine des résidents permanents étaient la Chine, l’Inde et les Philippines. Un pays enraciné dans les traditions britanniques et d’Europe occidentale a dû lentement porter son attention sur l’intégration de nouveaux arrivants de toutes les nations du globe.

Les attentes, à leur tour, engendrent l’affirmation de soi. Si les immigrants s’attendent à être en mesure de garder leur culture, ils le réclameront, ce qui exigera ce que le Québec appelle des « accommodements culturels ». Certains accommodements sont bien reçus. D’autres font l’objet de résistances. Un agent de la GRC sikh coiffé d’un turban avec son uniforme a fait l’objet d’un intense débat dans les années 1990. Depuis, les cultures ont continué à se heurter à chaque fois que les droits d’un individu sont entrés en conflit avec les droits d’un autre – quand un parent a réclamé la natation partagée dans une piscine communautaire, par exemple, ou quand des cabanes à sucre au Québec ont cessé de servir du porc, ou lorsque des parents ont exempté leurs enfants de cours de musique, pour motifs religieux.

Ces exemples peuvent sembler anodins, mais ils affectent les expériences quotidiennes de vie de bien des gens. Elles soulèvent également des questions d’égalité entre les sexes, d’équité et de tolérance – les valeurs mêmes que nous aimons définir comme « canadiennes ». Ironiquement, ce sont les mêmes valeurs utilisées pour justifier le multiculturalisme officiel.

Les attitudes changent selon les générations, et avec le temps. Quatre-vingt-trois pour cent des personnes de plus de 55 ans et 68 pour cent des immigrants qui vivent au Canada depuis plus de 20 ans croient que les membres des minorités devraient en faire davantage pour s’intégrer. À l’inverse, 47 pour cent des Canadiens âgés de 18 à 34 et 62 pour cent des immigrants qui ont été ici moins de 20 ans pensent que le Canada devrait encourager la diversité culturelle et le maintien des langues et coutumes. En même temps, 83 pour cent de tous les immigrants – tant ceux qui sont ici depuis plus de 10 ans que ceux qui ont été ici plus longtemps – disent qu’ils sont satisfaits de l’accueil qu’ils ont reçu dans leur communauté.

La question centrale de tout ça est : qu’elle est donc cette société traditionnelle dans laquelle les Canadiens, y compris une partie importante des nouveaux Canadiens, veulent que les minorités s’intègrent? Quelles sont les valeurs, les habitudes et les traditions qu’elle englobe? Comment celles-ci diffèrent-elles des valeurs, des habitudes et des traditions que les nouveaux immigrants apportent avec eux? Et de quelle façon le Canada communique-t-il la nécessité de s’adapter à la société en général lorsque le gouvernement encourage activement les immigrés à garder vivantes leurs cultures?

Ce sont des questions sans réponses faciles, mais dans un pays où un citoyen sur cinq est originaire d’un autre pays, elles ne peuvent être ignorées.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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