C’est une bonne année pour être raciste

Note à Leitch : Ce n’est peut-être pas le meilleur moment d’appuyer Trump

La présidence de Donald Trump ouvre-t-elle la voie à une montée du courant dit « de l’Alternative-Right », l’Alt-Right, autour du monde – y compris au Canada?

De la femme politique française Marine Le Pen au leader britannique Nigel Farage, en passant par une foule de partis d’extrême-droite européens, la jubilation dans certains cercles est palpable. Le Pen, leader du Front national (FN), parti d’extrême droite français, a déclaré à la BBC que Trump avait « rendu possible ce qui avait été présenté comme impossible ».

« Un nouveau monde émerge », elle a tweeté. « L’équilibre mondial du pouvoir est redéfini à cause de l’élection de Trump. »

Farage, dont le parti UKIP a exploité le sentiment anti-immigrant pour sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne, a rencontré Trump samedi à New York – au grand dam de la première ministre britannique Theresa May, accusée par Farage de trahir l’intérêt national « en ne lui donnant pas un rôle officiel intermédiaire ».

Ici au pays, la candidate conservatrice Kellie Leitch a rapidement félicité Trump pour sa victoire. « Ce soir, nos cousins américains ont jeté dehors les élites et élu Donald Trump comme leur prochain président … C’est un message fort dont nous avons besoin aussi au Canada. »

Le message de Trump n’était pas simplement anti-élitiste, bien sûr. Il était anti-minoritaire, anti-femmes et anti-démocratique. Quelques jours plus tard, Leitch a dû assurer qu’elle « n’était pas raciste » en défendant sa position sur CTV News.

Pas exactement le clip sonore de l’année, Kellie – et pas facile de te sortir de cette situation cette fois-ci. Leitch voudra peut-être reconsidérer son appui au message de Trump, alors qu’il est si vigoureusement récupéré par le mouvement de suprématisme blanc américain.

Andrew Anglin, propriétaire du Daily Stormer, un site d’extrême droite très populaire auprès des néonazis, a dit de Trump : « Notre Glorieux Leader a été élevé au rang de Dieu Empereur. Ne vous détrompez pas; nous l’avons aidé. » Dans un même ordre d’idée, David Duke a déclaré : « Nous l’avons remporté pour Donald Trump. » Le KKK planifie un défilé de victoire en Caroline du Nord pour célébrer la victoire de Trump.

De son côté, Trump en fait bien peu pour apaiser les préoccupations que ces vues extrémistes vont animer son gouvernement. Au lieu de cela, il semble avoir ouvert toutes grandes les portes de la Maison Blanche à l’Alt-Right. Lundi, Trump a nommé Stephen K. Bannon comme conseiller principal, pour travailler « en tant que partenaires égaux » avec le nouveau chef de cabinet Reince Priebus. Bannon était le président exécutif du site de nouvelles Breitbart, qui a déjà publié des articles qualifiant le commentateur conservateur Bill Kristol de « rabat-joie républicain, ou juif renégat » et diffuse les propos d’un chroniqueur nommé « Milo » qui prétend que le féminisme rend les femmes laides et que le contrôle des naissances les rend « peu attrayantes et folles ».

On a beau décrire le style de gouvernement de Trump de bien des façons (populiste? fasciste?), une chose est sûre : il n’est pas conservateur. Le conservatisme – de la variété d’Edmund Burke, William F. Buckley et Ronald Reagan – est mort. Ceux qui ont condamné la Révolution française pour ses ravages meurtriers, ou qui ont défendu la cause de la liberté individuelle et ont décrié le régime dictatorial de l’ex-Union soviétique, seraient autorisés à en dire bien peu dans le nouvel univers de Trump. Le Parti républicain est maintenant dirigé par un démagogue narcissique qui parle de rétablir le régime d’Assad en Syrie, de déchirer des accords de libre-échange et de faire équipe avec le président russe Vladimir Poutine en matière de politique étrangère.

Buckley, considéré comme le parrain philosophique du conservatisme américain, a écrit ceci en 1990 à propos de Donald Trump :

Qu’en est-il de l’aspirant qui a une vision privée à offrir au public et a les moyens, personnels ou artificiels, de financer une campagne? … Recherchez le narcissique. La cible la plus évidente dans l’alignement d’aujourd’hui est, bien sûr, Donald Trump. Quand il voit un miroir, il est hypnotisé par son reflet. Si Donald Trump était constitué différemment, il tenterait sa chance au concours de Miss America. Mais quelles que soient les profondeurs de son enchantement, le démagogue doit dire quelque chose. Alors, qu’est-ce que Trump dit? Qu’il est un homme d’affaires prospère et que c’est ce dont l’Amérique a besoin dans le Bureau ovale. Il y a un certain degré de plausibilité dans cela, mais pas beaucoup. Les plus grands exploits des présidents américains – donner naissance à la nouvelle république; libérer les esclaves; exploiter les énergies et posséder les visions nécessaires pour remporter la guerre froide – avaient très peu à voir avec des objectifs de rentabilité.

Il est déchirant de voir comment le parti de ces grandes réalisations, d’Abraham Lincoln à Ronald Reagan, est devenu le parti d’un mangeur de fond comme Trump.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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