Ce à quoi devrait ressembler une relation de «nation à nation» avec les autochtones canadiens

Encore une fois, les premiers ministres du Canada se sont réunis pour leur Conseil de la fédération annuel d’été, tenu cette année à Edmonton. L’ordre du jour comprend le commerce et Trump, le pot et les provinces, les infrastructures et l’investissement. Il comprend également une rencontre avec les représentants de cinq organisations autochtones nationales afin de discuter des différentes questions qui concernent leurs communautés.

Il comprenait à tout le moins une rencontre, jusqu’à ce que trois des cinq organisations se soient retirées le premier jour. Lundi matin, le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, le président d’Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, et le président du Ralliement national des Métis, Clément Chartier, ont décidé de ne pas y assister, citant « un certain nombre de préoccupations concernant la structure » de la réunion. Lors d’une conférence de presse à Toronto, Bellegarde a déclaré qu’« au cours de la dernière année, il est devenu apparent dans certains forums fédéraux et provinciaux, qu’il existe un mouvement visant à tenter d’exclure ou de limiter la participation des peuples autochtones d’une manière très significative et substantielle ».

Pour le Canadien moyen non-autochtone, cela peut probablement paraître surprenant, compte tenu du fait que le gouvernement fédéral actuel a pris le pouvoir sur la promesse « de renouveler [les liens du Canada] avec les peuples autochtones et de bâtir une relation de nation à nation sous le signe de la reconnaissance, des droits, du respect, de la coopération et du partenariat ». Depuis, cependant, les dirigeants autochtones sont de plus en plus en colère contre les séries de promesses brisées et les initiatives ratées. Ces dernières comprennent notamment le refus du gouvernement Trudeau d’inclure la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien, l’approbation de deux grands projets d’oléoducs et le houleux effondrement de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Rien de tout cela n’est la faute des provinces, bien sûr. Mais certaines attentes au niveau fédéral ont contribué à la création d’un climat de frustrations avec les élites politiques et à tous les niveaux, et d’un sentiment que le concept de « nation à nation » se révèle n’être que des mots plus ou moins vides. « Nous ne sommes pas des minorités ethniques », a déclaré Bellegarde. « Nous sommes des peuples autochtones, nous avons le droit à l’autodétermination. Parce que nous avons nos propres terres, nous avons nos propres lois, nous avons nos propres langues, nous avons nos propres peuples identifiables et nous avons nos propres formes de gouvernement identifiables. Il faut donc respecter ce droit inhérent. »

Il faut les respecter, oui, mais ils doivent aussi être définis. Et c’est là que les revendications des trois dirigeants autochtones vont trop loin, dans le cadre précis de cette réunion.

Une réunion des premiers ministres, par définition, est une réunion de personnes qui ont été élues pour gouverner une province ou un territoire. Accorder une pleine et entière participation à des personnes qui n’ont pas été élues par suffrage populaire et voies reconnues changerait entièrement la notion de cette réunion et ouvrirait la porte à tout groupe qui se considère comme digne de ce statut. Le premier ministre lui-même n’a pas le droit d’y assister, ni être membre du conseil.

L’adhésion au conseil n’est pas non plus le résultat du respect du droit à l’autodétermination. Ce droit est inhérent – il ne peut pas être enlevé, mais il n’y a pas de programme unique pour son expression. Le Québec, par exemple, a longtemps revendiqué le droit à l’autodétermination, et deux gouvernements ont essayé d’exercer ce droit par le biais de référendums qui proposaient de quitter le Canada. Aucun vote n’a réussi, même si le référendum de 1995 est venu très près d’y parvenir.

Au lieu de cela, au cours des dernières décennies, les Québécois ont affirmé leur droit à l’autodétermination tout en restant au sein de la fédération; ils ont un accord d’immigration distinct avec Ottawa, un système de retraite distinct, un régime fiscal distinct et, depuis plus d’un siècle, un système légal distinct. Le Québec ne peut pas être une société distincte dans le sens constitutionnel, mais il l’est en pratique.

En même temps, la province respecte toujours la Charte fédérale des droits et libertés; son gouvernement a la même juridiction que les autres gouvernements provinciaux et ses citoyens sont liés par les mêmes lois pénales que les autres Canadiens.

En d’autres termes, il est possible de se déterminer en suivant certaines limites. Mais vous devez accepter la structure qui sous-tend ces limites, sinon l’ensemble du processus est voué à l’échec.

De façon ironique, Trudeau l’a lui-même énoncé dans sa défense de sa décision d’approuver les oléoducs en décembre 2016:

« … (N)ous sommes un pays où nous avons la règle de droit. Nous sommes un pays où nous avons des processus de consultation. Nous avons régulièrement des élections. Nous avons des façons de protester pour faire entendre vos préoccupations, et tout cela est tout à fait conforme … Et c’est quelque chose qui est important dans notre discours national en tant que pays. »

Le premier ministre a raison sur ce point, mais s’il est vraiment sérieux à propos d’une relation « nation à nation », il doit être clair sur ce que cela veut dire. Il ne peut tout simplement pas promettre de réparer les maux du passé sans établir un plan clair pour l’avenir.

En même temps, les Premières nations devront s’entendre sur ce qu’elles peuvent accepter en termes d’autonomie et d’autodétermination. Et il y a des articles non négociables – la Charte des droits étant un excellent exemple. Pourquoi les femmes et les personnes LGBTQ ne devraient-elles pas se prévaloir des protections de la Charte si elles font l’objet d’une discrimination, qu’il s’agisse de membres des Premières nations ou non?

Il y a un urgent besoin pour une plus grande participation des peuples autochtones dans nos politiques, par le biais de plus de autochtones canadiens qui occupent des postes et travaillent au sein d’organisations nommées par divers paliers de gouvernement. La création d’équivalences arbitraires entre les titres et les positions n’est pas la solution. Ni les promesses creuses.

La version anglaise de ce texte se trouve sur le site de iPolitics.

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