Dans la guerre de chiffres de l’Ontario, les étudiants sont les grands perdants

Les jonquilles sont peut-être sorties à Queen’s Park, on pouvait à peine les voir parmi les milliers de manifestants qui piétinaient la pelouse législative ce week-end. Ces derniers sont venus manifester contre la refonte du système d’éducation provincial, par le gouvernement Ford, qui éliminerait 3 475 postes d’enseignants sur une période de quatre ans, économisant ainsi 851 millions de dollars.

Le gouvernement a déclaré que ces réductions se feraient par attrition, et non par voie de licenciements. Mais les syndicats d’enseignants ne sont pas dupes. Ils affirment que Ford envisage d’éliminer encore plus de postes en augmentant la taille des classes du secondaire de 22 à 28 élèves en moyenne, et en obligeant les étudiants à suivre quatre cours en ligne pour obtenir leur diplôme.

Alors, ils sont venus en autobus de tous les coins de la province, mégaphones et pancartes à la main, unissant leurs forces à celle des étudiants, des parents et de toutes sortes de groupes déterminés à lutter contre le présent gouvernement. On se serait cru au milieu des années 1990, alors que le gouvernement de Mike Harris s’est retrouvé assiégé de façon permanente par des manifestations de groupes syndicaux qui protestaient contre des coupes allant de l’aide sociale aux soins de santé en passant par l’éducation.

Et comme à cette époque, aucune des deux parties ne semble avoir l’intention de reculer. Au lieu de cela, il y a des signes que des réductions du nombre d’enseignants ont peut-être déjà lieu: en prévision de réductions de financement dans le cadre du dépôt du premier budget du gouvernement conservateur jeudi, le Toronto District School Board (TDSB) a émis des avis d’excédent à 1000 enseignants du secondaire – une forte augmentation par rapport à l’année dernière (274 avis) et même par rapport à 2014-2015, où 515 avis ont été émis suite à une baisse des inscriptions.

En réponse, la Fédération des enseignantes et des enseignants des écoles secondaires de l’Ontario a envoyé une note de service aux enseignants excédentaires, les invitant à « se battre pour leur emploi ». Selon la présidente de la FEESO, Leslie Wolfe, « le nombre d’excédents cette année est décidément élevé. C’est absolument épouvantable si l’on tient compte du fait que le TDSB connaît une période de croissance du nombre d’inscriptions ».

Vraiment? Depuis quand? Au cours des deux dernières décennies, le nombre d’inscriptions dans les écoles publiques de Toronto a constamment diminué – une situation qui reflète la baisse globale de la fréquentation dans toute la province. En Ontario, le nombre total d’inscriptions de la maternelle à la douzième année a diminué d’environ 100 000 élèves entre 2000-2001 et 2015-2016, passant de 1 446 000 à 1 339 000, soit une perte globale de 6,7%.

Rien qu’en 2012-2016, le conseil scolaire du district de Toronto a enregistré une baisse de 5% du nombre d’inscriptions.

Après une vague de grands titres faisant état d’écoles à moitié vides, dont le cas de dizaines devant être étudié et éventuellement fermées, il est tout à fait faux de prétendre que davantage d’enseignants sont nécessaires pour la population d’élèves actuelle, à moins que les effectifs des classes ne soient eux-mêmes réduits.

Et c’est le cœur du débat. Si le gouvernement ne prévoyait pas de faire entrer plus d’enfants dans les salles de classe, il ne pourrait pas être accusé d’aggraver les choses, mais de maintenir le statu quo (qui n’est pas si bon).

Au lieu de cela, dans le monde des mathématiques conservatrices, moins égal plus. « L’Ontario a un ratio élèves-enseignant beaucoup plus faible que dans la plupart des pays et, d’une année à l’autre, les salaires et les avantages sociaux des enseignants ont augmenté, tandis que les élèves continuent de prendre du retard dans des matières aussi importantes que les mathématiques », a déclaré la ministre de l’Éducation, Lisa Thompson. Elle a ensuite défendu l’idée d’une augmentation du nombre d’élèves par classe: « Les professeurs et les employeurs nous disent aussi que les élèves manquent de capacités d’adaptation et de résilience. … En augmentant leur nombre par classe au niveau du secondaire, nous les préparons à la réalité de l’enseignement postsecondaire et du monde du travail ».

En comparaison aux Hunger Games et aux Lord of the Flies de ce monde, ces commentaires ont valu à Thompson une montée de colère de la part de l’opposition, des parents et des enseignants. Ils sont également totalement incompatibles avec la réalité – ce qui, ironiquement, vient de l’endroit même où l’éducation rencontre le secteur commercial que Ford aime tant: le système scolaire privé.

Visitez le site Web de n’importe laquelle des écoles privées et vous trouverez forcément une description de « l’avantage des petites classes »: plus d’attention, un apprentissage individualisé, moins de perturbations dans la classe. Et devinez quoi? Alors que les inscriptions dans les écoles publiques ont diminué de 2000-2001 à 2014-2015, le taux de fréquentation des écoles privées a augmenté de 17% au cours de la même période, malgré le fait que l’Ontario ne subventionne pas les frais de scolarité dans les écoles privées, qui s’élèvent en moyenne à 20 000 $ par an. Les élèves des écoles privées obtiennent également un diplôme universitaire en plus grand nombre que leurs homologues des écoles publiques. Pour les petites classes qui nuiraient à la résilience, on repassera!

Mais pourquoi considérer les preuves voulant que l’apprentissage individualisé axé sur l’enfant permette une meilleure éducation?! Pourquoi ne pas simplement traiter les enfants comme des données?! Au lieu de se concentrer sur leurs meilleurs intérêts, le gouvernement et les syndicats ont fait de tout ça; un jeu de chiffres: le nombre d’emplois en jeu, versus le nombre d’élèves par enseignant, versus le nombre de dollars dépensés ou économisés. Et ne vous attendez pas à ce que les choses se calment durant les chaudes journées d’été: les deux parties vont continuer à échanger durement alors que s’ouvre la période des négociations contractuelles.

Avec une bataille pouvant plaire autant à la base populiste des conservateurs qu’aux électeurs syndicaux de l’opposition NPD, il s’agit d’un combat familier qui pourrait rapporter des dividendes politiques – mais qui, comme d’habitude, laissera les meilleurs intérêts des étudiants de côté.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de Global…

Leave a Reply